Western inabouti ou grande réussite ? "Les Frères Sisters" de Jacques Audiard divise les critiques du Masque

C'est le tout premier film américain de Jacques Audiard ; c'est aussi le tout premier western français… "Les Frères Sisters" a littéralement enchanté la presse, et si au "Masque & la Plume" tout le monde est subjugué par la beauté des paysages, il y a débat quant à la mise en scène et à la force du récit...
Le résumé du film de Jacques Audiard par Jérôme Garcin
Le film de Jacques Audiard a reçu le Lion d’argent de la mise en scène à Venise.
Soient deux frères qui pratiquent avec le même zèle le même métier de tueurs à gages. Il y a Charlie (Joaquin Phoenix), le plus violent des deux, qui a d’ailleurs zigouillé leur père. Et Eli (John C. Reilly), plus rond, plus gourmand, moins alcoolo, mais avec autant de sang sur les mains. Ils sont payés par l’invisible Commodore (on ne verra son visage qu’à la fin) pour tuer, en Californie, un chimiste après lui avoir volé la formule magique, mais brûlante, qui permet de trouver l’or dans l’eau des rivières. Lequel chimiste (Riz Ahmed) s’est acoquiné avec un détective, joué par Jake Gylenhaal.
Bref, c’est une cavalcade western qui se déroule dans des paysages magnifiques, avec ce qu’il faut de scènes à sensation : une patronne de bordel explosée, un cheval qu’un ours a défiguré, une amputation en temps réel, et surtout une ode itinérante à la fraternité.
Pour Jean-Marc Lalanne, on ne comprend pas où veut aller le film...
JML : Le film me rend très perplexe, je le trouve inabouti : les enjeux du récit sont flottants, la densité dramatique est faible... et je n’arrive pas à comprendre où veut aller le film.
Le film suppose que le parricide est une forme d’émancipation pour les personnages mais, finalement, le film substitue au patriarcat violent une forme de matriarcat régressif…
Plastiquement, c’est surtout le chef opérateur qui a beaucoup de mérite car effectivement les paysages sont magnifiques.
Mais la mise en scène n’est pas très forte et le film est assez peu convainquant.

Michel Ciment est frappé par l'"américanité" de ce film français
MC : Je comprends très bien que la presse admire ce film. Audiard est un grand cinéaste français, c’est son huitième film et il n’y a pratiquement jamais eu de faux pas.
J’étais stupéfait qu’un Français avec une équipe française, une monteuse française, un chef-op, un musicien français fassent un film aussi profondément américain tout en étant aussi différent des westerns habituels. On n’a pas vu récemment un western américain de ce niveau.
Je trouve magnifique le côté picaresque, avec une structure narrative passionnante : deux histoires parallèles très claires, et ce sentiment de la nature qui est très propre au western.
On n'est pas dans le suspens, on est dans l’attachement à des personnages avec un humour qu’on ne connaissait pas chez Audiard jusqu’à maintenant, et je trouve que c’est une très grande réussite.

"Une prouesse formidable" selon Danièle Heymann
DH : J’ai été touchée par l’ambition du film : rendre des tueurs à gage d’une brutalité extraordinaire aussi attachants, il faut quand même le faire.
Il n’y a pas une faute, la musique est américaine, le paysage est américain… c’est quand même une prouesse formidable.
C’est purement un film de Jacques Audiard, avec toutes ses thématiques : les pères, les fils, la fraternité…

Nicolas Schaller salue les multiples niveaux de lecture du film
Audiard commençait à m’inquiéter avec De rouille et d’os et surtout Dheepan qui avait reçu la Palme d’Or. Je trouvais qu’il arrivait aux limites limite de son cinéma....
Il a bien fait d’aller s’aérer au Far West car on retrouve un film d’Audiard et je ne l’ai jamais vu de manière aussi frontal sur la question de tuer le père. Un des personnages dit :
Tu réalises que notre père était un pourri et que c’est son sang que nous avons dans les veines.
C'est un vrai beau western, une vraie fable picaresque. Je retrouve la tonalité du western un peu mélancolique, ces ballades des westerns des années 1970…
Dans la tonalité, il y a un humour et une vision assez fataliste et désespérée de la société. Ils essayent de créer une société un peu utopique. Le film montre l'impasse vers laquelle va aller ce capitalisme qui se construit...
Il y avait plein de dimensions de lecture du film !

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"Les Frères Sisters" de Jacques Audiard - Les critiques du Masque et la Plume
8 min
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