" Bons baisers de Rome " d'Alexandre Dratwicki - Sélection du Prix du Livre France Musique-Claude Samuel 2022
Sélectionné pour le Prix du Livre France Musique-Claude Samuel 2022, "Bons baisers de Rome. Les compositeurs à la Villa Médicis (1804-1914)" est publié chez Actes Sud-Palazzetto Bru Zane.
Le Prix du Livre France Musique-Claude Samuel a retenu cet ouvrage pour La Sélection 2022 :
Le livre :
À partir de son ouverture à la musique en 1803, le prix de Rome devient le sésame convoité par tous les apprentis compositeurs, point final d’une formation généralement suivie au Conservatoire de Paris.
Couronnement d’un cursus, ce concours offre à ses lauréats un séjour de perfectionnement à l’Académie de France à Rome, installée dans la somptueuse Villa Médicis. Les musiciens y côtoient leurs collègues des autres sections (architecture, peinture, sculpture et gravure) durant une période de deux à cinq ans au cours de laquelle ils doivent produire des partitions – les “envois de Rome” – destinées à être jugées par l’Institut.
Cette opportunité, à première vue extraordinaire, se révèle pour un certain nombre de jeunes gens une contrainte qui les éloigne de Paris au moment où la construction d’un réseau professionnel s’avère capital. Épisode souvent décisif dans l’élaboration d’un style personnel, entre fin de formation et début de carrière, le séjour italien concerne la plupart des grandes figures musicales romantiques (Hérold, Halévy, Berlioz, Gounod, Bizet, Massenet ou encore Debussy).
La vie quotidienne des pensionnaires, leur production artistique et leurs voyages d’étude ou de loisir interrogent autant leur rapport avec l’Italie elle-même qu’avec les grands mouvements esthétiques européens. La Villa serait-elle simplement la “caserne académique” conventionnelle dont parle Berlioz, ou plutôt une arène animée de confrontations fécondes ? Contestation et transgression y distinguent bien souvent le talent du génie.
L'auteur
Directeur scientifique du Palazzetto Bru Zane, docteur en musicologie et ancien pensionnaire de la Villa Médicis, Alexandre Dratwicki est spécialiste de la musique française du XIXe siècle. Diplômé du Conservatoire supérieur de Paris, il a enseigné l’histoire de la musique dans plusieurs universités et a été producteur à Radio France. La publication de sa thèse, Un nouveau commerce de la virtuosité (1780-1830), a reçu le prix des Muses 2007 de l'essai. Il a dirigé plusieurs ouvrages collectifs dont Le Concerto pour piano français à l'épreuve des modernités (Actes Sud, 2016) et Le Fer et les Fleurs : Étienne-Nicolas Méhul (avec Étienne Jardin, Actes Sud, 2017)
3 questions à Alexandre Dratwicki :
- Quelle est la place de cet ouvrage dans votre carrière ?
J’ai eu la chance de séjourner à la Villa Médicis en 2004 avec pour objectif un travail de recherche consacré aux pensionnaires musiciens du XIXe siècle. Les travaux que j’ai publiés à l’issue de ce séjour m’avaient persuadé de la nécessité d’une synthèse de plus grande ampleur sur ce sujet. Il aura fallu 16 ans pour mener à bien ce projet, en parallèle à mes activités professionnelles. Ce livre représente donc une partie importante de ma vie de chercheur autant qu’un hommage à un lieu qui fut décisif dans ma carrière de musicologue.
- Qu’avez-vous cherché à montrer avec cet ouvrage ?
Ce livre aborde autant la vie pragmatique à Rome que des aspects plus esthétiques et artistiques car je pense qu’une œuvre dépend considérablement du contexte dans laquelle elle est écrite. Or la Villa est un lieu de tension permanente entre libertés et obligations, modernité et conformisme, style national et imprégnation étrangère. On y trouve aussi bien des élèves dociles que des artistes rebelles, et sans doute aucune autre institution artistique n’a été à ce point le sujet de discussions et d’argumentaires aussi développés et antagonistes. Dire que tout ce qui y fut composé mérite d’être exhumé serait une exagération, en revanche observer les débats intellectuels dont la Villa fut le théâtre me semble passionnant et significatif des réflexions et évolutions artistiques de l’époque romantique.
- Quels sont vos prochains projets ?
Malgré mon rôle de directeur artistique du Palazzetto Bru Zane, j’essaye de ne pas négliger la recherche pure ou du moins la mise en relation entre le monde des musiciens et celui des musicologues. A titre tout à fait personnel un sujet me paraît digne d’intérêt : le retour aux sources du « style français » du XIXe siècle, à savoir retrouver les exigences et pratiques d’exécution de ce répertoire selon les souhaits des compositeurs. Tempo, mode de jeu, ornementation, déclamation, etc. seraient à reconsidérer à partir des sources et non à partir de transmissions orales dont la génération des années 1960 se disait détentrice alors qu’elle n’en avait reçu qu’un héritage déformé par les prismes wagnérien et puccinien. De manière plus anecdotique, le personnage de Mme Branchu, grande cantatrice du Premier Empire (et créatrice notamment de La Vestale de Spontini), mériterait une biographie. Je m’y penche.
Pour écouter Sous la Couverture de Philippe Venturini avec Alexandre Dratwicki, c'est ici