10 (petites) choses à savoir sur le Metropolitan Opera de New York
Par Léopold TobischLa construction de son plafond en or menaçait de vider les réserves nationales, il a été le cadre d'une affaire de meurtre pendant un entracte... voici quelques (petites) choses étonnantes à découvrir sur l’histoire du Metropolitan Opera de New York !
Construit en 1966 et classé parmi les plus prestigieuses salles d’opéra au monde, le Metropolitan Opera de New York, surnommé « The Met » (à ne pas confondre avec le Metropolitan Museum of Art) est la plus importante institution de musique classique aux États-Unis, avec un rythme impressionnant de sept représentations en six jours chaque semaine. Mais l’histoire du Met ne se résume pas seulement à sa programmation chargée : voici 10 (petites) choses à savoir sur son histoire.
Aux origines, un cadeau pour la femme d’un millionnaire
Au milieu du XIXe siècle, les amateurs d'opéra new-yorkais aiment se rendre à l'Academy of Music Opera House. La salle est petite, difficile à exploiter, mais les (riches) spectateurs qui peuvent s'y offrir une place ne sont pas peu fiers d'afficher leur privilège. Plus une loge est visible par l'ensemble du public, plus elle est prestigieuse...
Ainsi, lorsqu'un soir la femme d’un héritier de la famille Vanderbilt (la plus riche des États-Unis) se voit installée dans une loge « inférieure » (moins exposée aux regards), son mari lance les procédures pour faire bâtir un plus grand opéra, dans lequel sa femme pourrait être toujours bien placée ! Cette anecdote racontée par la soprano Lilli Lehmann expliquerait (en partie) la construction d'une nouvelle salle d'opéra, en 1883 : le Metropolitan Opera de New York.
Un mauvais départ de feu au bon moment
Le 27 août 1892, un peintre des décors fait tomber sa cigarette dans un seau de diluant pour peinture. Malgré les promesses d'un immeuble capable de résister au feu, la salle d’opéra s'enflamme instantanément et l'incendie se propage rapidement à cause du système d’arrosage défaillant, des décors en bois, d'un rideau de feu désactivé et de nombreuses poutres en bois (et non en acier) fixées sous la scène pour faciliter les changements de plateaux.
Après seulement neuf ans d'existence, l'auditorium est totalement ravagé. Sa reconstruction nécessite des sommes faramineuses (près d'un million de dollars au total), mais les 35 actionnaires de la « Metropolitan Opera and Real Estate Company » estiment qu'il est indispensable pour New York d'avoir une telle salle et acceptent le proejet. Le nouvel espace sera même amélioré, avec l'ajout de 350 nouvelles places et d'un espace élargi prévu pour les spectateurs debout. Un incendie certes dévastateur mais qui aurait pu signer la fin du Met, car si le feu avait eu lieu un an plus tard, l'année du grand krach financier surnommé « La Panique de 1893 », il est fort probable qu’une reconstruction de l’opéra eut été complètement inenvisageable.
Déménager un opéra
Après la Seconde Guerre mondiale, plusieurs grands dirigeants politiques, financiers et culturels américains décident de saisir l’occasion de la faiblesse financière de l'Europe pour transformer New York en capitale culturelle internationale. Mais pour cela, il est nécessaire de construire un nouvel opéra digne de ce nom. Malgré son élégance et son acoustique irréprochable, le bâtiment de l'Ancien Metropolitan Opera manque sévèrement de moyens techniques, notamment sur scène et dans les coulisses.
Après de nombreuses discussions et propositions de nouveaux emplacements, il est décidé que le nouveau Metropolitan Opera rejoindra le « Lincoln Center Renewal Project » proposé par l’urbaniste américain Robert Moses, le « Haussmann » de New York. Aux côtés de douze institutions artistiques telles que le New York Philharmonic et le New York City Ballet, le Lincoln Center doit être un centre culturel capable d’élever New York au rang de Londres, de Paris ou de Vienne.
