Apprentissage de la musique : comment remotiver votre enfant au passage de l'adolescence ?
Par Suzana KubikSoutenir son enfant sans l’étouffer peut s’avérer un exercice à haut risque, surtout en période pré-adolescente. Ces années souvent très tourmentées peuvent modifier tous les aspects de la vie de l’enfant, y compris son rapport à la musique... Voici quelques stratégies à tester à volonté.
« Je ne comprends pas » témoigne une maman d’un pré-ado musicien. « Ses professeurs au conservatoire sont contents de ses progrès, il participe aux séances de musique de chambre et se produit régulièrement aux concerts de fin d’année. Par contre, à la maison, pour le faire travailler, c’est la croix et la bannière, il fond en larmes lorsque je lui demande de prendre son violoncelle le weekend et me dit que, de toute façon, c’est la dernière année qu’il fait de la musique… » .
Comme elle, vous êtes parent et vous vous trouvez face à la situation que vous avez tant redoutée : votre ado va à reculons quand il faut travailler son instrument ou faire ses devoirs de solfège ? Depuis quelque temps, il menace de ne plus continuer son instrument l'année prochaine ? Et en plus, il vous avance des arguments que l'on peut difficilement remettre en cause : trop de travail pour l'école, la pression des auditions, à ne pas oublier le « plus aucun copain ne fait cette musique de vieux... » ?
La génération You Tube sera forcément réceptive lorsque vous choisissez les vidéos pour appuyer votre plaidoyer de la musique classique. Commencez par le plus cool des jeunes violonistes classiques, Nemanja Radulovic...
Alors que, depuis le primaire, votre jeune prodige acceptait sans ciller ses cours hebdomadaires et ses exercices à la maison, à l’approche de l’adolescence, plus rien ne va. Et puis, vous ne pouvez pas vous battre sur tous les fronts, il y a urgence au niveau des résultats scolaires et de la communication dégradée à la maison…Qu'à cela ne tienne, prenez votre courage à quatre mains : il sera nécessaire de vous armer de patience et de déployer des stratégies à long terme pour éviter le fatidique : « Tu vois, maman/papa, si tu avais été plus ferme il y a quelques années, j'aurais certainement continué la musique... »
Première bonne nouvelle : vous n'êtes pas seul , et même les statistiques le confirment. En France, en effet, 70% de musiciens commencent à pratiquer un instrument avant 15 ans, si l'on en croit à l'étude du Ministère de la culture. Par contre, si on commence jeune, on abandonne la pratique musicale le plus souvent à l'adolescence. En 1997, sur les 40% de la population pratiquant d'un instrument, seulement 18% poursuivent l'activité au delà l'adolescence, en 2008 ce pourcentage est de 32%, soit 8 points en moins. Selon les mêmes statistiques, toutes les générations confondues, plus de la moitié des anciens musiciens (53%°) ont arrêté entre 15 et 24 ans, un sur cinq ayant abandonné avant d’être parvenu à l'âge de 15 ans.
Mais en même temps, ce n’est qu’un cap à passer : lorsqu’on a pratiqué jeune un instrument de musique - nous dit la même étude - si le cap de l’installation dans la vie adulte est passé, les musiciens amateurs restent dans la majorité des cas longtemps fidèles à leur instrument et « contribuent plus que les amateurs des autres secteurs artistiques, à faire de la musique l’activité de toute une vie », beaucoup plus que les amateurs de théâtre ou de la danse, par exemple.
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- Elisa, Lucie et Juliette (L.E.J.) sont la nouvelle révélation de la scène française. Toutes trois issues du cursus "classique" : la Maîtrise de Radio France et les études du violoncelle au conservatoire, elles sont aujourd'hui auteurs et interprètes de leurs propres chansons. Elles soulignent souvent que leur formation classique leur a permis d'avoir des bases plus solides et de travailler plus facilement et plus vite en tant qu'interprètes.
Maintenant, il n'y a plus qu'à...
Vous voilà rassuré. L'heure est à la stratégie à déployer à la maison. Comme le précise Amy Nathan, auteur du livre Guide de survie pour les parents d’enfants musiciens :
« Accompagner un enfant musicien, c’est être sur la corde raide.* Soutenir son enfant sans l’étouffer peut s’avérer un exercice à haut risque, surtout en période préadolescente. Ces années souvent très tourmentées peuvent modifier tous les aspects de la vie de l’enfant, y compris son rapport à la musique. Les enfants qui auparavant y prenaient du plaisir peuvent montrer une baisse de motivation et du coup moins s’investir ou vouloir même complètement abandonner. »
Donner un bon coup de souffle à la motivation, voilà la mission du parent en détresse. Malgré les différences de systèmes d'apprentissage de la musique selon les pays, le problème de la motivation à l'adolescence est universel. Amy Nathan propose plusieurs stratégies, à commencer par « appuyer sur le bouton –pause- afin de lever le pied sur les attentes pour un moment. Avec la complicité de son professeur, on peut ainsi analyser la situation pour savoir ce qui est à l’origine du problème et envisager un nouveau départ. » En voici quelques-unes, chapitrées en fonction des arguments que vous avez certainement déjà entendu de la bouche de votre ado, et si ce n'est pas encore le cas, cela ne saura pas tarder !
