Violences faites aux femmes : que proposent les candidats à l'élection présentielle ?

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Violences faites aux femmes : que proposent les candidats à l'élection présentielle ?

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"Grande cause" du quinquennat d'Emmanuel Macron, les associations dénoncent un programme inabouti.
"Grande cause" du quinquennat d'Emmanuel Macron, les associations dénoncent un programme inabouti.
© Maxppp - Thomas Brégardis / Ouest-France

Au quatrième jour de 2022, trois femmes ont déjà été tuées par leur conjoint ou ex-conjoint, selon le collectif Féminicide par conjoint ou ex. À l'heure où #Noustoutes appelle le gouvernement à réagir, que proposent les principaux candidats à l'élection présidentielle ? Tour d'horizon.

Elles s'appelaient Éléonore, Muriel et Lisa. Elles sont les trois premières victimes françaises de féminicides de l'année 2022, selon le collectif Féminicide par conjoint ou ex qui les recense depuis 2016. En 2021, 113 femmes ont été tuées par leur conjoint ou ex-conjoint, selon ce même décompte. Le collectif #NousToutes dénonce dans un communiqué le "silence d'Emmanuel Macron et du gouvernement" face à un décompte "insupportable".

Si le président de la République a fait de l'égalité femmes-hommes la "g_rande cause du quinquennat_", les mesures mises en place par le gouvernement depuis cinq ans sont loin d'être suffisantes, selon les associations de défense des droits des femmes. Comment mieux protéger les femmes ? En pleine campagne présidentielle, que proposent les principaux candidats à la succession d'Emmanuel Macron ? Comment se sont-ils emparés de la question des féminicides?  Tour d'horizon des programmes.

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Jean-Luc Mélenchon : "1 milliard d’euros pour éradiquer les violences sexistes et sexuelles"

La France Insoumise fait de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles l’une de ses priorités, en y allouant un budget de taille : 1 milliard d’euros pour les éradiquer. Un montant conséquent, également promis par les principaux candidats de la gauche : Yannick Jadot, Anne Hidalgo et Fabien Roussel*. La France Insoumise souhaite "travailler main dans main avec les associations" et précise sur son site

Les associations effectuent un travail de qualité, déterminant. Elles ne bénéficient cependant pas d’un soutien suffisant, il est donc nécessaire de revaloriser immédiatement leurs dotations.

Candidat le plus engagé sur le sujet en 2017, Jean-Luc Mélenchon présente de nouveau en 2022 un programme conséquent, articulé en quatre volets : la prévention, la formation des professionnels, le soutien aux associations et l'hébergement des femmes victimes de violences. 

Sur ce dernier point il prévoit "l’augmentation des places d’hébergement d’urgence" mais aussi, et c'est propre à la France Insoumise, "un plan ambitieux de construction de logements sociaux qui pourra marquer le temps de la reconstruction de façon pérenne". Cet hébergement dans la durée des femmes victimes de violences est l'une des mesures phares demandées par les collectifs qui leur viennent en aide. À l'heure actuelle, beaucoup se retrouvent obligées après quelques mois de retourner au domicile d'un conjoint ou d'un ex violent. 

Un milliard d'euros sur la table, mais Jean-Luc Mélenchon se dit prêt à donner plus, si les associations le jugent nécessaire : "Personne ne peut accepter des meurtres de cette nature sans mettre en face les moyens d’y remédier." Dans un tweet daté du 25 novembre, l'insoumis déclare vouloir réaliser "un mandat de lutte contre les violences faites aux femmes". 

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Un point important mis en avant par la gauche dans ce combat contre les violences faites aux femmes, est cher aux associations : la prévention. Au-delà de la protection des victimes, il faut aller à la "racine du problème", détaille Jean-Luc Mélenchon, "s’interroger : d’où vient la violence masculine dans ces situations ?"

Il s'agit pour lui de "renforcer les actions préventives partout où cela est possible : des écoles aux universités, dans l’ensemble des établissements publics, des centres de formation, des entreprises et dans les transports en commun."

