À Aubervilliers, les collégiens abordent Mahler par l'improvisation chantée et les percussions corporelles

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À Aubervilliers, les collégiens abordent Mahler par l'improvisation chantée et les percussions corporelles

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Sophie Dumonthier dirige les élèves du collège Jean Moulin d'Aubervilliers
Sophie Dumonthier dirige les élèves du collège Jean Moulin d'Aubervilliers
© Radio France - Suzana Kubik

Comment rendre accessible le grand répertoire aux élèves non-musiciens ? Au collège Jean Moulin d'Aubervilliers, deux musiciens des formations de Radio France ont imaginé des ateliers d'improvisation chantée et de percussions corporelles pour aborder la célèbre Deuxième symphonie de Mahler.

C'est la dernière répétition avant le concert... Au collège Jean Moulin d'Aubervilliers, les élèves d'une classe de sixième s'affairent autour des percussions de différentes factures disposées en cercle dans la salle. Tout au long de la répétition, Benoît Gaudelette, percussionniste de l'Orchestre philharmonique de Radio France, et Sophie Dumonthier, alto du Chœur de Radio France, rassemblent sur une partition improvisée les différents modules chantés et joués qu'ils ont travaillés avec les élèves. 

Après une séquence d’interactions rythmiques entre différentes sections de percussions, c'est l'heure de chanter. Les élèves s'installent en rang, Sophie prend la direction du chœur et Benoît s'empare du marimba pour l'introduction orchestrale du célèbre quatrième mouvement de la Deuxième symphonie de Gustav Mahler, Urlicht. Là, une vingtaine de voix d'enfants s'élève pour chanter l'incroyable thème du Lied qui rend ce mouvement si magique. Les voix sont claires et justes, les élèves suivent les indications de Sophie, corrigent leur intonation et leur prononciation, telle une maîtrise habituée à l'exercice.

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Pourtant, leur pratique musicale n'a que huit semaines. Huit ateliers de pratique musicale imaginés afin de faire découvrir aux élèves non-musiciens de ce collège la Deuxième symphonie de Gustav Mahler, la célèbre Résurrection, que les élèves viendront écouter en juin prochain au Festival de Saint Denis dans le cadre du parcours La culture et l’art au collège proposé en partenariat avec Radio France. 

Mais comment rendre accessible un tel monument du répertoire aux élèves non-musiciens dans un contexte socio-culturel éloigné de la musique classique ?  « Sophie a eu l'idée de travailler sur les motifs rythmiques et mélodiques tirés de la Symphonie en utilisant le chant et les percussions, raconte Benoît Gaudelette. Nous leur avons fait écouter les extraits de la Symphonie et nous avons identifié ensemble les passages qu'ils allaient ensuite travailler pendant les ateliers. Au départ, ce n'était pas gagné, mais petit à petit nous avons réussi à les accrocher et ils se sont très vite prêtés au jeu. »

Vivre la musique par le corps

Pour permettre aux élèves de s'exprimer, les musiciens ont mis en place des séquences d'improvisation vocale et de percussions corporelles. Une façon de provoquer de l'émotion et de rendre conscient leur potentiel musical par le chant et le rythme :

« Le but était de faire travailler leur oreille. L'aspect technique, on l'a abordé une fois ou deux pour la percussion, mais je n'ai pas insisté avec ça, explique Benoît Gaudelette.  L’objectif était d'essayer de les toucher et que ce soit leur oreille qui parle. On les a laissé libres sur l'improvisation, parce que cela nous a semblé très important qu'ils puissent s'exprimer. Et ils ont réussi à s'écouter. Avec ce binôme voix - percussion, on a réussi à créer un univers au sein duquel ils racontent quelque chose. »

La musique vous fait du bien
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Mais avant d’aborder les rythmes et les mélodies de la 2e symphonie de Mahler, il a fallu s’approprier son corps et en faire un instrument de musique. Sophie Dumonthier a guidé les élèves dans les improvisations vocales. Première étape : chercher sa voix.

« Il fallait déjà en prendre conscience : on met la main sur le larynx, on met la main sur la gorge, on met la main là où on sent que ça vibre. Le corps est de plus en plus absent de leurs vies, et c'est d'autant plus passionnant de leur faire sentir que ça résonne et que ça vibre. Tout d'un coup, ils se rendent compte qu'ils ont une voix, ils l'écoutent, ils écoutent la voix de l'autre, et avec des moyens simples, on peut faire des choses magiques. »

Si pour les garçons le chant était un peu plus difficile à aborder « parce que ce n'est pas facile d'aller du grave vers les aigus », ils ont beaucoup aimé « faire de la musique avec leur corps », tandis que les filles se sont plus identifiées avec la partie vocale « parce Sophie leur a montré que leur voix pouvait faire des choses étonnantes ». 

De plus, pour soutenir le travail pratique en atelier, la professeure de musique du collège Korine Perrault a imaginé des ateliers d'écriture à partir du poème populaire que Mahler a utilisé dans le quatrième mouvement de sa symphonie. Les élèves l'ont étudié et réécrit leurs textes en français, pour surmonter ainsi la barrière de la langue.

Et si l’objectif premier des ateliers était la rencontre avec l’œuvre de Gustav Mahler, l'enseignante a remarqué que la pratique musicale a ouvert les élèves à la créativité et la coopération :

« Les élèves ont travaillé l'improvisation et ont appris le lâcher-prise par le biais d'un instrument et du chant, tout en travaillant sur le beau son, sur l'écoute et sur l'imaginaire. Ils ont également appris à faire de la musique en partant de l'idée d'un élève, à écouter la proposition de l'autre et à travailler ensemble. »