

Symphonie n°8 en mi bémol majeur "des Mille" de Gustav Mahler par les formations de Radio France
Avec Meagan Miller, Ricarda Merbeth, Eleonore Marguerre, Claudia Mahnke, Gerhild Romberger, Nikolai Schukoff, Boaz Daniel, Albert Dohmen, L'Orchestre National de France, l'Orchestre Philharmonique, le Choeur et la Maîtrise de Radio France, le Choeur Philharmonique de Munich dirigés par J.P. Saraste
Hymnus : Veni Creator Spiritus, Allegro Impetuoso
Schluss Szene aus « Faust » [Scène Finale de « Faust »] Poco Adagio, etwas bewegter
La composition de cette 8e Symphonie avait pourtant débuté dans la douleur, en cet été 1906 où, comme les années précédentes, Mahler se reposait d’une lourde saison à la tête de l’Opéra de Vienne, cherchant en vain l’inspiration dans sa retraite de Maiernigg, au coeur du Tyrol autrichien. Soudain, un jour de juillet, l’« esprit créateur » s’empara de lui et ne le lâcha plus jusqu’à la mi-août. Cette révélation, c’était le souvenir d’une hymne de Hrabanas Maurus pour la Pentecôte, Veni Creator spiritus, prière au pouvoir créateur du Saint-Esprit.
Alma Mahler raconte que son époux se mit à composer avec frénésie sur le texte, qu’il ne se rappelait que partiellement. Il se fit alors câbler de Vienne les versets manquants – lesquels, signe du destin, s’emboîtèrent parfaitement à la musique qui les attendait. Le premier projet de symphonie comportait quatre mouvements : le « Veni Creator », puis un scherzo, un adagio intitulé « Caritas » [Charité] et un finale avec choeurs, « La Naissance d’Eros ». Les trois derniers mouvements furent remplacés en cours de composition par un morceau unique sur la scène finale du second Faust de Goethe, que Mahler avait dévoré dans sa jeunesse. Goethe lui-même avait d’ailleurs rapproché les deux textes dans une lettre de 1821 au compositeur Zelter, publiée dans l’édition que possédait Mahler. Le compositeur explique à Alma le cheminement d’Eros à Faust : « Dans les dialogues de Socrate, Platon exprime sa propre philosophie, qui diffère de l’acception habituelle de l’“amour platonique”, mais qui, telle quelle, a influencé la pensée durant des siècles, jusqu’à nos jours. Dans son essence, l’amour platonique rejoint l’idée de Goethe selon laquelle tout amour est générateur, créateur, et qu’il existe une “création physique et spirituelle” qui est une véritable émanation de cet “Eros”. Vous l’avez dans la dernière scène de Faust, présenté symboliquement. [...]. La comparaison entre [Socrate] et le Christ s’impose et s’est faite spontanément à toutes les époques : dans les deux cas, Eros est créateur du monde. » Il poursuit la comparaison : « Ce qui exerce sur nous cette force d’attraction mystique, ce que chaque créature, peut-être même les pierres, ressent avec certitude comme le coeur de son être, ce que Goethe appelle ici [...] l’“Eternel féminin”, c’est en fait le repos, le but, par opposition aux aspirations, aux quêtes, aux efforts incessants vers ce but, c’est-à-dire par opposition à l’Eternel masculin. Tu as bien raison de définir cela comme la force de l’Amour. [...] Goethe l’exprime, avec une intensité et une clarté croissantes, par une série de symboles culminant à la Mater gloriosa, personnification de l’Eternel féminin ! »
Claire Delamarche
Compositeur.rice.s

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