10 (petites) choses que vous ne savez (peut-être) pas sur Henri Salvador

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10 (petites) choses que vous ne savez (peut-être) pas sur Henri Salvador

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Henri Salvador au début des années 1960
Henri Salvador au début des années 1960
© Getty - Pierre VAUTHEY

Interprète de quelques-unes des plus grandes chansons françaises, jazzman, humoriste et showman à la télévision… en près d’un demi-siècle de carrière, Henri Salvador est devenu une personnalité emblématique du XXe siècle.

Né le 18 juillet 1917 à Cayenne, en Guyane, Henri Salvador, grandit entouré de chants et de rythmes, auprès d'un père violoniste amateur et d’une mère qui a, elle aussi, un joli brin de voix : « J’ai hérité de son timbre vocal, et je crois bien que j’ai passé ma vie à l’imiter ou du moins à tenter de m’approcher de sa perfection », écrit-il en 1994, dans sa biographie.

Lorsqu’il débarque à Paris, l’année de ses 12 ans, le jeune Henri découvre une ville grise, parfois hostile, dont il fera pourtant son plus grand terrain de jeu et à laquelle il restera attaché tout au long de sa vie, tout comme il est resté fidèle au jazz et à la chanson française. Retour sur la vie et l’oeuvre du plus rieur des chanteurs, avec 10 (petites) choses que vous ne savez (peut-être) pas sur Henri Salvador.

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Henri Salvador dans les rues de Paris, étui de guitare à la main.
Henri Salvador dans les rues de Paris, étui de guitare à la main.
© Getty - Pierre VAUTHEY
Escapades
58 min

D’abord guitariste et jazzman, avant d’être chanteur

Si la famille Salvador emménage à Paris en 1929, c’est pour que les enfants aient accès aux meilleurs études, et notamment pour que le petit dernier, Henri, devienne pharmacien. Mais le jeune garçon fait l’école buissonnière, apprenant l'argot dans les rues de la capitale avec son ami Arsène.

A quinze ans, il découvre le jazz des maîtres Louis Armstrong et Duke Ellington, et décide d’être musicien. Un coup de foudre pour la musique de Django Reinhardt, entendue à la radio, lui fait ensuite choisir son instrument : la guitare. Henri et son grand frère André s’entraînent jour et nuit, jusqu’à atteindre leur objectif : rejoindre un orchestre. Les frères Salvador jouent à Boulogne-sur-Mer, à Paris et à Nice, où ils rencontrent Ray Ventura, qui choisira Henri pour une grande tournée brésilienne.

Le Henri Salvador chanteur ne naît qu’en 1947, au retour du Brésil, avec l’idée d’un one-man-show au théâtre Bobino. Succès immédiat, encensé par la critique, ce spectacle marque ainsi le début de sa longue et riche carrière…

Un rire comme signature

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Le nom de Henri Salvador est évidemment associé à des chansons, des standards du répertoire français, comme la fameuse berceuse La biche et le chevalier, plus connue sous le nom d'Une chanson douce. Mais Henri Salvador, on le connait aussi pour son rire. Un rire unique, et terriblement contagieux...

Déjà adolescent, sa drôle de rigolade attire l'attention... Alors qu’il s’esclaffe tous les dimanches devant le numéro du clown Rhum, au cirque Médrano, il est convoqué en coulisse par ce même clown qui le remercie pour son rire tonitruant et lui offre de revenir tous les dimanches, pour rire, gratuitement.

Près de 30 ans plus tard, alors qu’il est sommet de la gloire, Henri Salvador fait de son rire un sketch, un numéro à part entière. « Imaginez-vous que l’autre jour j’ai ri, et après avoir ri, j’ai constaté que les gens m’ayant entendu rire, ont ri, de m’avoir entendu rire. » explique-t-il à son public. « Alors je me suis dit, c’est très simple ! Il est complètement ridicule que je perde mon temps à faire des sketchs pour faire rire : je n’ai qu’à rire ».

Rire et faire rire : le chanteur humoriste

Henri Salvador rit, beaucoup, mais il cherche tout autant à faire rire. Lui et son frère André, dès leurs premières années en tant qu'artistes, forment un duo de guitaristes comiques : sketchs et grimaces se glissent entre chacun de leurs morceaux. Quelques années plus tard, alors qu’il parcourt le Brésil avec l’orchestre de Ray Ventura, il sauve la troupe d’un bide en imitant le personnage de dessin animé Popeye. Henri découvre son potentiel et prend goût au one-man-show….

