Michaël Tippett : Five Negro Spirituals from "A Child of our Time"

Le Choeur de Radio France chante cinq "Negro Spirituals" extraits de "A Child of our Time" de Michaël Tippett ©Radio France
Le Choeur de Radio France chante cinq "Negro Spirituals" extraits de "A Child of our Time" de Michaël Tippett ©Radio France

Michaël Tippett : Five Negro Spirituals from "A Child of our Time"

14 min
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Michaël Tippett : Five Negro Spirituals from "A Child of our Time"

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Sofi Jeannin dirige le Choeur de Radio France dans cinq "Negro Spirituals" extraits de "A Child of our Time" de Michaël Tippett. Extrait du concert du dimanche 14 janvier 2018 en direct de l'Auditorium de la Maison de la Radio (Paris).

Composé de 1939 à 1941. Textes du compositeur. Créé le 19 mars 1944, au Théâtre Adelphi de Londres, avec la soprano Joan Cross, l’alto Margaret MacArthur, le ténor Peter Pears, la basse Roderick Lloyd, le chœur du Morley College, le London Regional Civil Defence Choir et l’Orchestre philharmonique de Londres dirigés par Walter Goehr.

« Je n’ai pas voulu écrire la Passion d’un homme-dieu, mais d’un homme dont le dieu a quitté la lumière des cieux pour les ténèbres de l’inconscient collectif. Qu’advient-il de cet homme, alors que la confusion s’accroît et que les forces collectives deviennent de plus en plus injustes ? Qu’advient-il lorsque des actes de protestation apparemment justifiés déclenchent de colossales catastrophes ? »

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Le compositeur anglais Michael Tippett a trente-quatre ans lorsqu’il entame en 1939 son oratorio A Child of our Time (« Un enfant de notre époque »). En concevant lui-même le texte de cette œuvre en trois parties, Tippett s’est inspiré de Herschel Grynszpan, jeune réfugié juif qui, le 7 novembre 1938, avait abattu le diplomate Ernst vom Rath dans son bureau de l’ambassade allemande à Paris. La veille, Grynszpan avait écrit : « Mes chers parents, je ne pouvais agir autrement. Que Dieu me pardonne. Mon cœur saigne lorsque j’entends parler de la tragédie des 12 000 Juifs [déportés d’Allemagne en Pologne quelques jours plus tôt]. Je dois protester pour que le monde entier entende mon cri et cela, je suis contraint de le faire. Pardonnez-moi. Herschel

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La possibilité d’une relation homosexuelle entre Grynszpan et Vom Rath, conduisant à un crime passionnel sur ce diplomate discrètement hostile au nazisme, est mentionnée dès 1938 et reste discutée jusqu’à ce jour. Quoi qu’il en soit, sous l’impulsion d’Hitler, les Nazis prendront prétexte de cet assassinat pour mettre en œuvre trois jours plus tard un vaste pogrom organisé par Joseph Goebbels sur l’ensemble du territoire du Reich, la "Nuit de cristal". Deux-cent-cinquante synagogues sont détruites et plus de sept mille magasins mis à sac, des dégâts matériels que jugent contre-productifs certains dignitaires nazis comme Hermann Göring. Ils n’en applaudissent pas moins les crimes perpétrés cette nuit-là : trente mille Juifs sont déportés en camp de concentration, près de cent sont assassinés, des centaines se suicident ou périssent de leurs blessures, funeste prélude à la Shoah.

Ancien trotskyste, Michael Tippett est un fervent militant du pacifisme, et passera pour quelques semaines en prison en 1943 comme objecteur de conscience (son homosexualité affirmée n’ayant pas contribué à la clémence des juges). Influencé par les écrits du Carl Gustav Jung, il met en avant dans A Child of our Time, terminé en 1941, la dualité de chaque être par la phrase « I would know my shadow and my light, so shall I at last be whole » (« Connaissant mon ombre et ma lumière, ainsi enfin je serai intégralement moi-même »). Cet oratorio ne sera créé qu’en mars 1944 ; il s’inspire des œuvres baroques pour le découpage en airs, récitatifs, interludes et chœurs, mais à la place des habituels chorals, Tippett a puisé dans le répertoire des negro spirituals américains (loin d’être une offense, le terme negro spiritual est revendiqué comme un hommage par les historiens et les nombreux héritiers de ce répertoire). Tippett met ainsi en parallèle deux peuples persécutés : les Juifs en Europe et les Afro-Américains aux États-Unis.

Devant le succès de ces citations de gospel, il consent à les détacher de l’oratorio pour les faire chanter indépendamment, avec ou sans orchestre. Les traditionnels Steal Away, Nobody knows the trouble I see, Go down Moses, O by and by et Deep river sont adaptés à son langage musical, sans rien perdre de leur force émotionnelle.

Texte de François-Xaviez Szycmzak

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