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Objectif atteint : avec 3 732 places assises et 245 places debout, le Metropolitan Opera de New York détient le titre de la plus grande salle d’opéra au monde. Et pourtant, les premières idées architecturales proposaient une salle de 4 500 places ! Mais le directeur Rudolf Bing est d'avis que les places en plus ne seraient pas forcément un avantage, et qu’il serait plus judicieux de privilégier le succès d’une petite salle remplie plutôt que l’échec d’une immense salle vide…
Une salle en or
Le public est souvent ébloui par les prouesses artistiques sur la scène du Met, mais il y a un autre élément éblouissant dans cette prestigieuse salle : le plafond en or !
Lors de la construction de la salle, plus d’un million de feuilles en or d’environ 6 cm², chacune de 23 carats, sont méticuleusement appliquées au plafond, une par une. Le processus est long, mais il se trouve en plus ralenti par l'Etat américain lui-même : afin de ne pas vider ses réserves, celui-ci ne mettait qu'une faible quantité d'or à la disposition du Met chaque semaine.
Un lustre mythique créé par hasard
Il est difficile de ne pas remarquer au Met les magnifiques lustres du foyer et de l’auditorium. Cadeau de l’Autriche aux Etats-Unis en remerciement du Plan Marshall (le programme américain de soutien financier accordé à l'Europe pour sa reconstruction 1945), ces lustres sont de véritables explosions de lumière. Ces décorations lumineuses interpellent non seulement par leur forme unique mais aussi par leur origine surprenante.
Leur histoire commence en 1965 lorsque Tadeusz Leski, bras droit de l’architecte principal Wallace K. Harrison, s'attelle à la préparation d'une esquisse de l’intérieur de la salle qu'il doit présenter à John D. Rockefeller III (président du comité pour le projet du Lincoln Center) et Rudolf Bing (directeur du Metropolitan Opera). Leski modifie son œuvre jusqu’au dernier moment, lorsque soudain, une goutte d’encre tombe du pinceau sur le dessin. Heureux hasard, la forme laissée par l’éclat de la goutte plaît à Leski, qui relie les points et s’en inspire pour créer un lustre aux apparences astrales. Le comité est enchanté par le dessin, et le reste appartient à l’histoire. Belle coïncidence : la même année, la communauté scientifique découvre les premières preuves du Big Bang, principe même de l’expansion de notre univers…
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Chagall sens dessus dessous
Un autre incident qui se transforme en heureux hasard ! Au moment de la construction du nouveau Met, le directeur Rudolf Bing commande à Marc Chagall deux immenses fresques pour le foyer. L'artiste déclarait au début des années 1960, « Je cherche un grand mur », il ne sera pas déçu. Le peintre français crée deux fresques : Les Sources de la Musique (Le Roi David joue de la harpe entouré de musiciens et d’anges) et Le Pouvoir de la Musique (un ange avec une trompe au cœur d’un tourbillon qui emporte musiciens et animaux).
Mais au moment d’installer les fresques, l’ordre est inversé et les ouvriers installent les tableaux au mauvais endroit. « J'ai crié comme je n'ai jamais crié. Ma mère, quand elle a accouché de ses enfants, n'avait pas autant crié. On pouvait sans doute m’entendre partout sur Lincoln Square », raconte l’artiste dans la biographie Chagall de Jackie Wullschlager. Une fois calmé, le peintre décide de garder l’erreur : il note même la beauté symbolique du positionnement des joueurs de trompe de chaque tableau, maintenant tournés vers l’intérieur, jouant la sérénade au public dans le foyer.
Une inauguration catastrophique
Le Met ouvre ses portes le 16 septembre 1966 pour son concert d’inauguration avec la création mondiale du nouvel opéra Antony and Cleopatra de Samuel Barber ; mais hélas la soirée est tout sauf un succès. Certains moyens techniques n'ont encore jamais été testés, les erreurs de lumière se multiplient, des machinistes sont mécontents, l'orchestre sans contrat est sur le point de se mettre en grève, et des passages d’opéra ont été coupés juste avant le concert car ils sont jugés trop difficiles à jouer… Bref, l’inauguration semble être maudite. Pire encore, la star de la soirée, la soprano Leontyne Price, se retrouve enfermée dans un décor défectueux en forme de pyramide !