Cette envie de faire le clown, on la retrouve évidemment dans ses chansons. Au cours des années 60, Henri Salvador enchaîne ainsi les tubes ‘rigolos’ (Zorro est arrivé, Le travail c’est la santé, Juanita Banana…), aux clips toujours plus déjantés les uns que les autres. Un goût pour la mise en scène et la comédie qui répond parfaitement à la culture émergente : celle de la télévision. Alors que les postes envahissent les salons des français, le personnage du Salvador comique est parfaitement télégénique et plaît à toute la famille.

La parenthèse Henry Cording

L’humour, encore et toujours, mais aussi l’exigence. Henri Salvador a une haute idée de ce que doit être la musique, et en particulier le jazz, son premier amour. En 1956, le jeune Michel Legrand (que Henri avait engagé comme chef d’orchestre, lui prédisant alors un grand avenir), rentre de New-York avec dans ses bagages un tout nouveau genre musical : le rock'n'roll.

Pour Henri et son acolyte Boris Vian, le rock'n'roll n’est rien d’autre qu’une mauvaise parodie du jazz, et s’il devait conquérir la France, ce ne serait que sous forme de pastiche, de blague. C’est ainsi que sous les pseudonymes de Henry Cording (saluons le jeu de mot), Vernon Sinclair (pour Boris Vian) et Mig Bike (pour Michel Legrand), les trois amis enregistrent un disque parodique : Henry Cording and his Original Rock and Roll Boys.

Et le canular se transforme en succès ! Salvador, Vian et Legrand, qui ne croyaient nullement en l’avenir du rock français, se retrouvent malgré eux précurseurs du genre. Va t'faire cuire un œuf, man ou Rock hoquet sont en fait pris au sérieux, du moins musicalement.

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Jacqueline, « ça fait 32 ans que je vous attend »

1949. Henri Salvador donne son spectacle à l’ABC, célèbre music-hall parisien. Depuis plusieurs soirs, une jeune femme brune est assise parmi les sièges des premiers rangs et l’observe dans l’ombre de la salle. Séduit, Henri la décrit alors au portier de l’ABC, François, et le charge d’inviter la jeune femme en coulisse.

Quelques jours plus tard, François reconnaît la belle brune et lui transmet le message… Lorsque Jacqueline Garabédian entre pour la première fois dans loge du chanteur, elle est intimidée, émue, et lui dit : « Je vous admire beaucoup ». Ce à quoi il répond : « Comme je vous comprends. Ça fait 32 ans que je vous attend ». Deux ans plus tard, François, le portier de l’ABC, est le témoin de leur mariage.

Henri et Jacqueline Salvador, ce sont 27 années de vie commune, durant lesquelles la jeune et timide jeune femme se transforme peu à peu en une véritable businesswoman. Devenue l’imprésario de son mari, elle crée avec lui le label Salvador et participe à la production de ses plus grands succès. Jacqueline accompagne Henri partout, tout le temps. Sa brutale disparition, en 1976, laisse ainsi un vide terrible dans l’existence du chanteur.

Henri Salvador et son épouse Jacqueline Salvador lors d'une soirée au Lido, à Paris, le 16 décembre 1971.
Henri Salvador et son épouse Jacqueline Salvador lors d'une soirée au Lido, à Paris, le 16 décembre 1971.
© AFP

Passion pétanque

Henri Salvador est un homme de passion : la chanson, le jazz, les femmes... et la pétanque. Quand il n’est pas sur scène, c’est qu’il joue aux boules : à Paris, à Cannes, à Avignon… Henri Salvador est de toutes les parties : « Je préfère jouer aux boules que travailler. Mais ce que les gens ne savent pas, c’est que pendant que je joue aux boules, je compose », explique-t-il au magazine Paroles et musique, en octobre 1985.

Lorsqu’il est à Paris, on le retrouve tous les dimanches sur l’esplanade des Invalides, parmi les passionnés. C’est là qu’il a d’ailleurs l’idée d’un nouveau type de boules, colorées, plus facilement identifiables par les joueurs.

