
Emmanuel et Brigitte Macron sont en Chine pour une visite d’État, du 4 au 6 novembre. C’est la deuxième fois que le président français se rend dans l’Empire du milieu depuis qu’il a été élu mais certains jugent ce voyage officiel trop court.
C’est assez rare pour le souligner. À quelques jours de l’arrivée en Chine du président de la République française et son épouse Brigitte, en visite d’État pour la deuxième fois dans l’Empire du milieu, le ministère chinois des Affaires étrangères à Pékin organisait un briefing “on”. En jargon journalistique, cela veut dire que tous les propos de ce point presse pouvaient être diffusés et sourcés.
Ainsi, la Chine veut visiblement communiquer sur cette visite à laquelle Xi Jinping “attache une importance particulière”. “C’est une nouvelle étape dans la relation bilatérale”, explique d’ailleurs Zhu Jing, haut diplomate chinois et vice-directeur des affaires européennes, qui a rappelé que la France est le premier pays occidental à avoir reconnu en 1964 la République populaire de Chine fondée par Mao.
Aujourd’hui, les relations sont pourtant variables avec la deuxième puissance économique mondiale. Si le premier déficit commercial de la France est en Chine, le régime de Pékin ne cesse de louer la qualité des entreprises françaises et leur capacité de création et d’innovation. En 2017 d’ailleurs, un partenariat stratégique global a été noué entre Emmanuel Macron et Xi Jinping pour faire progresser la relation bilatérale. C’est là que le président français avait promis qu’il se rendrait au moins une fois par an en Chine.
Regrets officiels
Emmanuel Macron sera donc choyé durant ce voyage. Il verra plusieurs fois Xi Jinping avec un premier dîner de gala dès son arrivée à Shanghai. Le lendemain, le couple présidentiel chinois emmènera le couple français diner dans le quartier de la vieille ville, au Yu Garden, dans un ancien jardin aménagé par un Mandarin au XVIe siècle.
"Moins de trois jours, vu la grandeur de la Chine, ça ne suffit pas pour bien découvrir, connaître le pays"
Si le président français sera traité comme “un ami qui vient de loin”, on perçoit cependant une certaine déception voire une critique. “Moins de trois jours, vu la grandeur de la Chine, ça ne suffit pas pour bien découvrir, connaître le pays. Une visite au moins une fois par an, [comme s’y était engagé Emmanuel Macron, NDLR], c’est une bonne pratique. Mais on essaiera de remplir le programme de succès concrets”, a insisté Zhu Jing.
“La Chine ne sait pas très bien sur quel pied danser avec Emmanuel Macron”, analyse un expert. En effet, les Chinois cherchent à savoir comment le chef de l’État voit la relation sino-française et quelle est sa stratégie vis-à-vis de la Chine, qui est un partenaire important mais pas un ami. “Ce qui a changé, c’est l’œil des occidentaux. Avant personne ne croyait que la Chine allait relever son défi économique. Maintenant, les occidentaux prennent la Chine comme une menace”, explique le professeur Yuan Ding, de la prestigieuse école de commerce CEIBS à Shanghai.
Une quarantaine de contrats en vue pour la France
Durant cette visite, une quarantaine de contrats devraient être signés dans les domaines aussi variés que l’aéronautique, l’énergie ou l’agroalimentaire. Mardi, le président sera aussi l’invité d’honneur de la Foire internationale de Shanghai pour les importations, symbole de la promesse d’ouverture du marché chinois aux entreprises étrangères.
Emmanuel Macron y prononcera un discours d’ouverture juste après celui de Xi Jinping. Le numéro un chinois devrait déguster du vin et du bœuf français - de nouveau autorisé en Chine depuis l’an dernier, après la crise de la vache folle - dans le pavillon de la France. Emmanuel Macron a, quant à lui, prévu de se rendre dans le pavillon de la Chine.
Pour Xi Jinping, cette deuxième édition de la Foire de Shanghai est l’occasion de montrer au monde entier qu’il va ouvrir le marché chinois, sur fond de guerre commerciale et géostratégique avec les Etats-Unis. Côté français, au total, 79 entreprises dont les deux-tiers sont des petites et moyennes entreprises notamment du secteur agro-alimentaire, se sont inscrites à la foire. La France souffre en Chine d’un déficit commercial abyssal, estimé à 29 milliards d’euros en 2018, alors qu’aujourd’hui, 2100 entreprises françaises, essentiellement des grands groupes, sont présentes en Chine et emploient plus de 480 000 personnes.
Alors l’ouverture du marché chinois, fort de ses 400 millions de consommateurs de la classe moyenne, peut-il aider à rééquilibrer les échanges commerciaux ? “La Foire internationale de Shanghai est un symbole de l’ouverture de la Chine. L’an dernier, les entreprises françaises ont signé pour 15 milliards de dollars de contrats lors de la première édition ; cette année on espère que ce chiffre pourra être dépassé”, souligne Zhu Jing.
Europe-Chine : d’égal à égal ?
Avec le régime chinois, Emmanuel Macron a décidé de jouer la carte européenne. Le symbole est clair : le président débarque en Chine avec, dans sa délégation, la ministre allemande de l’Éducation et de la Recherche, Anja Karliczek et le Commissaire européen à l’Agriculture, futur commissaire européen au Commerce dans la nouvelle commission, Phil Hogan.
Dès son arrivée à Shanghai, il discutera des questions commerciales avec eux et les entreprises. Pour l’Élysée, “ce premier temps fort, permettra au président de la République de souligner l’importance d’un partenariat euro-chinois fort, défini sur des bases claires, exigeantes, réciproques et ambitieuses”.
Depuis de nombreuses années, les entreprises étrangères se plaignent d’être victimes de concurrence déloyale sur le marché chinois, avec des problèmes de vols de brevets ou de propriété intellectuelle et de bureaucratie lourde. Plus le temps passe, plus semble donc se dessiner une stratégie française et européenne avec la Chine pour faire le poids dans les négociations.
Astérix en Chine
Une bouffée de culture durant cette visite, courte mais dense : le chef de l’État inaugurera à Shanghai l’antenne chinoise du Centre Pompidou. Des œuvres prêtées par Beaubourg y seront exposées pour la première fois en dehors de l’Europe. Aux côtés d’Emmanuel Macron, on pourra voir l'acteur Guillaume Canet, qui réalisera le prochain film des aventures d'Astérix, “Astérix et Obélix, l'Empire du milieu”: l'irréductible gaulois vient, lui aussi, se frotter à l’immense Chine.