Violences faites aux femmes : six questions sur le fichier des délinquants sexuels voulu par Macron

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Violences faites aux femmes : six questions sur le fichier des délinquants sexuels voulu par Macron

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Emmanuel Macron sur le plateau de franceinfo, ce vendredi matin.
Emmanuel Macron sur le plateau de franceinfo, ce vendredi matin.
- Capture d'écran franceinfo

Le Président sortant souhaite mettre en place un fichier des délinquants sexuels pour lutter contre les violences faites aux femmes. Il l'a annoncé ce vendredi sur franceinfo. De quoi s'agit-il ? Est-ce dans son programme ? Quelles sont les réactions ? Décryptage.

A moins de dix jours du second tour de la présidentielle, Emmanuel Macron enchaîne les déplacements sur le terrain et les interviews dans les médias. Le candidat LREM était ce vendredi matin l'invité de la matinale de franceinfo. Une émission au cours de laquelle il a répondu à des Français qui l'interpellaient, notamment sur le thème des violences faites aux femmes, l'un des sujets majeurs de cette campagne. Afin d'y lutter, il s'est notamment engagé à mettre en place un fichier des délinquants sexuels, à l'image de celui sur les fichés S.

Qu'a annoncé Emmanuel Macron ?

Le président sortant répondait à la question d'une jeune femme de 26 ans, qui fait partie des victimes qui ont témoigné dans le cadre du mouvement insufflé par le hashtag "double peine", sur les réseaux sociaux. En plateau, la jeune femme lui a demandé “s’il n’y avait pas moyen de ficher les délinquants sexuels”, sur le modèle de ce qui est fait en matière de lutte antiterroriste pour les fichés S.

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Ce sera le cas, cela fait partie de mes engagements écrits”, a alors assuré le candidat et président sortant. “Quelqu’un qui a déjà fait l’objet de dépôt de plainte et/ou qui a un casier lié à des violences intraconjugales” sera inscrit dans un “fichier administratif ”.

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De quoi s'agirait-il ?

Ce type de fichage est à différencier d'un fichier judiciaire, comme le Fijais (Fichier des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes) pour lequel une condamnation est notamment nécessaire. Le fichage administratif des délinquants sexuels voulu par Emmanuel Macron concernerait “des gens dont on sait qu’ils sont susceptibles d’être violents, parce qu’il y a déjà eu des alertes”, à partir des mains courantes ou des plaintes entamées mais inachevées, a-t-il précisé.

Ce fichier serait donc bien plus large que celui qui existe. L’idée est "de pouvoir ficher toutes ces personnes pour que quand leurs compagnes ou futures compagnes viennent [au commissariat], on puisse savoir que c’est quelqu’un qui a déjà des antécédents et avoir une alerte supplémentaire”, a ajouté le président. "On a commencé à faire ce travail que je veux pouvoir faire dans la continuité”, a également déclaré le candidat et président sortant.

Est-ce inscrit dans son programme ?

Actuellement non. Ses propositions pour la sécurité sont mentionnées dans la partie "Le pacte pour la République", de son programme. Elle comporte ainsi différentes mesures réparties dans différents "chapitre". Dans celui sur la "sécurité du quotidien", le président sortant, sur ce sujet des violences faites aux femmes, cite exclusivement le "triplement de l'amende contre le harcèlement de rue, pour la sécurité des femmes." Il ne fait pas non plus mention de ce fichier dans le "chapitre" sur les sanctions pour les délinquants.

Sa proposition n'apparaît pas non plus dans sa profession de foi du premier tour. En matière de sécurité, Emmanuel Macron y met plutôt en avant sa volonté "d'achever le doublement de la présence des forces de l’ordre sur la voie publique et recruter 8.500 magistrats et personnels de justice en plus d’ici 2027".

Qu'en disent les policiers ?

Plusieurs sources policières syndicales consultées se disent très surprises par cette sortie, et mettent en doute la viabilité d’un tel projet. L’une d’elles rappelle, sous couvert d'anonymat, que cela avait été effectivement évoqué lors du Grenelle sur les violences faites aux femmes mais qu’il n’y avait pas eu de suites jusque-là.

Une déléguée nationale d’un syndicat d’officier alerte sur les risques, en termes de véracité des faits, que font peser les plaintes sans traitement judiciaire ou les dépôts de main courante. Cette dernière rappelle néanmoins les dénonciations de violences faites aux femmes font dorénavant l'objet de plaintes systématiques. Une simple main courante n'est plus possible.

Un autre délégué rappelle surtout qu’il existe déjà un fichier qui recense les mises en cause en amont des condamnations par un tribunal, à partir du moment où il y a eu plainte ou main courante : le TAJ, traitement d’antécédents judiciaires. "Un suspect accusé d’agression sexuelle dans le nord, s’il recommence dans le sud avec une autre compagne, ce sera visible sur l’ordinateur du commissariat en question lors du dépôt de plainte" explicite cette source.

Comment réagissent les associations de lutte contre les violences faites aux femmes ?

Emmanuelle Piet, médecin présidente du collectif féministe contre le viol réagit auprès de France Inter : "Nous avons déjà un fichier de délinquants sexuels, y rajouter les délinquants sexuels conjugaux, c'est la moindre des choses". Pour la médecin, "ils devraient déjà y être, parce que - de l'expérience professionnelle que j'en ai - pratiquement toutes les femmes victimes de violences conjugales sont également victimes de violences sexuelles conjugales". "C'est la vieille réparation sur l'oreiller. On appelait ça comme ça. C'est donc remettre ces faits sur le lot commun", estime-t-elle.

Quelle est la position de Marine Le Pen sur ce fichier ?

Lors de son déplacement dans le Vaucluse, à Pertuis, Marine Le Pen, pourtant interrogée sur un tout autre sujet, a réagi à cette proposition de son adversaire. Elle dénonce "quelque chose de choquant". "Je trouve que c'est trop dangereux, je vous le dis, si une simple main courante peut permettre d'inscrire quelqu'un sur un fichier administratif pour des faits qui ne sont pas liés à un risque terroriste, c'est là une très grave remise en cause de notre état de droit." La candidate RN évoque même "un sujet d'inquiétude", au sujet de cette proposition du président.