À Moscou, un palmarès presque 100% russe et chinois pour le premier concours Rachmaninov
Par Louis-Valentin LopezLe jury, composé notamment de Denis Matsuev, Valery Gergiev et Boris Berezovsky, a récompensé en très grande majorité des musiciens russes et chinois, surreprésentés parmi les candidats.
Ce n'est pas vraiment une surprise, dans le contexte du conflit russo-ukrainien. La première édition du concours international Rachmaninov, qui s'est déroulée du 14 au 27 juin au Conservatoire Tchaïkovski de Moscou, a primé presque exclusivement des candidats russes et chinois, surreprésentés dans les trois catégories (chefs d'orchestres, compositeurs et pianistes). Les lauréats de cette première édition ont participé ce lundi à une soirée de gala dans la capitale russe, et se sont produits hier sur la scène du Théâtre Mariinksy, à Saint-Pétersbourg.
Gergiev et Matsuev dans le jury
Le jury de la compétition était composé de plusieurs personnalités controversées, mises au ban des institutions occidentales depuis le début de l'invasion russe en Ukraine : le chef Valery Gergiev, ami de Poutine (dont des militants anti-corruption ont récemment épinglé la fortune douteuse), ou encore le pianiste Denis Matsuev, créateur du concours, également proche de Poutine. Boris Berezovsky, qui avait cautionné avec une grande violence la guerre en Ukraine à la télévision russe, faisait lui aussi partie du jury, dans la catégorie piano.
Des musiciens d'autres nationalités se sont néanmoins distingués. Le Britannique Yuanfan Yang a ainsi raflé l'or dans la catégorie des compositeurs, et le Brésilien Estefan Vergara Iatcekiw a décroché la 6ème place chez les pianistes. Avec un Français dans le palmarès : Clément Nonciaux, 29 ans, médaillé d'argent dans la catégorie dédiée aux chefs d'orchestre.
"Je suis là pour réunir les gens, pas pour les séparer"
France Musique a réussi à joindre Clément Nonciaux, le lauréat français. "Je suis très satisfait et heureux. J’ai eu l’occasion de diriger trois orchestre dont l’orchestre Mariinsky, l’un des plus grands orchestres du monde", s'enthousiasme le jeune homme, dont il s'agit de la première participation à une compétition internationale. A-t-il hésité à participer, dans le contexte de la guerre en Ukraine ? "Même si la question s’est posée de venir ici au début, je dois bien dire que l’envie brûlait de participer à un concours de cette envergure-là, avec des musiciens de grand renom."
En ce qui concerne la surreprésentation de candidats russes, Clément Nonciaux note aussi que "beaucoup se sont fait éjecter dès le premier tour". Il juge qu'il est nécessaire de "dépasser la question des identités" : "Valery Gergiev, qui était président du jury, a d'ailleurs fait tout un beau discours là-dessus, sur l’envie que la musique nous rapproche tous." Le jeune homme "ne souhaite pas parler de politique" : "Je ne suis pas quelqu’un qui doit le faire, je ne suis pas là pour ça. Je suis là pour réunir les gens, pas pour les séparer. C’est le message que je veux aussi faire passer."
Que répond-il à ceux qui estiment qu'il aurait fallu boycotter le concours ? "J’aurais envie de dire à ces gens-là de se mettre à ma place. Leur dire, quand on est jeune chef d’orchestre, à quel point ce métier est compliqué, et combien il est difficile d'avoir de telles occasions. J’entends bien ce discours-là, seulement, c’est moi qui ai reçu l’invitation, et je mets au défi celui qui la reçoit de dire non", rétorque Clément Nonciaux. "Donc on dit oui car sinon, on vit dans une frustration éternelle. Certains diront que je suis égoïste, mais je n’ai fait que suivre le feu de mes envies."