Yannick Jadot : en finir avec "la culture du viol"

Le candidat désigné par la primaire écologiste présente lui aussi un programme ambitieux, en phase avec les recommandations des associations. Il prévoit également de consacrer un milliard d’euros à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles. Dans une vidéo tournée le 25 novembre, il dit vouloir consacrer ce milliard à développer "la formation, la capacité à intervenir et le développement des capacités d’hébergement" en rappelant que 4 femmes sur 10 qui en ont besoin ne trouvent pas d’hébergement d’urgence. 

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Le travail avec les associations est moins mis en avant que chez Jean-Luc Mélenchon. En revanche, selon Yannick Jadot, la lutte contre les féminicides et les violences conjugales est indissociable de la lutte pour l’égalité réelle et contre la "culture du viol". 

Le 1er octobre, il a co-signé une tribune dans le journal Le Figaro, dans laquelle il expose ses trois mesures phares contre les violences faites aux femmes : "une police et une justice spécialisées", "modifier la définition du viol" et "mettre en place un budget genré". Comme tous ses concurrents, il compare la situation française à celle de l'Espagne, pays pionnier dans la lutte contre les violences de genre. 

Il souhaite délivrer une "formation initiale qualifiante" (diplômante) aux forces de l’ordre et au personnel judiciaire et la rallonger : elle est de 8 mois actuellement en Espagne, contre 3 heures en France. Il souhaite également mettre en réseau "la justice, la police, les travailleurs sociaux et les professionnels de santé afin de mieux prendre en charge les victimes" (une mesure qui existe déjà dans certains territoires). 

Pour cela, le candidat écologiste souhaite "revoir les dispositions du Code civil relatives à la protection, afin qu’elle puisse être octroyée dès que les violences sont vraisemblables et non plus conditionnée à l’existence d’un "danger actuel", très difficile à prouver". 

Point distinctif du candidat écologiste : la lutte contre les violences faites aux femmes doit contenir un volet renforcé de lutte contre les violences sexuelles. Il prône une requalification du viol, en modifiant sa définition dans le Code pénal. Celui-ci doit "enfin être déterminé par l’absence de consentement de la victime", comme l’exige selon le militant écologiste, la convention d’Istanbul signée par la France. Actuellement, il est défini comme un acte sexuel commis avec "violence, contrainte, menace ou surprise".

Enfin, comme Jean-Luc Mélenchon, le candidat vert insiste sur la prévention de ces violences. Il prévoit notamment de faire appliquer les cours "d'éducation sexuelle", déjà présents dans la loi mais qui ne sont pas réellement mis en place, notamment concernant leur volet "juridique", selon #NousToutes. Le programme d'Europe Écologie-les Verts, prévoit dans sa rubrique " l'égalité pour toutes et tous" (p.63) de faire appliquer "l’obligation légale de formation de 3 heures par an sur l’égalité fille-garçon", au collège et au lycée. 

Anne Hidalgo : un "référent unique" comme en Angleterre

Anne Hidalgo a elle aussi détaillé les mesures qu’elle souhaite prendre pour lutter contre les violences faites aux femmes, si elle est élue. Dans une tribune publiée dans le journal Le Monde le 25 novembre dernier, la candidat socialiste appelle le gouvernement actuel à augmenter la somme allouée à cette cause. "Il est grand temps d’écouter les associations qui demandent un milliard d’euros à l’État" écrit-elle.

Ce chiffre n’est pas symbolique, il est la condition de notre réussite collective

Sur le plan de la prise en charge des victimes, elle cite elle aussi l’exemple de l’Espagne, où "les résultats sont incontestables, les meurtres ont diminué de 15%". Elle propose la création d’"unités de police et de magistrats spécialisés, puis de pérenniser l’existence d’un parquet spécifique, tel qu’il est expérimenté à Nantes". 

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Anne Hidalgo propose également la mise en place d’un "référent unique", comme en Angleterre, qui suit la victime et l’accompagne dans toutes ses démarches, dès le signalement des violences. Elle veut ouvrir de nouvelles places d'hébergement d'urgence, notamment pour héberger les femmes "au moment clé de la séparation", propice au féminicide. 

