Au cinéma, l'opéra fait sa star

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Au cinéma, l'opéra fait sa star

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La mezzo-soprano Sophie Koch se fait interviewer à l'entracte d'une représentation de Werther de Massenet, diffusé en direct du Metropolitan Opera de New York
La mezzo-soprano Sophie Koch se fait interviewer à l'entracte d'une représentation de Werther de Massenet, diffusé en direct du Metropolitan Opera de New York
© AFP - Stan Honda

Depuis 2006, l’opéra s’est offert une nouvelle jeunesse au cinéma. Chaque année, le Metropolitan Opera de New York diffuse une dizaine de productions lyriques en direct dans 70 pays. Un moyen de démocratiser l'opéra partout, notamment dans les territoires où la culture se fait rare.

La technologie peut être époustouflante. C'est le cas quand le Metropolitan Opera de New York présente chaque année une dizaine d’œuvres retransmises en direct dans le monde entier. 70 pays, des fuseaux horaires différents, des langues et donc des sous-titres à adapter puis à synchroniser, et le tout en direct. 

Et dire qu’il suffit d’une parabole installée sur le toit pour recevoir le signal depuis Big Apple. C’est ce qui permet à 170 cinémas de France de proposer une saison lyrique concoctée et réalisée depuis le Met. Thierry Fontaine, dirige Pathé Live, filiale des cinémas Pathé Gaumont, qui diffuse les opéras en France. « Nous entrons dans notre 12e saison d’opéras du Met diffusés dans les cinémas. Et je peux dire que c’est un succès puisque les passionnés de lyrique ont totalement intégré dans leur parcours habituel ces productions ». 

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Selon Thierry Fontaine, chaque séance représente entre 12 000 et 30 000 spectateurs en France. Une influence qui est fonction de la popularité de l’œuvre. Cette saison par exemple, des œuvres comme Turandot ou Tosca de Puccini devraient faire le plein, alors que Wozzeck de Berg ou Akhnaten, création de Philip Glass, devraient selon toute logique attirer moins. 

Parce que si l’opéra au cinéma permet de toucher un public plus large, et donc a fortiori plus divers, il n’en reste pas moins que la sociologie des spectateurs est en tout point similaire à celles des salles d’opéra physiques. « Il est logique de retrouver ce même spectateur au cinéma, qu’à l’Opéra de Paris par exemple. Parce que cela permet aux passionnés d’avoir facilement accès à des représentations du Metropolitan Opera de New York, et surtout qui sont en direct. Néanmoins, le cinéma permet d’élargir la composition de ce public. Nous avons de plus en plus de jeunes, parce que c’est accessible en termes de prix, de facilité d’accès et en termes de contenus. Ce sont des mises en scène plutôt classiques qui vont rassurer les novices » explique Thierry Fontaine. 

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En France, les cinémas proposent un billet aux alentours de 22 euros la séance, des tarifs réduits à 10 euros pour les jeunes ou les étudiants, voire la gratuité pour les moins de 12 ans. A titre de comparaison, le prix moyen d’un billet à l’Opéra Bastille est de 118 euros. 

« Au cinéma, il n’y a rien qui va vous déranger, contrairement à si vous êtes dans votre salon. Vous êtes totalement concentré. Il y a aussi un confort visuel, auditif et corporel qui joue énormément. Et le facteur le plus intéressant, c’est vraiment le direct. A chaque fois, les spectateurs nous le disent. D’être en direct, c’est très fort. Il y a une émotion palpable » poursuit Thierry Fontaine. 

Des spectateurs fidèles

Les applaudissements qui concluent généralement chaque séance soulignent le succès. C’est cette chaleur et ce lien plutôt nouveau qui lie un cinéma et ses spectateurs qui plaît particulièrement à Marie-Christine Desandre. Elle possède le multiplex Loft à Châtellerault dans la Vienne. Depuis 2010, le cinéma de 7 salles diffuse les opéras du Met. 

