Baisse des budgets de la culture : à chaque territoire sa politique culturelle
Par Bénédicte RobinD'après une note de l'observatoire des politiques culturelles publiée en ce début d'année, les financements à la culture sont globalement en baisse en 2015-2016, mais les situations sont très différentes suivant les territoires et les événements. Décryptage à travers le cas des festivals.
Parmi les plus touchés par des baisses de subventions et de budget en 2015-2016, il y aurait les festivals. C'est ce que conclut, dans une note publiée en janvier, l'observatoire des politiques culturelles en partenariat avec le ministère de la Culture et de la communication. L'organisme a enquêté auprès de 141 collectivités territoriales : communes, communautés de communes ou d'agglomérations, départements, régions. En somme, les acteurs qui financent aujourd'hui la culture.
D'après leur enquête, qui n'est pas exhaustive et qui se fonde sur ce que déclarent ces collectivités, les budgets ont globalement baissé en 2016. A hauteur de -4% en moyenne pour les régions, -5% pour les départements et -7% pour les villes de plus de 100 000 habitants. Les pourcentages ne paraissent pas très élevés, mais sont révélateurs d'une tendance globale à la baisse qui ne masque pas, pour autant, de très fortes inégalités suivant les territoires et les secteurs.
De fait, les festivals font partie, avec le spectacle vivant et la création artistique, des premiers concernés par les baisses de budget mais la situation demande à être regardée de plus près. Prenons l'exemple d'un festival qui se tient en ce moment : Mars En Baroque, à Marseille, organisé par l'ensemble Concerto Soave. "Il n'y a pas de subventions directes du Festival par les collectivités" explique son administrateur Patrice Poulain. En revanche, le Concerto Soave est lui aidé par la DRAC (direction régionale des affaires culturelles, à savoir le ministère de la Culture), la région PACA, le département des Bouches-du-Rhônes et la ville de Marseille. Ces subventions sont en partie réaffectées à l'organisation du festival Mars En Baroque et représentent 56% du budget. La part restante "_c'est de l'auto-financemen_t" poursuit Patrice Poulain qui se réjouit par ailleurs de voir des subventions publiques "stables" en 2016.
Un festival : atout touristique et économique
Ce modèle n'est pas celui de tous les festivals. La Chaise Dieu qui organisera sa 51ème édition du 18 ou 27 août prochain en Haute-Loire se voit subventionné à hauteur d'environ 30% par les collectivités territoriales. A savoir l'Etat, le département et la région Auvergne-Rhônes-Alpes. Et cela passe par une convention triennale qui permet d'avantage de visibilité et plus de facilité pour l'organisation, même si le budget est soumis au vote chaque année explique Julien Caron, le directeur général du festival qui fait le constat d'une stabilité dans ces subventions car ce festival, c'est non seulement de la culture mais aussi un "argument touristique". "Dans un département rural comme celui de la Haute-Loire qui est très touristique, on sait que nos festivaliers viennent pour trois concerts en moyenne mais que leur durée de séjour est de 7 jours. Leur séjour bénéficie donc à l'ensemble du département." Les collectivités territoriales seraient donc, selon lui, sensibles à cet argument dans un contexte de rigueur budgétaire, de baisses de dotation de l'Etat, ce festival serait, plus qu'un événement culturel, un atout pour le développement économique.
Le festival est atout économique de territoire
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Des diminutions en cascade
Pour autant, tous les territoires ruraux n'ont pas la même vision. Au lac d'Aiguebelette dans l'avant pays savoyard où se tiennent Les Nuits d'été, les subventions sont en baisse depuis deux années consécutives, se désole Julian Boutin, le fondateur du festival et ancien directeur artistique. "Depuis 2 deux ans les subventions qui étaient notamment départementales ont été territorialisées et du même coup diminuées" explique-t-il estimant la baisse entre 20 et 25%. Mais le problème, c'est l'effet domino que cela a entraîné car le festival recevait "des subventions de la société civile de la part d'organismes comme la Spedidam, l' Adami et dans une moindre mesure la Sacem ( sociétés pour les droits des artistes et interprètes). Mais vu que ces subventions se font au prorata du budget global , ce sont donc des diminutions en cascades que nous avons subies car quand on subit une diminution de 25% de notre territoire, c'est quasiment 25% de notre budget global qui disparaît" poursuit celui qui n'a pas renouvelé son mandat de directeur artistique cette année, en partie pour cette raison, et en partie parce qu'il a une "vie artistique d'altiste au sein du quatuor Béla" bien remplie, veut-il quand même nuancer.
L'effet domino des diminutions
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La disparition du Festival d’Île de de France
Les exemples et les situations pourraient être ainsi déclinées à l'infini. Car finalement chaque territoire a sa propre vision de la culture et sa manière de la soutenir. Les festivals sont d'autant plus fragiles qu'ils sont "des structures très légères, parfois traitées comme des variables d'ajustement" constate Bénédicte Dumeige, la directrice de la fédération France Festivals. D'autre part, les festivals et les politiques ne vivent pas dans la même temporalité. "Si vous êtes sur une programmation on va être sur une anticipation de deux ans minimum à l'avance, si vous êtes sur de la musique de chambre, probablement on sera sur six ou sept mois à l'avance" alors que les budgets, eux, sont votés chaque année. Les périodes électorales comme nous en avons vécu ces dernières années (municipales, régionales, départementales) n'arrangent rien.
Enfin, les politiques peuvent avoir un pouvoir de vie ou de mort sur un festival. L'exemple le plus retentissant et le plus récent, c'est la disparition du Festival d’Île de France. Après 40 ans d'existence, il s'éteint cette année après le vote des subventions de la région : elles sont passées de plus d'1,5 millions d'euros à 500 000 euros. Ces subventions représentaient 80% du budget et c'est justement cela qui posait problème, d'après l'exécutif régional. Cela dit, dans le même temps, le budget culture de la région Île de France est en augmentation depuis deux ans : 12% de hausse cumulée, soit 10 millions d'euros supplémentaires. Ce n'est donc ici pas un problème de budget mais de répartition et donc de vision politique de la culture...
Les festivals comme variable d'ajustement
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