Zones vertes, zones rouges : sept questions sur le déconfinement par départements
Par Julien Baldacchino, Sébastien SabironOn le savait, le déconfinement sera progressif. Mais il sera aussi différencié, département par département. C'est l’une des annonces d’Edouard Philippe, mardi : déconfinement large dans les départements dits "verts", modalités plus strictes dans les départements "rouges". Que sait-on, quelles sont les zones d'ombre ?
C'est l'une des principales annonces faites par le Premier ministre, Édouard Philippe, mardi devant l'Assemblée nationale : non seulement le déconfinement le 11 mai est encore soumis à des conditions sanitaires – la décision définitive sera prise le 7 mai – et il sera extrêmement progressif, mais en plus, cette levée des conditions de confinement sera différenciée entre les départements, à travers un système de couleurs. Voici ce que l'on sait (et ce que l'on ne sait pas encore) sur ces zones qui vont déterminer la sortie ou pas du confinement.
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Quel est le principe de ce déconfinement différencié ?
Le principe global est simple : il s'agit de lever les conditions du confinement mais "progressivement, prudemment", et donc de façon différente dans les zones où la pression du virus est moins forte et celles où il sévit encore sévèrement. Il y aura donc une sorte de "carte météo" du Covid-19 avec :
- des départements "verts", où le déconfinement sera appliqué ;
- et des "rouges", où le déconfinement se fera mais sous une forme plus stricte.
Tous ces éléments restent conditionnés à un critère suprême : que la France soit globalement prête pour le déconfinement. L'exécutif se donne encore quelques jours pour observer l'évolution des indicateurs et confirmera ou non la mise en place du déconfinement. Mardi, le Premier ministre été clair : "Si les indicateurs ne sont pas au rendez-vous, nous ne déconfinerons pas le 11 mai".
Qu'est-ce qui définira la couleur d'un département ?
Le ministre de la Santé Olivier Véran a confirmé, ce mercredi sur franceinfo, une "différenciation entre les territoires, ceux où il y a un risque plus élevé d'épidémie et de saturation des hôpitaux, et ceux où l'épidémie a été assez peu intense". Trois critères permettront d'identifier les départements dits rouges, où le déconfinement prendra une forme plus stricte :
- Ceux où le taux de nouveaux cas hebdomadaires de Covid-19 reste élevé, signe d'une circulation active du virus ;
- Ceux dont les services de réanimation restent tendus ;
- Ceux dont les capacités de test, de dépistage, sont encore insuffisantes.
Le gouvernement ne précise pas, en revanche, si un seul de ces critères suffira à faire pencher la balance vers le rouge, ou s'il faudra cumuler ces trois éléments pour rougir la carte.
Quels départements seront rouges, lesquels seront verts ?
On ne le sait pas encore, mais en se fiant aux indicateurs actuels, la carte sera probablement teintée de rouge dans le Grand Est et en Île-de-France. Au 26 avril, indique la Direction générale de la Santé (DGS), 32 départements présentaient encore un excès de mortalité, dont deux, la Seine-Saint-Denis et le Val-d'Oise, affichaient un "niveau exceptionnel" de mortalité.
Il y aura sans doute plus de vert sur la façade ouest, si l'on s'en tient au nombre de patients hospitalisés actuellement. La Charente, par exemple, n'en compte plus que dix. Il n'y en a plus que deux en Lozère et un seul en Guyane - une situation évidemment évolutive.
Quand connaîtra-t-on la répartition des départements ?
Les Français auront une première idée de cette carte bicolore dès jeudi : à partir du 30 avril, le Directeur général de la Santé Jérôme Salomon présentera une première version de la carte des départements rouges et verts, en fonction des critères évoqués ci-dessus. Celle-ci sera ensuite actualisée tous les jours.
C'est jeudi prochain, le 7 mai, que la situation sera "cristallisée" selon les mots d'Édouard Philippe. C'est ce jour-là que l'on saura quels sont les départements où le déconfinement sera plus strict que les autres - sous réserve que celui-ci soit bien acté par le gouvernement.
Concrètement, quelles seront les conséquences ?
On ne le sait pas vraiment, Édouard Philippe ayant été assez évasif sur ce que permettra ou pas le classement d'un département dans l'une ou l'autre des catégories. Seuls deux éléments ont été explicitement évoqués dans la journée de mardi : d'une part, la réouverture des collèges, qui ne sera possible la semaine du 18 mai que dans les départements verts. Et d'autre part, celle des parcs et jardins, là aussi conditionnée à la couleur attribuée aux départements. Mercredi, Olivier Véran a indiqué que la "différenciation sera aussi le fait de décisions locales (...) : dans ces zones qu'on appelle "rouges", il y a aura la possibilité de fermer si nécessaire des écoles, des commerces ou des lieux extérieurs".
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En revanche, la libre circulation, la reprise des transports et la réouverture des commerces ne devraient pas dépendre de la couleur des départements, si l'on se fie au discours d'Édouard Philippe - mais là encore, c'est le 7 mai que l'on connaîtra réellement les modalités.
Est-ce que la couleur d'un département pourra changer ensuite ?
Ce qui est sûr, c'est qu'une nouvelle évaluation aura lieu fin mai, en vue du début d'un nouveau cycle, le 2 juin. C'est à ce moment-là que sera notamment étudiée la question de la réouverture des cafés et des restaurants, ou encore celle de la tenue des cérémonies religieuses. Au moment de cette nouvelle phase, les critères de cette différenciation entre départements seront donc réévalués.
Pendant ce temps, la carte continuera à être mise à jour de façon quotidienne. En revanche, on ne sait pas encore si entre ces deux dates, la situation d'un département pourra changer du jour au lendemain si une zone bascule du rouge au vert.
Comment cela va-t-il se passer pour les départements verts voisins des départements rouges ?
Là encore, il y a la théorie et la pratique. En théorie, les autorités veulent éviter, autant que possible, la circulation des Français d'un bassin de vie à un autre. C'est pour cette raison que les transports inter-régionaux seront maintenus au strict minimum et qu'une attestation sera toujours nécessaire pour des déplacements au-delà de 100km - c'est pour cette raison aussi que les grands centres commerciaux, qui brassent des clients venus de plusieurs bassins de vie, devront rester fermés. "La possibilité d'effectuer de la distance pour des raisons impérieuses familiales, ou professionnelles, est différente de la distance que vous pourrez faire pour des loisirs ou des visites", a rappelé mercredi Olivier Véran.
En pratique, la situation risque d'être plus compliquée pour toutes les communes situées près de la frontière entre deux départements. L'un des exemples concrets est donné par la présidente (LR) du département de la Drôme, Marie-Pierre Mouton, qui évoque des collégiens d'un département qui vont en classe dans l'autre : "Jusqu'à présent, le département de l'Ardèche semble être en zone rouge et nous en zone verte : il va falloir se mettre autour de la table, parce que nous avons des collégiens qui vont de part et d'autre du Rhône [frontière naturelle entre les deux départements, NDLR]".