Concernant les violences sexuelles, la maire de Paris souhaite que la justice cesse de "correctionnaliser les viols et agressions sexuelles", reprécisant qu'il s'agit de "crimes", qui doivent être traités comme tels

Enfin, point important moins évoqué par les autres candidats : elle veut faire de la suspension de l’autorité parentale "le principe pour les personnes reconnues coupables de violences intrafamiliales." Depuis le Grenelle des violences conjugales, l'autorité parentale est automatiquement suspendue en cas de féminicide. En revanche, en cas de violences, la suspension est possible mais pas automatique. 

Fabien Roussel : adoption d'une "loi-cadre sur les violences intrafamiliales"

Le candidat du parti communiste n’a pas encore dévoilé son programme en matière de lutte contre les violences sexistes et sexuelles, ni ne s’est exprimé publiquement sur la question. Sur le site de son parti, une tribune tout de même, publiée le 25 novembre dernier, avance deux mesures principales : le milliard d’euros, demandé par les principaux candidats de la gauche pour lutte contre ces violences, et l’adoption d’une loi-cadre sur les violences intrafamiliales, avec notamment "un volet portant sur les dispositifs de prévention et d’accompagnement". 

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Nathalie Arthaud : "lutter contre l'oppression des femmes"

Nathalie Arthaud a interpellé le gouvernement sur les 3 féminicides qui ont marqué le début de l'année 2022. Si son parti, Lutte Ouvrière, entend "lutter contre l'oppression des femmes", aucune mesure concrète pour mettre fin aux violences conjugales n'est pour l'instant précisée dans ses positions.

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Philippe Poutou : "l'asile pour les femmes victimes de violences"

Outre des "moyens pour accueillir les femmes victimes de violences (logement, formation des personnels)", Philippe Poutou, candidat du NPA, réclame l'asile pour les femmes victimes de violences, ainsi qu'une "éducation non-sexiste"

Valérie Pécresse : "réduire les délais de la justice"

Invitée lundi matin sur RTL, Valérie Pécresse a dit vouloir faire des violences faites aux femmes "l’une de ses priorités". En réalité, elle n'y consacre que trois lignes dans son projet de 24 pages, intitulé "L_e courage de dire et la volonté de faire_". Elle propose de prioriser ces dossiers et de réduire les délais de la justice : 

Les violences intra-familiales, et en particulier les violences conjugales, seront instruites en 72h et jugées en 15 jours. 

Elle souhaite une justice spécialisée comme en Espagne. "Je veux un processus singulier où en six jours, les ordonnances sont rendues. Quand on va porter plainte pour violences, c'est que la situation est extrêmement dégradée à la maison et que cela ne va pas s'arranger", explique-t-elle encore sur RTL. Pour cela, elle prévoit de revaloriser le budget global de la justice de trois milliards d'euros, et d'embaucher 3 000 juges, 2 000 procureurs et 3 000 greffiers. Toutefois, #NousToutes insiste sur la nécessité d'un budget spécifique dédiée aux femmes victimes de violence.

Marine Le Pen : lutter contre le harcèlement de rue

Marine Le Pen non plus n’a pas dévoilé son programme, mais aucune de ses déclarations récentes ne concerne d’éventuelles mesures contre les femmes victimes de violences conjugales. Traditionnellement, les partis d'extrême droite traitent quasi-uniquement les violences faites aux femmes par le prisme du "harcèlement de rue".

Dans la vidéo partagée sur Twitter par la candidate RN le 25 novembre dernier, des femmes soutenant Marine Le Pen déclarent "ne plus vouloir avoir peur lorsqu’elles rentrent du travail ou vont en soirée dans les transports en commun". Une autre lance : "Il faut que ça cesse d’entendre que la moindre violence peut être justifiée parce que le responsable n'aurait pas les codes culturels ; de me faire harceler parce que je ne porte pas le voile". 

Marine le Pen ne défend pas les femmes contre les violences conjugales mais la "sécurité des femmes partout".  Ainsi, parmi ses quelques mesures, elle souhaite "que le harcèlement de rue à connotation sexuelle soit passible de prison", comme elle l'a déclaré au micro d'Europe 1 en septembre dernier. 

