Chloé Dufresne, révélation des Victoires de la musique classique 2022

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Chloé Dufresne, révélation des Victoires de la musique classique 2022

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Chloé Dufresne, révélation des Victoires de la musique classique 2022
Chloé Dufresne, révélation des Victoires de la musique classique 2022
- Chloé Dufresne

Rencontre avec Chloé Dufresne, nommée dans la catégorie “Chef d'orchestre” des Victoires de la musique classique 2022.

Chloé Dufresne est nommée dans la catégorie “Chef d'orchestre” des Victoires de la musique classique 2022. Elle a étudié notamment à la Sibelius Academy d'Helsinki et est invitée aujourd'hui à diriger des opéras et des orchestres symphoniques en France et en Finlande.

Comment avez-vous découvert la direction d’orchestre ?

J’ai découvert d’abord la direction de chœur quand je chantais dans les chœurs d’enfant à l’Opéra de Montpellier. A cet âge, je m’identifiais à ma cheffe de chœur, et il paraît qu’à 10 ans, je disais déjà que je voulais être cheffe d’orchestre. En parallèle, j’ai commencé l’alto au conservatoire à huit ans. Deux manières très différentes d’apprendre la musique : au conservatoire je suivais un cursus traditionnel et à l’opéra , c’était un enseignement oral et scénique.

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Après le bac, j’ai commencé par étudier la musicologie et la direction de chœur pendant quatre ans. En parallèle, j’ai aussi suivi une formation de chant et, pendant longtemps, j'aspirais à devenir chanteuse. Après avoir passé plusieurs concours, je me suis définitivement orientée vers la direction d'orchestre en allant étudier à la Sibelius Academy en Finlande.

Comment êtes-vous passée de la direction de chœur à la direction d’orchestre ?

J’étais cheffe assistante à l’Académie de musique de Paris, un chœur symphonique qui travaille aussi avec un orchestre. Lors d’une répétition, j’ai été amenée à diriger un orchestre pour la première fois et j’ai eu des retours très positifs, on m’a encouragé à continuer dans cette voie. Je me suis dit qu’il y avait quelque chose à explorer et à approfondir.

Quand avez-vous su que vous seriez musicienne professionnelle ?

En fait, je n’en ai jamais vraiment douté. Je me suis toujours dit que j’avais d’autres cordes à mon arc : la direction de chœur, le chant, la pédagogie… Je savais que j’allais pouvoir gagner ma vie avec la musique et donc je n’étais pas particulièrement anxieuse. Mais c’est au début de mon Master que je me suis dit que j’allais réellement pouvoir être cheffe.

Le cursus à Helsinki était exigeant mais il y avait énormément d’opportunités créées pour les jeunes chefs. Nos enseignants n’avaient aucun doute sur la réussite de leurs élèves. C’était une certaine pression au début de mes études mais ensuite, j’ai accepté de jouer le jeu et cela m’a donné confiance.

Comment travaillez-vous au quotidien ?

Il n’y a pas vraiment de quotidien dans ce métier. Les semaines où je n’ai pas de concert, je travaille mes partitions chez moi, à la table et j’élabore ma conception de l'œuvre. Lorsque c’est une semaine où je me retrouve devant un orchestre, tout s’organise alors autour des répétitions.

J’appréhende un peu la première répétition notamment, car on ne sait pas encore comment ça va se passer. On ne connaît pas toujours l’orchestre et on n’a pas forcément dirigé ce répertoire en tant que jeune chef. C’est une rencontre déterminante. Le concert, ensuite, c’est l’apothéose et puis le cycle recommence.

Vous avez un rêve comme musicienne ?

D’abord, ce serait de m’épanouir comme musicienne, de continuer de découvrir et de ne jamais me lasser de ce métier. Ensuite, je rêverais d’avoir mon orchestre, de faire de la musique avec des gens que je connais, que j’apprécie et pour qui ce soit réciproque, pour faire de la musique de manière simple et fluide au plus haut niveau. Peut-être un jour en créant mon orchestre. Mais pour aujourd’hui, je préfère rencontrer de nouveaux orchestres et continuer à apprendre.

Qu'est ce que ça changerait pour vous d'obtenir cette Victoire de la musique ?

Je trouve formidable qu’on ait créé cette catégorie. En tant que cheffe, on a notre instrument dans nos mains uniquement lorsqu’on est face à un orchestre, et, en début de carrière, ça n’arrive pas forcément toutes les semaines. C’est donc à ce moment-là qu’on a besoin de ce coup de pouce, pour créer des opportunités.

Être nommée dans cette nouvelle catégorie, c’est aussi flatteur, ça nous donne une forme d’assurance et de légitimité.  Cette confiance en soi et dans le soutien des autres est nécessaire pour donner le meilleur de nous-même.

Pensez-vous que ce soit plus difficile pour une femme de devenir cheffe d’orchestre ?

J’avais comme modèle ma cheffe de choeur, donc une femme. J’ai fait ensuite mon parcours sans me poser la question de mon genre et sans que ça interfère dans mes ambitions. Mais en 2018, je suis rentrée en France pour une année d’Erasmus au CNSM. Je retrouvais la culture française et j’ai participé au tremplin des jeunes cheffes d’orchestre à la Philharmonie de Paris : par ce biais j’ai été exposée d’un coup à la question de mon genre dans la profession et ça a été un peu un choc. Néanmoins, ça m’a permis de réfléchir. Il y a eu beaucoup de choses qui ont été faites : les jeunes femmes cheffes sont plus visibles, sans être forcément plus nombreuses, et on leur donne davantage d’opportunités.

Dans un monde idéal, la discrimination positive ne devrait pas exister. En tant que cheffe, on n’a pas envie de bénéficier de cette mise en avant parce qu’on est une femme, mais en même temps  cela semble encore nécessaire dans notre société. C’est une question délicate et ma réflexion sur le sujet ne cesse d’évoluer au fur et à mesure de mon parcours.

Un proche, un musicien ou un artiste qui vous a donné envie de faire de la musique ?

Je dirais justement Valérie Saint Agathe, ma cheffe de chœur à l’Opéra de Montpellier. J’avais une admiration sans faille pour elle, pendant toute mon adolescence, Elle m’a transmis une manière de travailler avec les gens, une pédagogie, et une façon de diriger dans la bonne humeur tout en restant exigeant.