
Mardi 26 février 2019, le Grand Théâtre de Luxembourg présentait en création mondiale le premier opéra d’Alexandre Desplat : en Silence. Le compositeur, couronné de nombreux prix pour ses musiques de film, s’est inspiré d’une nouvelle, En Silence, de Yasunari Kawabata.
Le Grand Théâtre de Luxembourg donnait mardi 26 février en création mondiale le premier opéra d’Alexandre Desplat, En Silence. Le compositeur français, connu pour ses bandes originales de films récompensées par de nombreux prix, s’est inspiré d’une nouvelle du Prix Nobel de littérature (1968), le Japonais Yasunari Kawabata.
Mettre en musique le silence et se lancer dans l’opéra, un double défi pour Alexandre Desplat qui a monté ce projet en moins d’un an avec l’appui de son épouse, la violoniste Dominique Lemonnier dite Solrey, qui signe ici la mise en scène d’En Silence.
« C'est fantastique, je suis bouleversée par cet aboutissement artistique, a déclaré la musicienne à l’issue de la première_. C'est fabuleux de voir naître comme ça une forme autour de cette nouvelle_ En Silence de Yasunari Kawabata ». Un silence qui résonne particulièrement pour elle, qui a subi en 2010 une lourde opération du cerveau qui l'a privée de l’usage de sa main gauche et donc de son violon.
Après des années de rééducation, Solrey a décidé de quitter définitivement la scène il y a trois ans. Elle y revient mais avec une autre casquette, celle de metteure en scène ce qui lui donne « une liberté d’offrir aux musiciens une autre narration scénique ».
Dans En Silence, Solrey a décidé de placer les 10 musiciens de l’ensemble United Instruments of Lucilin sur la scène, dans des habits de couleurs « comme un arbre fruitier », témoigne la metteure en scène. Un contraste par rapport au décor très blanc et épuré, référence à l’esthétique japonaise dont est tiré le livret.
« Je compose dans le silence… Mais le silence n’existe pas vraiment, c’est à nous de le créer ! »
Le choix de cette nouvelle, outre la résonance par rapport à l’histoire personnelle de l’ancienne violoniste, a reçu un écho particulier de la part du compositeur : « J'ai vu qu'il y avait un fantôme, beaucoup d'humour, cette distance ironique mais bienveillante de Kowabata sur les personnages, du théâtre de l'absurde, des choses que nous aimons beaucoup avec Solrey », explique Alexandre Desplat. Le compositeur entretient avec le silence, sujet principal de la nouvelle, un rapport pacifique : « Je compose dans le silence… Mais le silence n’existe pas vraiment, c’est à nous de le créer ! »
Mais l’opéra ne laisse pas de place au silence : la chanteuse Camille Poul, la basse Mikhail Timoshenko et le narrateur Sava Lolov mêlent leurs voix dans une partition exigeante : « J'ai un fa dièse grave, cela ne m'arrive jamais ! Et un contre ut avec beaucoup d'aigus… », témoigne Camille Poul, soprano d’En Silence. Mais au delà de la difficulté de la tessiture, c’est le rapport entre parole et musique qu’elle a trouvé parfois difficile à maîtriser : « Il y a une prosodie très étrange, très étirée, ralentie, qui n'est pas évidente à faire soi, à s'approprier. Il fallait que je trouve comment projeter mes consonnes, chanter mes voyelles… »
Accompagnée par Emmanuel Olivier, assistant d’Alexandre Desplat, la chanteuse a trouvé sa voie et négocié d’utiliser son vibrato que le compositeur ne souhaitait pas au départ : « Une voix résonne non pas parce que c’est un agrément mais parce que c’est sa liberté ».
Le premier opéra d’Alexandre Desplat va être donné au Théâtre des Bouffes du Nord à Paris samedi 2 et dimanche 3 mars.