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Si certains problèmes sont résolus in extremis (un accord est obtenu avec les syndicats de l’orchestre juste avant le troisième acte de l’opéra), d’autres ne manquent pas de jeter une ombre sur la soirée, et même sur la carrière de Samuel Barber. Abandonné après seulement huit représentations, Antony and Cleopatra tombe dans l’oubli et reste (selon la presse) l’un des plus gros échecs de l’histoire de l’opéra. La mise en scène grandiose imaginée par le scénographe, librettiste et metteur en scène Franco Zeffirelli, était aux antipodes de l’œuvre intime imaginée par Barber : « ce que j’avais composé et ce que j’avais imaginé n’avaient rien à voir avec ce que l’on pouvait voir sur cette scène », avouera le compositeur des années plus tard. Profondément découragé par l’échec de son œuvre, le compositeur ne compose plus rien pendant cinq ans.
Une salle mortelle
De nombreux décès ont eu lieu sur la scène du Met, et pas seulement dans le cadre des intrigues mises en scène. Certains chanteurs ont réellement rendu leur dernier souffle devant les spectateurs, comme le baryton Leonard Warren en 1960, la basse Armand Castelmary en 1987 et le ténor Richard Versalle en 1996, tous décédés sur scène à la suite de problèmes cardiaques.
Mais c’est en 1980 que le Met connaît son histoire la plus sordide. Le 24 juillet, la violoniste Helen Hagnes Mintiks est retrouvée morte dans un conduit d’aération, nue et ligotée. L'enquête policière qui s'en suit dure plusieurs mois, et fascine toute la ville de New York. Elle révélera que la jeune femme est décédée la veille, après s'être absentée pendant l’entracte. Elle a croisé Craig Crimmins, jeune machiniste de 21 ans sous l'emprise de la drogue et de l'alcool, qui l'agresse sexuellement et, confronté à son refus, la tue. Ce sont notamment les noeuds utilisés pour ligoter le corps qui mèneront à son arrestation. Ceux-ci étaient semblables à ceux réalisés quotidiennement par les machinistes de l’opéra… Condamné à 20 ans de prison, Crimmins pourrait obtenir une libération conditionnelle en novembre 2019.
Le Met à la radio ? Jamais ! Et pourtant…
Il est difficile d’imaginer de ne pas pouvoir entendre l’opéra à la radio... Et pourtant, avant 1931 cela n’existait pas ! Le directeur du Met Giulio Gatti-Casazza refuse à plusieurs reprises la diffusion radiophonique en direct depuis son opéra, par peur d’une qualité sonore qui laisse à désirer et d’une probable baisse des ventes si l’opéra devient gratuit à la radio.
Mais la décision finale ne revient pas qu'à Gatti. En octobre 1931 Otto Kahn, président du comité du Metropolitan Opera Company, démissionne, et il est remplacé par son avocat Paul D. Cravath. Doté d'un portefeuille de clients prestigieux, tel que le groupe audiovisuel américain NBC, ce dernier profite de son nouveau poste pour signer un contrat avec la NBC pour la diffusion de 24 opéras en direct. Convaincu par les prouesses techniques du groupe américain, Gatti accepte finalement, et le 25 décembre 1931 le Met devient la première salle lyrique au monde à diffuser un opéra en direct.
Le Met à l’avant-garde
Depuis sa révolution radiophonique en 1931, le Met ne cesse d’être à l’avant-garde de l’innovation technologique. En 1995 sont installés dans les sièges de l’auditorium de petits écrans permettant au public de lire les sous-titres de l’œuvre présentée dans la langue de leur choix.
Dans un souci d’élargir son public, l’actuel directeur du Metropolitan Opera, Peter Gelb, lance en 2006 un projet audacieux, inspiré par son prédécesseur Gatti-Casazza : la toute première diffusion en direct d’un opéra au cinéma. Prise de risque récompensée, le projet Metropolitan Opera Live in HD est aujourd’hui un grand succès, diffusant une dizaine de productions différentes dans plusieurs milliers de salles à travers 60 pays du monde et plusieurs millions de spectateurs.