Il n’y a pas de Henri Salvador plus sérieux que celui qui joue ! La pétanque est pour lui un art et un sport, dont il sera d'ailleurs sacré plusieurs fois champion.

Derrière chaque chanson, un duo !

On connaît si bien le nom de Henri Salvador qu’on oublie parfois les grands artistes qui ont composé et écrit pour lui. Il y a d’abord le duo formé par le compositeur Bernard Michel et le parolier Maurice Pon, auteurs de ses premières grandes chansons.

Puis ce sera l'écrivain-musicien Boris Vian, qui écume alors les clubs parisiens et les cafés de Saint-Germain-des-Prés avec les jazzmen du Hot Club de France. A la fin des années 50, jusqu’au décès de l’auteur de J'irai cracher sur vos tombes, Salvador et Vian sont des amis complices, inséparables.

Chaque succès de Henri Salvador est née d’une alchimie particulière, d’un travail collectif : avec sa femme Jacqueline, ses amis, ou de jeunes artistes comme Keren Ann et Benjamin Biolay, qui composent pour lui Jardin d’hiver, en 2000, signant ainsi le tube de son grand retour et l’un des disques dont Salvador est le plus fier.

Fréquente le gratin, mais pas mondain

En près de cinquante ans de carrière, il n’est pas étonnant que Henri Salvador compte dans son entourage quelques-uns des plus grands noms du XXe siècle : l’écrivain musicien Boris Vian, le producteur Eddie Barclay, le chanteur guitariste Georges Brassens, le trompettiste compositeur américain Quincy Jones… et bien d’autres.

Georges Brassens et Henri Salvador dans l'émission 'C'est L'Ete', en juin 1978.
Georges Brassens et Henri Salvador dans l'émission 'C'est L'Ete', en juin 1978.
© Getty - Sophia MORIZET

Mais le chanteur n’est pas pour autant mondain : à Cannes, par exemple, Henri Salvador préfère les terrains de pétanque au tapis rouge de la Croisette. A Paris, bien qu’il aime faire le show à la télévision, il dîne entre amis, en petit comité, et n'aime pas les soirées mondaines.

Le chanteur, bien que lui-même grande vedette, développe une forme d'aversion pour l’univers du show business. Lorsque sa carrière traverse une période de ‘creux’, dans les années 80, il dénonce un monde de la chanson en déclin mais recouvert de paillettes, avec un franc parler et une dureté qu’on ne lui connaissait alors que très peu.

Un papa de la bossa nova

Le premier voyage brésilien d’Henri Salvador remonte aux années 1940, avec l’orchestre de Ray Ventura. Vingt ans plus tard, Dans mon île est un immense succès au Brésil, au point qu'il se dit même que cette chanson inspira les premières compositions de bossa nova, savoureux mélange de jazz et de samba.

Lorsqu’il revient au Brésil, en 2006, Henri y est accueilli comme un roi. On lui fait poser l’empreinte de ses mains sur le mythique trottoir de la Toca do Vinicius. Il chante en duo avec Gilberto Gil, alors ministre de la Culture, qui le décore de l’Ordre du Mérite et pleurera, deux ans plus tard, la disparition de « l’un des principaux chantres de la bossa nova ».

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Le livre du rire et de l’oubli

« Les gens qui rient ne vieillissent pas », déclare Henri Salvador à Paris-Match, en octobre 1985. Et en effet, c’est à croire que le chanteur rieur n’a jamais vieilli : relançant sa carrière quand on ne l’attendait plus, faisant la couverture des Inrockuptibles et l’affiche des plus grands festivals de musiques actuelles (Francofolies, Vieilles Charrues…) à plus de 80 ans.

Le rire, mais le silence aussi. Lorsqu’un sujet lui est pénible, douloureux, il l’évite. Ainsi les relations tendues s’embourbent et durent, comme celle avec son grand frère André ou son ‘fils caché’, le photographe Jean-Marie Périer. Des silences prolongés qui lui permettent d’oublier, ou du moins de faire croire à l’oubli.

Presque dix ans après sa disparition, Henri Salvador, lui, n'est en tout cas pas prêt d'être oublié. Ses chansons sont encore et toujours interprétées, ses numéros continuent de faire rire, et son nom est même entré dans le prestigieux Dictionnaire du jazz des éditions Robert Laffont.