Violences conjugales : de nouvelles directives adressées aux policiers et aux magistrats
Par Lorélie Carrive
Consigne a été donnée aux policiers de "prioriser" le traitement des affaires de violences conjugales. Dans une circulaire, Éric Dupond-Moretti demande également un "état des lieux" des dossiers déjà jugés afin d'identifier les cas où un bracelet anti-rapprochement pourrait s'avérer nécessaire.
"Il faut prioriser le traitement de ces affaires" : dans une note interne adressée ce lundi aux policiers, le directeur central de la sécurité publique délivre des instructions pour la prise en charge des victimes de violences conjugales et la façon dont sont menées les enquêtes. Une réponse à l'émoi suscité par les féminicides d'Hayange et Mérignac ces dernières semaines.
Jean-Marie Salanova exige ainsi le "recensement immédiat" des dossiers et l'envoi "sans délai" au parquet des plaintes et mains courantes. Objectif : traiter ces affaires en temps réel pour éviter de laisser en attente des dossiers urgents par nature. Pour ce faire, les policiers pourront bénéficier du renfort d'enquêteurs, délestés de leurs tâches habituelles.
Passage en revue des tous les dossiers jugés
Une autre impulsion a été donnée parallèlement ces derniers jours par le ministre de la Justice, par le biais d'une circulaire adressée aux juridictions. Éric Dupond-Moretti y réclame "une vigilance accrue" en matière de traitement des violences conjugales, notamment dans les dossiers où une condamnation a déjà été prononcée.
À ce titre, il demande demande aux magistrats et aux services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP) de "procéder à un état des lieux de tous les dossiers" ayant déjà été jugés, "afin d'identifier les personnes condamnées suivies en milieu ouvert ou fermé, dont les antécédents et la personnalité rendent nécessaires l'octroi d'un dispositif de protection tel que le bracelet anti-rapprochement".
Inspiré par l'Espagne, le bracelet anti-rapprochement connaît en France un démarrage timide depuis sa généralisation en décembre dernier à l'ensemble du territoire hexagonal, après une phase d'expérimentation. Le principe : l'auteur des violences se voit imposer le port à la cheville d'un dispositif électronique, géolocalisé. S'il pénètre dans la zone interdite définie par le juge, la victime reçoit une alerte via un téléphone spécial, également géolocalisé.
78 bracelets anti-rapprochement activés
Sur le millier de bracelets anti-rapprochement disponibles, 78 étaient activés au 31 mai (contre 38 à la mi avril). Une faible proportion qui s'explique entre autres par le manque d'instructions claires autour de leur utilisation, selon Anne Bouillon, avocate au barreau de Nantes et spécialiste des dossiers de violences conjugales. "Il faut savoir comment ça marche, dans quel cadre, qui peut en prononcer", souligne-t-elle, se félicitant que la chancellerie délivre un mode d'emploi "Moi, pour l'instant, à Nantes, je n'en ai jamais vu, alors que je défends tous les jours des femmes devant les juridictions pénales et civiles."
Autre directive : informer systématiquement les victimes de la date de sortie de prison de leur agresseur. Une disposition "essentielle" aux yeux d'Anne Bouillon. "Je suis à chaque fois consternée d'apprendre, de manière complètement fortuite, que des hommes violents ont été remis en liberté sans que la victime n'ait été informée", souligne-t-elle. "Vous n'imaginez pas l'anxiété de ces femmes, suspendues à la libération des hommes qui les ont violentées. Les prévenir de la remise en liberté, c'est quand même un minimum pour assurer leur protection."