Daniel Hope : "Le dialogue est la seule option que nous avons face à la guerre"

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Daniel Hope : "Le dialogue est la seule option que nous avons face à la guerre"

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Le violoniste britannique Daniel Hope et le pianiste ukrainien Alexey Botvinov à Dresde, lors du concert pour la paix en Ukraine
Le violoniste britannique Daniel Hope et le pianiste ukrainien Alexey Botvinov à Dresde, lors du concert pour la paix en Ukraine
- capture d'écran arte.tv

Parmi les premiers artistes à se mobiliser pour l'Ukraine, le violoniste britannique Daniel Hope a des liens profonds avec le pays et ses musiciens. Il nous en a parlé dans l'entretien accordé avant le concert humanitaire pour la paix qu'il a donné à Berlin vendredi dernier.

France Musique: Depuis le début de la guerre, vous avez multiplié les actions en faveur de la paix en Ukraine. Dès le 24 février, vous avez publié une déclaration sur les réseaux sociaux, et trois jours plus tard vous donniez un premier concert pour la paix avec votre ami, le pianiste ukrainien Alexey Botvinov. Il y a eu aussi cette vidéo incroyable,  où vous jouez, avec 94 violonistes du monde entier, une mélodie traditionnelle ukrainienne aux cotés des 9 jeunes violonistes ukrainiens dans les abris. Plus deux autres concerts humanitaires, avec Alexey Botvinov, à Dresde (disponible sur arte.fr) et à Berlin. En quoi est-il important selon vous de prendre position lorsqu'on est musicien dans un contexte de crise globale comme celui-ci ?

Daniel Hope : C'est difficile de généraliser concernant l'implication des artistes, je ne peux parler que de ce que je ressens. Je pense qu'un artiste a une voix et que cette voix peut atteindre des milliers de gens. Et si vous arrivez ainsi à les toucher, vous avez cette chance d'au moins les inciter à s'arrêter un moment et à réfléchir. Et pour cela je crois que nous nous devons d'élever notre voix et de prendre position. La musique n'est certainement pas en mesure de changer le monde, mais elle peut au moins inciter les gens à garder un esprit ouvert. S'ils gardent leur esprit ouvert, il y a de la place pour dialoguer. Le dialogue est la seule option que nous avons face à la guerre. Puisque nous, les artistes, avons cette chance de toucher ainsi les gens, il faut la saisir et en profiter.

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Lorsque la guerre a éclaté, cela m'a profondément bouleversé. Alexey a eu de la chance; il a fui juste avant, il avait un mauvais présentiment, et il a décidé de partir. Quelques jours plus tard, tout a commencé. C'est donc mon devoir de l'aider ici, de lui permettre de faire de la musique. Le grand compositeur ukrainien Valentin Silvestrov, 84 ans, a fui Kyiv à pied il y a quelques jours. Nous allons jouer ses oeuvres. Tout a été organisé en toute vitesse, mais nous n'avons pas hésité, nous devons réagir vite. Nous devons éveiller les consciences sur ce qui se passe en Ukraine. Aider à collecter de l'argent pour les réfugiés, parce que c'est une des plus grandes crises des réfugiés que nous ayons jamais vue, que l'on pensait plus jamais revivre et qui va coûter très cher. Nous devons nous mobiliser pour soutenir ces gens. Informer et soutenir l'Ukraine, y compris ses musiciens.

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Vous avez des liens artistiques et personnels forts avec l'Ukraine, et une histoire de filiation notamment avec Odessa...

Alexey Botvinov a un festival, Odessa Classic, et il m'a invité il y a sept ans. Depuis, j'y suis retourné tous les ans pour y jouer. Vous devez comprendre que, lorsque vous dites "Odessa" à un violoniste, c'est comme si vous lui parliez de la Mecque. Parce que tous les violonistes que j'ai admiré ou ceux avec lesquels j'avais étudié, ont cette connexion avec Odessa.  Ils y ont étudié ou y sont nés. Ils appartiennent tous à cette célèbre école du violon de Piotr Stoliarski. Mon professeur Zakhar Bron y a étudié, son professeur David Oïstrakh également. Ainsi que nombreux autres grands musiciens, Nathan Milstein, Sviatoslav Richter, les plus grands de notre époque. Et donc, lorsque Alexey m'a proposé de venir, c'était pour moi non seulement un devoir d'honorer cette invitation, mais une sorte de retour aux origines, à l'héritage duquel je suis moi-même issu.

Odessa est un endroit merveilleux, une sorte de carrefour entre l'est et l'ouest. L'architecture du XIXe siècle fait penser à l'Europe, avec ses bâtiments remarquables, comme par exemple l'Opéra d'Odessa, construit par le même architecte que le Burgtheater à Vienne qui crée cette ambiance Belle époque, une magnifique salle de concert, des théâtres, une scène culturelle très riche qui puise dans les cultures de tous les peuples qui s'y sont installés. Ce n'est pas étonnant que Pouchkine y ait passé du temps et fut fasciné par cette ville, comme le sont d'ailleurs mes nombreux amis musiciens russes. On a l'impression de remonter dans le temps, à une époque où le monde était plus petit et plus connecté. On est à la fois en Europe et en Ukraine, avec des influences italiennes, françaises, autrichiennes, un vrai "melting pot". Et évidemment une communauté juive très importante, avec une culture littéraire, théâtrale et satyrique très importante. C'est une ville très progressiste tourné vers l'Europe.

J'adore y aller et jouer avec des musiciens, retrouver des jeunes de l'école de musique Stoliarski et entendre la nouvelle génération.

Justement, vous parliez de l'école Stoliarski, qui a formé les plus grands violonistes du XXe siècle. Vous l'avez visitée à plusieurs reprises...

Lorsqu'on y pénètre, c'est comme voyager dans le temps. C'est un magnifique bâtiment avec son grand escalier, surplombé par l'énorme portrait de Stoliarski, qui est en quelque sorte le saint patron musical d'Odessa. Et puis, vous entrez dans les salles de cours, et sur les murs, les grands portraits de David Oïstrakh, Nathan Milstein ou mon professeur Zakhar Bron, tous ces grands violonistes de l'histoire qui ont fréquenté ces lieux, c'est impressionnant et cela provoque un mélange d'inspiration et de peur ! D'un coup, tout cet héritage vous écrase les épaules. Mais il y a aussi cet amour si sérieux et passionné pour le violon qui habite ces lieux. C'était électrisant pour moi de renouer avec cette lignée qui découle directement de Stoliarski. Il a créé une pédagogie qui permet à un artiste d'être ce qu'il est, qui l'aide à comprendre comment il peut s'épanouir en tant que musicien. Il ne s'agit pas d'une discipline militaire à travailler 50 heures par jour. C'est une vision, une vision qui met en avant la symbiose entre la technique et la musicalité, et c'est ce que m'a transmis mon professeur Zakhar Bron. Bien sûr, chaque artiste construit ensuite sa propre personnalité artistique, mais cette base est là pour permettre à l'artiste de grandir et de s'améliorer.

Et lorsque j'ai visité ces lieux pour la première fois, lorsque j'ai découvert la beauté de l'architecture et l'amour que portent les gens d'Odessa à la musique, j'ai retrouvé ce lien avec le passé, un lien avec une famille dont je ne connaissais même pas l'existence !

L'invité du jour
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