« Ce qu’on aime dans la musique classique, c’est juste la musique », rencontre avec le Philia Trio
Par Côme Jocteur-MonrozierLes membres du Philia Trio représenteront France Musique au concert Nouvelle Scène de Radio France aux côtés d'artistes de pop ou de variété. L'occasion de rencontrer ces jeunes musiciens qui utilisent leur virtuosité pour faire la musique qu'ils aiment, en toute décontraction.
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D’abord, il y a des amis qui se rencontrent au Conservatoire Supérieur de Paris : l’accordéoniste Théo Ould et la violoncelliste Lisa Strauss auxquels se joint plus tard le violoniste François Pineau-Benois. Ensemble ils se lancent dans une aventure musicale originale qui renouvelle le trio classique en associant aux cordes les possibilités de l’accordéon, aventure récompensée en 2019 par un prix du public au concours Bellan.
Avec une certaine audace, ils commencent à s'attaquer à tous les répertoires, du baroque au contemporain, jouant la musique qui leur plaît comme ça leur chante. Jeunes talents qui ont décidé de ne pas faire « classiques », ils auront toute leur place au concert Nouvelle Scène, le jeudi 9 septembre.
FRANCE MUSIQUE : Comment vous êtes-vous rencontrés ?
LISA STRAUSS : On s’est rencontrés avec Théo en première année de CNSM, à 16 ans. On était dans la même promotion et on est devenus très proches : on s’est dit pourquoi ne pas faire de la musique ensemble, comme on s’entend bien. Il y avait au début un autre copain, le premier violoniste du trio qui est ensuite parti faire ses études à Berlin, c’est à ce moment-là qu’on a rencontré François [le violoniste actuel].
THÉO OULD : Tout ça s’est fait très naturellement, il n’y a pas eu de calcul au départ.
LS : Simplement parce qu’on était amis et qu’on voulait jouer ensemble : trois super copains qui se disent « tiens pourquoi ça ne marcherait pas ». Ma mère a proposé qu’on fasse un premier concert ensemble fin 2017 et il s’est très bien passé. On s’est dit qu’il fallait continuer, qu’il y avait quelque chose à explorer. Mais au départ, c’était un prétexte pour faire de la musique ensemble, Théo aurait pu faire de la cornemuse, on aurait quand même joué ensemble.
FRANÇOIS PINEAU-BENOIS : Il y a aussi une part importante d’amitié, d’où le nom du trio.
Déjà scéniquement c’est intéressant l’accordéon. C’est un instrumentiste qui est plus intégré que le pianiste qui se fait des torticolis pour essayer de jouer avec les autres. Scéniquement, il y a quelque chose plus intimiste.
Votre formation (Violoncelle, violon et accordéon) n’est pas vraiment courante. Quel est votre répertoire et comment le choisissez-vous ?
TO : Il y a bien quelques pièces originales pour violon, violoncelle et accordéon mais elles se comptent sur les doigts de la main. Il n’y a pas tant de contraintes technique en fait : on pourrait simplement jouer les notes d’un trio de Schubert, ça serait possible. Mais on veut quelque chose où on se dise « c’est vraiment écrit pour cette formation », l’idée c’est que les gens ne se disent pas : « ils ont bien du courage » mais que ça apporte autre chose. Déjà scéniquement c’est intéressant l’accordéon. C’est un instrumentiste qui est plus intégré que le pianiste qui se fait des torticolis pour essayer de jouer avec les autres. Scéniquement, il y a quelque chose plus intimiste.
LS : Un ami de Théo, Thibaut Trosset, qui est accordéoniste et donc connait l’instrument, compose la plupart de nos arrangements.
TO : On lui demande des pièces mais il n’y a pas de cahier des charges, on lui fait confiance. Il a une interprétation des œuvres, une certaine vision et c’est ça qu’on aime particulièrement avec lui.
LS : Pour le répertoire, on réfléchit en se demandant ce qui peut bien sonner avec l’accordéon. Je ne suis pas sûre que ça marche avec un trio de Schubert par exemple alors qu’avec Beethoven, on a le sentiment que ça fonctionne pas mal. La musique baroque sonne aussi particulièrement bien avec l’accordéon.
FPB : Par exemple on a enregistré La Follia de Vivaldi où l’accordéon sonne comme un orgue, quand on l’entend, on se dit que ça fonctionne au niveau de l’esthétique.
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Votre prochain album s’intitule « Madness », pourquoi ce titre et qu’est-ce qu’il dit de vous ?
LS : C’est une reprise du titre de la pièce de Vivaldi La Follia qui s’appelle « Madness » en Angleterre et on trouvait que ça sonnait mieux. Le mot folie, c’est peut-être un peu fort, mais ça nous caractérise quand même car on n’est pas une formation commune, on essaye de sortir des sentiers battus, de s’intéresser à d’autres styles de musique. On va faire un clip avec un réalisateur de pop qui travaille avec Jane Birkin et Etienne Daho. On essaye d’aller vers quelque chose qui nous corresponde, qui nous touche et auquel on croie. « Madness » ça veut peut-être dire ça.
