Violences sexistes et sexuelles : l'appel de 285 femmes engagées en politique pour un "#MeToo politique"

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Violences sexistes et sexuelles : l'appel de 285 femmes engagées en politique pour un "#MeToo politique"

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La tribune a été signée par 285 femmes travaillant dans le milieu politique et universitaire [photo d'illustration].
La tribune a été signée par 285 femmes travaillant dans le milieu politique et universitaire [photo d'illustration].
© Maxppp - IP3 PRESS

Dans une tribune publiée dans Le Monde lundi, 285 femmes engagées en politique appellent à écarter les auteurs de violences sexistes et sexuelles de la vie politique. Le site metoopolitique.fr a été créé pour inviter à s'engager. Mais dans la soirée, les fondatrices du site ont indiqué qu'il avait été hacké.

Les auteurs de violences sexuelles et sexistes n'ont plus leur place en politique. C'est le message délivré par 285 femmes dans une tribune publiée ce lundi dans Le Monde. Elles sont élues, collaboratrices, fonctionnaires, responsables associatives ou encore militantes et appellent "à une réponse d’ampleur aux violences sexuelles et sexistes commises par nos représentants".

À l'approche de l'élection présidentielle et des élections législatives, "nous ne pouvons plus attendre", "les partis doivent s'engager à prévenir et à faire cesser les violences dans le monde politique", explique Madeline Da Silva, maire adjointe des Lilas (Seine-Saint-Denis) chargée de l’égalité femmes-hommes et de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles et signataire de la tribune.

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Toute la journée, des témoignages de femmes victimes de violences ont été partagés sur les réseaux sociaux. Pour relayer leur parole et inviter les partis politiques mais aussi les citoyens à s'engager, le site metoopolitique.fr a été créé par les femmes à l'origine de la tribune. Mais dans la soirée, elles ont constaté que ce site ne fonctionnait plus. "Il n’aura pas fallu 12 heures pour tenter d’étouffer le #MeTooPolitique français", écrivent-elles dans un communiqué, dénonçant un piratage. "Notre site a été hacké, muselant la parole des victimes et empêchant l’engagement des élu·e·s en faveur de la prévention des violences sexistes et sexuelles en politique." Ce mardi matin, le site ne fonctionne toujours pas.

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"Les violences sexistes et sexuelles sont massives" en politique

Dans la tribune, les signataires constatent qu'"au sein du Parlement, des mairies, des conseils départementaux et régionaux, des hommes mis en cause, parfois condamnés pour viol, pour agression sexuelle, pour atteinte sexuelle sur mineur, pour violences conjugales, sont élus, malgré les discours affichés sur la lutte contre les violences faites aux femmes, malgré nos alertes répétées", écrivent-elles. "Qu’est devenue la grande cause du quinquennat ?" D'autant qu'elles notent que parmi les candidats ou potentiels candidats à la présidentielle, trois "sont déjà cités dans de nombreux témoignages d’agressions sexuelles".

D'après un sondage réalisé par le collectif Chair collaboratrice à l'Assemblée nationale, "une collaboratrice sur deux rapporte avoir été victime de blagues sexistes ou sexuelles ou de propos déplacés sur son apparence ou sa vie personnelle", "une collaboratrice sur trois rapporte avoir été victime d’injures sexistes ou d’attitudes insistantes et gênantes" et "une collaboratrice sur cinq rapporte avoir été victime d’une agression sexuelle". "Les violences sexistes et sexuelles sont massives dans ce milieu", confirme Madeline Da Silva.

"On a besoin de prévention et on a besoin que les choses s'arrêtent."

Fiona Texeire, collaboratrice d’élus, intervenante à Sciences Po Rennes, a connu des agissements déplacés et des violences dès le début de sa carrière. "J'avais 23 ans et ça faisait à peine 15 jours que je travaillais dans une mairie où il y avait un climat particulièrement désagréable avec des collègues et des supérieurs qu'on pourrait qualifier de "gluants" et qui profitaient de la moindre occasion pour mettre les jeunes femmes mal à l'aise", témoigne-t-elle. Quelques années plus tard, elle a de nouveau été confrontée à ces comportements au Sénat. "À l'époque, 80% des sénateurs étaient des hommes et j'ai subi différents types de remarques, extrêmement explicites et désagréables, parfois des attouchements, du harcèlement. C'était quelque chose qui était fréquent", raconte-t-elle. Des expériences dont elle a "beaucoup souffert" et qui la poussent à prendre la parole, "pour que les choses changent".