« J'en ai marre de ta musique de vieux »
C'est le grand classique de l'adolescence. L'argument que vous rencontrerez quoi qu'il arrive. Amy Nathan cite l'exemple d'une maman qui, en complicité avec le professeur d'instrument, s'est procuré des partitions des mélodies qui pourraient plaire à ses enfants. Et lorsque la Sonate de Mozart ne passait plus, elle proposait de déchiffrer un morceau "plus branché", genre "Someone like you" d'Adèle. Déchiffré à la maison, le morceau a été systématiquement repris en cours, de quoi élargir le répertoire le temps que la sauce reprenne.
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Ne pas lésiner sur les moyens : montrer, preuve à l'appui, que la version de Highway to hell par 2cellos exige son lot de gammes et d'arpèges
« J'en ai marre de faire du violon comme ma sœur »
C'est vrai, un adolescent a un besoin fou de s'affirmer. C'est pourquoi, lorsque dans une même famille une cadette devenue grande progresse à grands pas, l’aînée peut sentir la pression de la concurrence. Amy Nathan cite l'exemple de l’aînée d'une fratrie de violonistes qui a remplacé son violon par l'alto, ce qui lui a permis à la fois de re-découvrir l'instrument et de se différencier de sa petite sœur, devenue elle aussi une très bonne violoniste. Ou, a contrario, encourager la pratique de la musique à deux ou à plusieurs musiciens de la même fratrie, le quatre mains dans le cas des pianistes étant l'exemple le plus évident d'une bonne stratégie pour alterner les rôles et retrouver un nouvel équilibre.
« J'en ai marre de ta musique de vieux bis »
Quand on est ado, on voudrait à la fois détonner du groupe, et ne pas trop se différencier. Lorsque les copains font plutôt du rugby ou du foot, et notre ado passe ses après-midis avec d'illustres disparus, entre Bach, Mozart, Beethoven et Mendelssohn, on peut comprendre qu'il lui faut un point de connexion avec sa génération. Lorsque l'ennui est le résultat d'un répertoire trop uniforme, une solution peut être de l'élargir. Amy Nathan cite l'exemple d'un jeune pianiste qui avant commencé avec un professeur classique, mais avait toujours été porté sur l'improvisation. A l'adolescence, il a commencé à travailler avec un professeur au double cursus : classique et jazz. Il est devenu le garçon le plus cool du collège et a retrouvé en même temps la passion pour l'improvisation de ses débuts.
En France, c'est la musique assistée par l'ordinateur qui connaît un franc succès : alors que "seulement" 46% des Français de moins de 20 ans déclaraient en 2008 savoir jouer d'un instrument (contrairement à 60% en 1997), 16 % de cette classe d'âge (15-19 ans) déclare pratiquer la MAO.
« J'en ai marre de me faire casser par mon prof parce que j'ai pas travaillé »
L'argument qui se tient, dans la mesure où, plus votre ado grandit, plus il aura à faire pour l'école. Après, les professeurs d'instrument sont majoritairement au courant des exigences scolaires de leurs élèves. Mais si les deux ne vont vraiment pas ensemble, il faudra peut-être envisager de garder la pratique collective le temps de faire une pause. Amy Nathan suggère les groupes de pratique musicale à l'école ; en France, ce sera plutôt au conservatoire que l'orchestre ou la chorale pourront permettre à votre ado de maintenir un contact avec la musique, les pratiques collectives étant en général un très bon moyen de remotiver les troupes. L'aspect social et intergénérationnel restent les atouts particulièrement appréciés, notamment en période de l'adolescence, de la pratique collective.
Ou encore, comme le suggère Amy Nathan, essayez d'espacer les cours d'instrument (adaptation difficile quand il s'agit du cursus habituel au conservatoire, mais possible dans des structures associatives) en fonction des disponibilités de votre jeune instrumentiste, un peu à la carte, sans perdre de vue une certaine régularité. Habituellement, au bout d'un temps, les ados trouvent leur rythme à l'école et deviennent plus disponibles pour les activités extra-scolaires : vous pourrez à ce moment-là réfléchir à reprendre un rythme plus régulier....
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