« Classical Barbra », ou quand Barbra Streisand se met au classique
Par Léopold TobischElle est l’une des plus célèbres chanteuses américaines du XXe siècle, mais peu connaissent l’aventure classique de Barbra Streisand, « Classical Barbra », un album applaudi par deux figures majeures de la musique classique !
Née il y a 80 ans le 24 avril 1942, Barbra Streisand est encore aujourd’hui l'une des artistes les plus vendues de l'histoire de la musique américaine. Au cours d’une carrière de près de six décennies, la chanteuse a exploré un large répertoire, de Broadway aux comédies musicales sur le grand écran en passant par la musique country et même le disco. Certains diront qu’il ne lui reste plus que le classique, mais c’est déjà chose faite, et ce depuis 1976 !
En 1976, à la grande surprise de ses fans, la chanteuse sort l’album Classical Barbra. Cet OVNI dans la discographie de Barbra Streisand vient se placer entre l’album Lazy Afternoon (1975) et la bande originale de la comédie originale A Star is Born (1976).
Sans surprise, le répertoire est bien différent et beaucoup plus austère que la discographie habituelle de Streisand, mais sa voix inimitable et ses talents d'interprète dramatique trouvent aisément leur place dans ce répertoire. Aux côtés du Columbia Symphony Orchestra, Streisand interprète en anglais, français, occitan, allemand, italien et latin des airs classiques, allant de Haendel à Orff en passant par Schumann et Schubert, orchestrés par le producteur et chef d’orchestre Claus Ogerman. Ce dernier n’est pas un inconnu des projets cross-over, puisuq'il a déjà orchestré plusieurs arrangements réussis de Bach et de Chopin pour Bill Evans ainsi que de la bossa nova pour Frank Sinatra.
La réception de l’album ne fera pas l’unanimité sur la qualité de l’interprétation : certaines publications applaudissent le projet ambitieux alors que d’autres parlent d’un projet « ésotérique », d’un cross-over malheureux, d’une voix réprimée comparable à celle de Florence Foster Jenkins. Cependant, tous seront d’accord pour dire que ce 18eme album de Streisand est pour le moins surprenant. C'est un pari audacieux de la part d’une chanteuse qui n’avait plus rien à prouver.
Malgré les critiques mitigées, l’album Classical Barbra est nommé en 1977 aux Grammy Awards pour la « meilleure performance classique vocale ». A cette nomination vient s'ajouter le soutien inattendu de deux figures incontournables de la musique classique : Glenn Gould et Leonard Bernstein.
Fan absolu de Streisand, Gould note dans sa critique de l’album que « la voix de Streisand est l'une des merveilles naturelles de l'époque, un instrument d'une diversité et d'un timbre infinis... Rien dans cet album n'est insensible ou non musical. »
Leonard Bernstein n’est pas moins élogieux, précisant que « la capacité naturelle de Barbra Streisand à faire de la musique l'emmène vers le domaine classique avec une facilité extraordinaire. Il est clair qu'elle aime ces œuvres. A travers sa performance sensible, directe et extrêmement attrayante, elle offre une expérience musicale très spéciale. »
La voix de Barbra Streisand fascine par sa puissance, sa finesse et sa richesse. La chanteuse couvre en effet trois octaves sans aucun effort, et sans aucune formation lyrique ! De la sensibilité de Debussy à la grâce chaleureuse de Canteloube et la pureté naturelle de Schumann et Wolf, la voix de Streisand semble capable de s’adapter à tous les répertoires.
Album peu connu autant du côté des fans que des amateurs de musique classique, Classical Barbra mérite néanmoins une redécouverte à l’occasion des 80 ans de son interprète, permettant d’aborder un répertoire classique familier sous un autre angle, ou plutôt à travers une autre voix.