20 ans après, l'Orchestre national de Metz retrouve les anciens écoliers de sa première résidence pédagogique
Par Suzana KubikQue sont-ils devenus ? 20 ans après la première résidence des écoliers au sein de la formation, l'Orchestre national de Metz retrouvera ces élèves devenus adultes le temps d'un concert. Une façon d'apporter un éclairage nouveau sur le rôle sociétal des initiatives pédagogiques des orchestres.
Il y a vingt ans, ils ont passé une semaine aux cotés des musiciens de l'Orchestre national de Metz. Chaque élève de CM2 de l’école de Richemont (Moselle) était parrainé par un musicien, ils ont suivi les répétitions, assisté aux concerts, découvert les instruments et le répertoire symphonique. Une immersion accompagnée tout au long de l'année scolaire par leur enseignante et leur professeure de musique. Et une courte création musicale préparée en classe et présentée en lever de rideau du concert final à l’Arsenal. « C'était comme une classe verte, mais en musique. L'objectif n'était pas l'apprentissage, mais la découverte, la sensibilisation, » explique Marie-Pierre Macian. C'était en 1999 : à l'époque chargée des relations publiques, elle lance un programme éducatif novateur mettant au centre la relation privilégiée enfant-musicien. « Les élèves ont tissé un lien entre eux dans un cadre différent du cadre scolaire, et un lien fort avec leurs parrains-musiciens. Du coup, on s'est posé la question de savoir ce qu'ils ont gardé de cette expérience musicale.»
Et quoi de mieux qu'un concert pour organiser les retrouvailles ! Sur 25 élèves, 24 ont pu être contactés, et 13 ont répondu à l'appel. Ils retrouveront l’Orchestre national de Metz ce samedi 12 octobre à l’Arsenal.
Mais l’événement va au-delà d'une occasion de revivre une émotion du passé. « Il me semble important d'inciter les retours d’expérience sur les projets éducatifs des orchestres de façon générale. Pour faire écho à l’enquête menée en 2018 par l’Association Française des Orchestres (AFO) sur le rôle sociétal des orchestres, et en collaboration avec Antigone Mouchtouris, professeure de sociologie à l’Université de Lorraine, nous avons mené des entretiens pour savoir si les élèves aujourd'hui adultes se souviennent de cette expérience et si oui, de quelle façon elle a marqué leur trajectoire, » explique Marie-Pierre Macian.
Antigone Mouchtouris est spécialiste de la sociologie des publics. Ce qui l'a intéressé dans ce projet, c'est la temporalité de la réception et la notion du souvenir. « Je me suis demandé quel est l'itinéraire d'une telle expérience, quels sont les effets dynamiques d'une telle action tout au long de la vie des personnes ? Etant donné qu'il s'agissait d'une petite ville où un tel événement avait tout d'un événement extra-ordinaire, qui permettait aux enfants une valorisation hors du commun et qui était par conséquent forcément une expérience émotionnelle forte, le tout était de savoir comment il l'ont transformée au cours de leur vie. » La sociologue a élaboré un questionnaire pour déjouer l'inhibition sociale et les réponses attendues, et mobiliser les ressources du passé. « Cela reste expérimental, mais ce qui ressort le plus, c'est le regard changé sur la pratique musicale. Deux personnes ont gardé une pratique musicale après, mais on sait que la volonté de faire de la musique ne dépend pas seulement de la décision d'un enfant. Par contre, tous témoignent de la joie de se retrouver et souhaiteraient renouveler l'expérience en tant qu'adultes. Et tous souhaitent transmettre ce goût pour la musique à leurs enfants, » constate la sociologue.