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Elle ironise d'ailleurs sur les bracelets anti-rapprochements. Quelques jours après le féminicide de Chahinez à Mérignac, qui a particulièrement marqué l'opinion publique (elle a été brûlée vive par son époux en mai 2021), Marine le Pen s’est dite victime d’une "obsession à son égard" de la part d’Eric Dupont-Moretti et a ajouté à la presse : "il paraît qu'il reste quelques bracelets anti-rapprochement en rab, je suis preneuse". 

Zemmour, Lassalle, Asselineau : le néant ou presque, et des accusations de violences sexuelles

Il n'y a aucune mesure de lutte contre les violences sexistes et sexuelles dans les trois premiers piliers du programme d'Eric Zemmour, qui ont déjà été publiés. Le programme de Jean Lassalle n'a pas encore été mis en ligne, et son site renvoie vers celui de 2017, dans lequel il préconisait deux mesures : "accueillir spécifiquement dans les commissariats les femmes victimes de violences" et "financer des familles d’accueil pour les femmes victimes de violences". 

François Asselineau précise : "nous veillerons à la bonne application des dispositions protégeant les femmes victimes de violences : traitement de toutes les plaintes, éloignement du conjoint violent, bracelets anti rapprochement."

Rappelons ici que ces trois candidats, Eric Zemmour, Jean Lassalle et François Asselineau, sont visés par des accusations d'agressions sexuelles, ce dernier faisant l'objet d'une mise en examen

Ce que pense le collectif #NousToutes de ces mesures

Selon le collectif, l'ensemble de ces mesures est insuffisant. En effet, "si dans certains programmes, il y a beaucoup plus de mesures qui visent à l'égalité entre les hommes et les femmes que d'autres", note tout d'abord Marylie Breuil, du collectif #NousToutes, "en ce qui concerne la lutte contre les violences sexistes et sexuelles et la lutte contre les violences conjugales, dans la globalité il n'y a pas grand chose qui est mis en place". 

Tout ce qui est proposé est aberrant, car en décalage avec l'ampleur et la réalité des violences sur le terrain.

"Beaucoup de candidats n'en font pas état, et quand ils en parlent c'est minime, alors que les violences touchent une très grande partie de la population", poursuit Marylie Breuil. 

Concernant la mesure phare de la gauche du "milliard d'euros" pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles, en réalité elle ne correspond pas à la demande des associations, explique Marylie Breuil. C'est un rapport du Haut Conseil à l'Égalité qui avance cette somme. "Le montant d'1 milliard d'euros est préconisé pour mettre fin aux violences au sein du couple" et non à l'ensemble des violences sexistes et sexuelles

Jean-Luc Mélenchon, Yannick Jadot et Fabien Roussel sont donc pour l'instant hors-cadre. Seule Anne Hidalgo, qui demande à l'État , par une formulation plus vague, "d’écouter les associations qui demandent un milliard d’euros" est théoriquement dans les clous. 

Le collectif #NousToutes voit par ailleurs émerger des mesures abstraites, du type "renforcer les moyens contre les violences faites aux femmes". Mais "c'est très vague, on a déjà à l'heure actuelle un gouvernement qui souhaite renforcer ces moyens-là. Sont-ils matériels, financiers, humains ?" s'interroge la militante. 

En réalité, beaucoup de choses pour lutter contre les violences conjugales sont déjà mises en places, mais ne sont pas appliquées.

#NousToutes milite pour des mesures concrètes : certaines sont reprises par les candidats (comme l'application des cours d'éducation sexuelle par Yannick Jadot) et d'autres demeurent absentes de tous les programmes. Elles réclament notamment pour la mise en place d'un "brevet d'éducation à la non-violence", sur le modèle de l'ASSR pour "éduquer collégiens et lycéens à la non-violence". 

Elles attendent les candidats sur trois points spécifiques : l'éducation, la prévention et la formation. "Certains programmes mettent en place des politiques de répression, mais nous sommes persuadées que ce n'est pas comme ça que nous pourrons éradiquer les politiques de violences faites aux femmes."