Dans cette ville de 35 000 habitants, le public du cinéma est plutôt tourné vers le divertissement. « Nous avons une clientèle qui aime les films généralistes. Ce sont des ouvriers, des professions du tertiaire, de l’industrie automobile ou aéronautique. C’est donc un enjeu important de pouvoir proposer en plus, une offre culturelle exigeante comme les opéras du Met » explique-t-elle. 

Marie-Christine Desandre, qui n’est autre que la mère de la jeune et talentueuse mezzo Lea Desandre, connaît bien les salles lyriques de France, et a été immédiatement séduite par le dispositif de cinéma à l’opéra. « La première fois que j’ai assisté à une séance à Paris, j’ai été bluffée par la qualité du son, de l’image et par le fait que cela facilite la compréhension des œuvres » se souvient-elle. 

« Les habitants de Châtellerault qui souhaitent se rendre à l’Opéra ont le choix entre Bordeaux et Paris, explique l’exploitante du cinéma Loft. Diffuser des œuvres lyriques dans nos salles a dont tout d’abord conquis les passionnés, et puis rapidement, les curieux sont venus. C’est un nouveau type de spectateurs pour nous. Ce sont des gens très fidèles qui une fois qu’ils sont venus, reviennent quasiment tous aux autres productions. Nous avons donc pu lancer des formules d’abonnement et donc les fidéliser comme une salle de spectacle vivant ». 

Au cinéma Loft de Châtellerault, environ 1 200 spectateurs viennent assister aux diffusions des opéras du Met. Soit 120 personnes par séance. « Cela peut paraître peu, comparé aux 200 000 spectateurs annuels pour les films, mais pour un territoire comme celui-ci, c’est beaucoup. Cela permet aux cinémas de tenir un nouveau rôle, une mission culturelle, pour apporter dans des villes moyennes ce qui ne pourra jamais être présenté » poursuit Marie-Christine Desandre. 

Au Loft, les places pour l’opéra sont à 24 euros en plein tarif, 10 euros pour les étudiants et gratuits pour les moins de 12 ans. Pour attirer les spectateurs, Marie-Christine Desandre doit également adapter la communication de son cinéma. Si pour les films , la promotion des distributeurs est nationale, pour l’opéra, elle peut compter sur les supports concoctés par Pathé Live. Mais elle doit également alimenter le site Internet du cinéma, les réseaux sociaux, rédiger une newsletter, etc. comme le font les salles de spectacle vivant. 

Une mission culturelle

A Châtellerault, comme au niveau national, le cœur de clientèle sont les seniors. Mais l’exploitante du cinéma se réjouit de voir de plus en plus de jeunes venir, parfois des enfants. « C’est encore plus flagrant avec les ballets du Bolchoï que nous diffusons le dimanche après-midi. Il y a beaucoup de petites filles et nous avons signé des accords avec des écoles de danse. Le public est plus jeune ». En plus de l’opéra et des ballets, Pathé Live propose maintenant des pièces de théâtre depuis la Comédie Française et parfois des concerts de stars de la pop, comme Mylène Farmer cette année. 

« Plus que jamais les cinémas des villes de moins de 50 000 habitants ont une mission d’apporter une culture de qualité dans des territoires où souvent l’offre est mince. Ce sont des lieux de mixité, de mélange et qui sont faciles d’accès. Franchir la porte d’un cinéma est quelque chose de naturel pour la plupart des français, ça l’est moins pour la porte d’une salle d’opéra » explique Marie-Christine Desandre. 

Elle qui préside également Cineo, le syndicat national des cinémas indépendant privés, rappelle que ces salles fonctionnent avec une économie entièrement privée. Aucune subvention publique alors que ces salles sont souvent les seuls lieux de culture présents et ouverts 365 jours par an.

Prochaine séance d'opéra au cinéma, le samedi 12 octobre, Turandot de Puccini, en direct du Metropolitan Opera de New York, 18h55 en France, 12h55 à New York.