Wes Anderson : "C'est le cinéma français qui m'a donné envie de découvrir la France"
Par Alexis Demeyer
Le réalisateur de "Fantastic Mr. Fox" et de "Moonrise Kingdom" est de retour avec "The French Dispatch", film tourné à Angoulême avec de nombreux comédiens français. À 52 ans, Wes Anderson poursuit sa quête de nouvelles narrations et d'effets visuels renversants. Rencontre avec le plus francophile des cinéastes US.
Le dixième long-métrage de Wes Anderson est peut-être aussi le plus difficile à résumer. Ce récit éclaté, dans une France fantasmée, emprunte divers chemins de traverse, zappant sans cesse du polar au film social, en passant par la comédie. Le fil conducteur c'est "The French Dispatch", un magazine américain semblable au New Yorker, qui s'intéresse à la société française grâce à des journalistes basés dans la charmante bourgade d'Ennui-sur-Blasé.
Trois histoires distinctes se succèdent, et on y retrouve des habitués de la galaxie Wes Anderson : Bill Murray, Tilda Swinton, Owen Wilson et Adrien Brody. Mais à l'occasion de cette escapade française, Wes Anderson convoque aussi plusieurs comédiens locaux, de Guillaume Gallienne à Hippolyte Girardot. Entretien.
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"Une expérience géniale de travailler avec des acteurs français"
FRANCE INTER : Ça vous a plu de filmer en France, avec des acteurs français ?
WES ANDERSON : "L’une des premières raisons pour lesquelles j’ai voulu faire ce film, c’était parce que ça me donnait une chance de travailler avec des acteurs que je n’aurais pas pu sélectionner pour des rôles en anglais. Des acteurs pourtant que j’adore ! J’avais d’ailleurs déjà travaillé avec certains d’entre eux : Mathieu Amalric et Léa Seydoux, mais ils ont cette fois-ci des rôles plus importants. Et puis, on a des gens comme Guillaume Gallienne, Cécile de France, Denis Ménochet et Hippolyte Girardot, un comédien que j’avais découvert au Texas là où j’ai grandi, dans le film 'Un monde sans pitié'. C’était il y a très longtemps, ça remonte à 1989 je crois. Et pour moi, l’idée d’avoir un jour l’opportunité d’être assis dans une pièce avec Hippolyte et de travailler avec lui reste encore un peu irréelle, car je l’admire.
Bref, pour résumer, c’était une expérience géniale de travailler avec des acteurs français. Vous savez, j’ai passé énormément de temps en France au fil des ans, et la raison pour laquelle j’ai commencé à découvrir la France, c’était… le cinéma français ! Et donc j’attendais depuis longtemps l’occasion de tourner un film ici. Plus d'un millier d'habitants d'Angoulême ont participé au tournage et on les a tous invités à l'avant-première."
"The French Dispatch" est un hommage au journalisme... Merci !
"(Rires) Oui et d'une certaine manière, c'est plus qu'un hommage parce que je ne cherche pas seulement à exprimer un sentiment de gratitude, je cherche avec ce film à m’immerger dans cette profession. Je me suis inspiré de grands journalistes, et plus spécifiquement des journalistes américains qui travaillent en France, ces expatriés que j'ai toujours lus avec un grand intérêt."
Avec trois films en un, la narration de "The French Dispatch" est plus tortueuse que jamais. Est-ce que vous trouvez ça ennuyeux de raconter une histoire de manière conventionnelle ?
"Même si mes films peuvent parfois sembler byzantins et complexes, je vous promets que tout ce que je désire c'est raconter une histoire de façon classique. Je choisis mes personnages puis je leur imagine un monde et je veux amener le public à s'intéresser à ce qui va leur arriver. C'est au bout du compte une technique scénaristique très conventionnelle... mais c'est vrai que je ne contrôle pas forcément les moyens que j'utilise pour arriver à ce résultat. Je ne contrôle pas ce que je veux en faire, ni les choses qui m'inspirent.
En revanche, c'est vrai que je ne parviens pas à me convaincre de ne pas faire des choses bizarres. Par exemple il y a une scène dans mon film où il y a un flashback à propos de deux personnages qu'on ne connait même pas vraiment très bien et on va découvrir quelque chose qui leur est arrivé. Mais pour une raison quelconque, je me suis dit que ce flashback devait prendre la forme d'une pièce de théâtre qui aurait été écrite des années plus tard et traduite par un autre personnage de l'histoire. Je ne sais même pas si vous pouvez comprendre ce que je suis en train de raconter. Je veux dire, j'ai rendu ça beaucoup plus compliqué que ça pouvait l'être et d'ailleurs, je le savais au moment où je l'ai écrit. Mais... c'est ce que je voulais pour le film !"
On a l'impression que votre soif de trouvailles visuelles n'est jamais étanchée, vous confirmez ?
"Déjà, les lieux où j'installe mes tournages me donnent toujours de l'inspiration et réservent des surprises. La ville d'Angoulême m'a donné plein d'idées, il n'y avait qu'à se baisser pour les ramasser. Regarder un film de Jacques Tati m'inspire également beaucoup."
Justement, un film de Wes Anderson ne ressemble à rien d'autre qu'à un film de Wes Anderson... mais vous, quels sont vos cinéastes préférés ?
"J'aime vraiment plein de genres de films différents, mais c'est vrai que quand je suis obsédé par une époque ou par un réalisateur, je veux absolument tout voir en rapport avec cela. Pendant le confinement par exemple, j'ai regardé tous les Hitchcock. J'ai poursuivi avec beaucoup de films noirs, je reviens toujours à Buñuel, et récemment j'ai visionné plusieurs œuvres de Wim Wenders. Je ne pourrais absolument pas vous dire qu'il y a un type de cinéma que je préfère à un autre. Mais si on catégorise par pays, c'est la France qui va me venir immédiatement à l'esprit. Le cinéma français m'a donné envie de faire des films ! Même si bien sûr, les films américains, italiens, japonais ou encore ceux de Bergman font aussi partie de mes fondations."
"The French Dispatch", qui était en compétition lors du dernier festival de Cannes, est un film France Inter.