TO : Ce qu’on aime dans la musique classique, parce que c’est quand même notre métier à tous les trois, c’est juste la musique classique. Tout le reste : l’image, la manière de diffuser, de faire des clips ça ne nous plaît pas du tout. Je n’ai pas encore vu de clip de musique classique où je me sois dit : « c’est génial ! ».
Vous essayez donc de toucher un autre public ?
LS : Il y a la volonté de ‘décloisonner’, même si le mot est cucul, on voudrait aller chercher d’autres publics, peut-être plus jeunes. On pourrait faire par exemple une première partie concert classique et une deuxième avec du rap ou de la techno.
TO : Un autre exemple : on a essayé dans notre album d’avoir deux titres qui fassent « tubes » avec La Follia de Vivaldi et une création du compositeur Régis Campo. Ce sont des pièces qu’on a faites entendre à nos amis, même ceux qui n’écoutent pas de musique classique, et ça leur parle tout de suite. C’est universel et en même temps musicalement très pointu mais ça reste facile d’accès pour tous. Ce CD d’ailleurs on peut le faire grâce au Festival d’Auvers-sur-Oise qui nous soutient depuis deux ans, ils l’ont produit intégralement avec leur label DiscAuverS, en nous laissant libres pour l’image, le contenu… Ils nous ont vraiment fait confiance.
LS : Le CD sortira à la fin de l’année mais il y aura le clip avant. En ce moment, on prépare son tournage avec le réalisateur Romain Winkler. On part d'un couple qui a un moment intime dans une chambre d’hôpital et ça se transforme en rave party.
TO : On n’en dit pas trop. On jouera dans le clip mais les comédiens principaux, le couple, ce ne sera pas nous. On n’est pas assez beaux [rire].
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Qu’est-ce que ça signifie pour vous de représenter France Musique à la soirée Nouvelle Scène de Radio France ?
TO : Cette soirée du 9, ça correspond à notre démarche. On va être mélangés avec plein d’autres artistes et de genres confondus, présentés par une star de la pop actuelle [Eddy de Pretto].
LS : Il y’a certains artistes de cette soirée que j’adore. Tout le monde apporte son style, il y a du rap, de la pop, de la musique français : tout le monde va avoir sa place. On va jouer La Follia de Vivaldi et la pièce de Régis Campo qui s’appelle Open Time. C’est un morceau avec une bande électro-acoustique qui va être diffusée dans toute la salle et c’est la pièce sur laquelle va être faite le clip. C’est un morceau assez « pop », Régis Campo adore ce mot, pas difficile de langage, sur lequel on peut danser s'il passe en soirée.
TO : Ce sera la création officielle de la pièce. Il y aussi une autre composition commandée par le festival d’Auvers-sur-Oise qui s’appelle Tweet qu’on va créer le 21 avril à la salle Cortot, les deux [Tweet et Open Time] sont sur notre album.
LS : On aime bien la création. C’est excitant de travailler avec des compositeurs encore vivant ! Il y a des échanges.
TO : Avec notre trio, il y a des pièces que les gens peuvent connaître (Vivaldi, Beethoven) mais qu’ils redécouvrent et la création, c’est le paroxysme de cet effet de surprise. En plus, on travaille avec des compositeurs assez géniaux ! On va également travailler avec Matthieu Stefanelli qui n’a rien à voir avec Régis Campo pour l’écriture. Il est plus proche de Philippe Hersant : ce qu’il y a de génial dans sa musique c’est qu’il y a vraiment un discours, une narration et une poésie qui s’en dégagent.
Pourquoi ce nom de « Philia », qui signifie « amitié » en grec ?
TO : Pour tout vous dire, Philia, c’était le nom d’un quatuor à corde dans lequel était Lisa. Ils avaient besoin d’un nom pour une académie et ils ont trouvé rapidement celui-là. Il y avait un concert en Turquie qui se profilait avec ce quatuor à corde mais tout le monde était parti, donc on a pris la place et on a repris leur nom.
LS : Le programmateur n’y croyait pas du tout et on lui a dit si, ne t’inquiète pas, et en fait il nous a dit que c’était un des plus beaux concerts de son festival [Opus Amadeus à Istanbul]. Il nous a même organisé une tournée en île de France.
TO : On savait pas trop à ce moment ce que voulait dire Philia et deux ans plus tard, c’est notre directeur artistique qui va chercher des bouquins dans sa bibliothèque, il en ouvre un et il nous explique qu’il y a trois façons de dire l’amour en grec : éros, philia et agapé. C’est à ce moment-là qu’on a découvert le sens de notre nom et que ça marchait parfaitement pour nous ! J’ai regardé Match Point récemment où il est dit « il vaut mieux être chanceux que talentueux » : je pense qu’on a eu beaucoup de chance ! Beaucoup de choses qui se sont enchaînées. Je pense que maintenant on prend un peu en main notre destin.