Parmi les témoignages recueillis sous le #EntenduALaMairie, une élue rapporte elle aussi des propos sexistes : "Ca va ma petite poulette ?", "Cette robe te moule bien les fesses", "Si tu te calmes pas je vais t'emmener dans les bois et tu vas entendre parler de moi." "Ce ne sont pas juste des petites phrases, on est dans une situation où il y a un mécanisme de violences qui va se mettre en place où l'on va isoler, dévaloriser la victime et la mettre dans une situation de peur pour qu'elle ne parle pas", explique Madeline Da Silva. "On a besoin de prévention et on a besoin que les choses s'arrêtent."

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Face à ces comportements, certaines femmes quittent la politique. "Quand ces violences écœurent les femmes, quand elles les poussent à se désinvestir de la politique, ce sont tous les droits des femmes qui sont menacés puisque qui derrière va aller défendre les droits des femmes ? Qui va mener la lutte contre les violences conjugales ? C'est un problème démocratique qui se pose", souligne Fiona Texeire.

Faire preuve "d'exemplarité" dans la désignation des candidats

S'il y a bien eu une prise de conscience avec le mouvement #MeToo, il demeure "un sentiment d'impunité dans le monde politique qui est beaucoup plus fort qu'ailleurs", estime Madeline Da Silva. Elle l'explique notamment par "un système de protection très puissant entre hommes politiques". "Il y a une omerta très lourde en politique", abonde Fiona Texeire. "C'est un milieu qui s'est construit sans les femmes", note-t-elle, "Et depuis vingt ans que les femmes parviennent enfin à pénétrer le jeu politique, tout est fait pour leur mettre des bâtons dans les roues. Ces violences sont souvent couvertes par les institutions, couvertes par les partis. On va préférer protéger les idées, les partis, les leaders, plutôt que protéger les femmes qui sont victimes."

Pour les signataires de la tribune, les partis politiques doivent s'engager davantage à lutter contre ces violences. Elles les appellent à prendre "leurs responsabilités", à "écarter les auteurs de violences sexuelles et sexistes" de leurs rangs et à "faire preuve d’exemplarité dans les désignations" des candidats.

"La parole des femmes s’est libérée, mais à quand une libération de l’écoute, une réelle prise en compte dans les partis politiques ?"

Selon les signataires, il est urgent d'écouter réellement les victimes. "La parole des femmes s’est libérée, mais à quand une libération de l’écoute, une réelle prise en compte dans les partis politiques ?" Elles demandent aux élus et cadres de partis de signer un "engagement en trois points contre les violences sexistes et sexuelles en politique". Via un formulaire mis en ligne sur le site metoopolitique.fr, ils peuvent s'engager "à ne pas investir", "à ne pas donner mon parrainage", "à ne pas embaucher" une personne mise en cause pour violences sexistes ou sexuelles. Elles appellent également les citoyens à signer une pétition pour dire "Stop aux violences sexuelles en politique !"

Le mouvement est porté par Fiona Texeire, collaboratrice d’élus, intervenante à Sciences Po Rennes, Mathilde Viot, cofondatrice de Chair collaboratrice, Madeline Da Silva, maire adjointe des Lilas (Seine-Saint-Denis) chargée de l’égalité femmes-hommes et de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, Alice Coffin, conseillère de Paris, Hélène Goutany, journaliste. Elles ont été rejointes par l'ancienne ministre socialiste des Droits des femmes Laurence Rossignol, l'adjointe socialiste à la mairie de Paris Audrey Pulvar, la porte-parole du PS Gabrielle Siry-Houari, la candidate arrivée deuxième à la primaire écologiste pour la présidentielle 2022 Sandrine Rousseau, l'ancienne maire écologiste de Marseille et première adjointe Michèle Rubirola, la députée écologiste Delphine Batho, l'euro-députée La France insoumise Manon Aubry et la députée LFI Danièle Obono.