Coronavirus : les artistes lyriques lancent un "cri du coeur"
Par Victor Tribot Laspière
Dans une lettre ouverte, un collectif d’artistes lyriques lancent un « cri du cœur » pour alerter sur leur situation dans ce contexte de fermeture de toutes les salles d'opéra pour cause de l’épidémie de coronavirus.
« Si nous prenons collectivement la parole aujourd’hui c’est que la crise sanitaire actuelle accentue dramatiquement un état de précarité́ et d’isolement dans lequel nous sommes déjà ». Voilà comment résumer en une phrase la raison de cette lettre ouverte du collectif des chanteurs lyriques de France. Un « cri du cœur » face aux fermetures de tous les opéras de France signé par les plus grands artistes : Roberto Alagna, Karine Deshayes, Philippe Jaroussky, Stéphane Degout, Julie Fuchs ou encore Sabine Devieilhe
Cette lettre ouverte alors que des mesures ont été prises pour lutter contre la propagation du coronavirus et ont causé l’annulation de tous les contrats des chanteuses et chanteurs d’opéra. Des artistes qui sont embauchés au « cachet », sous la forme d’un CDD d’usage, ce qui leur permet de bénéficier régime d’indemnisation chômage de l’intermittence du spectacle.
Le collectif des artistes lyriques pose des questions et veut des réponses. Vont-ils être payés pour les engagements qui étaient prévus mais annulés ? Dans une prise de parole vendredi 13 mars, le ministre de l’économie Bruno Le Maire déclarait : « aucun salarié ne perdra un centime ». Un engagement pris pour les entreprises qui ont recours au chômage partiel dans ce contexte particulier.
Mais cela concernera-t-il les artistes ? Dans cette lettre, le collectif tient à mettre en avant les "_plus jeunes d'entre nou_s" et à inclure l’intégralité des personnes qui travaillent dans le milieu de l’opéra : instrumentistes, chefs d’orchestre, techniciens, agents d’artistes, etc. Les signataires de la lettre lancent un appel au ministère de la Culture, à celui de l’économie ainsi qu’au Premier ministre et font savoir leur besoin d’avoir des « réponses claires face à la gravité d'une crise qui menace l’avenir d’un grand nombre d’artistes et accentue fortement la précarité́ dans laquelle se trouvent déjà certains d’entre eux ».
Contrairement à l’Allemagne, où la ministre de la Culture a d’ores et déjà annoncé un fonds d’aide d’urgence pour le secteur du spectacle vivant, le gouvernement français n’a pas encore précisé les mesures qui seront prises.
La lettre du collectif dans son intégralité :
FERMETURE DES SALLES DE SPECTACLES: LE CRI DU CŒUR DES CHANTEURS LYRIQUES!
Dans le contexte sanitaire difficile que connaît actuellement le pays, les artistes lyriques réunis en collectif souhaitent, dès aujourd’hui, attirer l’attention des pouvoirs publics sur la gravité des situations professionnelles et personnelles qu’entraîne la crise actuelle.
Nous avons bien conscience que l’urgence est aujourd'hui de s'occuper des personnes les plus fragiles face à ce fléau dont il faut impérativement stopper la propagation mais il est important de réfléchir à ses conséquences sociales.
La totalité des institutions du milieu de la musique classique, maisons d’opéras et salles de concerts, ont décidé d’annuler l’intégralité de leurs représentations.
Si nous prenons collectivement la parole aujourd’hui c’est que la crise sanitaire actuelle accentue dramatiquement un état de précarité́ et d’isolement dans lequel nous sommes déjà. De plus en plus de théâtres annoncent désormais leur fermeture complète et nous assistons à une accumulation inédite de ruptures unilatérales de contrats dans toute notre filière : notamment chez les solistes, les artistes du chœur, instrumentistes, chefs d'orchestres, metteurs en scène, danseurs, techniciens, figurants, chefs de chant, agents artistiques que nous aimerions tous associer à notre démarche. Notre métier est une passion mais cela ne doit pas nous faire oublier la réalité: la rupture sèche d’un ou de plusieurs contrats concernant les prochains mois signifie l’arrêt total de notre activité professionnelle ainsi qu’une perte immense d’opportunités artistiques, en particulier pour les plus jeunes d’entre nous.
Dans le droit du travail français, les artistes du spectacle vivant sont salariés en « CDD d’usage ». Ces contrats, négociés directement avec les entreprises organisatrices sont le fruit de longues années de travail et d’attente. Par ailleurs, ils ouvrent droit au régime d’indemnisation chômage dit de «l’intermittence du spectacle ». Ces contrats sont essentiels pour nous à plus d’un titre. Tout d’abord, ils constituent notre principale et souvent unique source de revenus. D'autre part, il s'agit d'un enjeu de carrière : un contrat peut avoir des conséquences décisives dans le développement d'une carrière artistique. Enfin, ils sont les pièces centrales du calcul de nos heures qui nous permettent de bénéficier du filet de sécurité́ indispensable que constitue l’intermittence.
La rupture de ces contrats est normalement encadrée par le droit du travail mais, la situation actuelle étant sans précédent, nous obtenons une pluralité́ de réponses de la part de nos employeurs. Un certain nombre d'entre eux font leur maximum pour ne pénaliser personne, au risque parfois de mettre en danger leur trésorerie, cependant certains chanteurs semblent devoir renoncer à l’intégralité de leur salaire.
Sommes-nous dans un cas de force majeure ? Si oui, l’épidémie du Covid-19 caractérise-t-elle un « sinistre relevant d’un cas de force majeure » au sens de l’article 1234-4 alinéa 2 du code du travail ? Le cas échéant, cette disposition d’ordre public prohibe une rupture unilatérale du CDD à l’initiative de l’employeur sans indemnité́ au profit du salarié, nonobstant toute clause contractuelle contraire.
- Sommes-nous, en tant que salariés (même en CDD d’usage) éligibles à la procédure de chômage partiel annoncée ? Si ce n’est pas le cas, est-il juste que nous soyons exclus de la promesse de l’État de ne laisser aucun salarié perdre son emploi ? - Comment seront décomptées les heures perdues dans le calcul de notre statut ? - Quelles compensations aux pertes d’opportunités sont envisageables ?
Nous avons besoin de réponses claires face à la gravité d'une crise qui menace l’avenir d’un grand nombre d’artistes et accentue fortement la précarité́ dans laquelle se trouvent déjà certains d’entre eux. Nous en appelons à notre Ministère de tutelle, ainsi qu’au Ministère de l’économie et à Monsieur le Premier Ministre. L’art et la culture sont essentiels à notre société et au rayonnement de notre pays dans le monde. Nous en sommes les fiers représentants en France et ailleurs. A ce titre nous méritons de ne pas être traités comme de simples variables d’ajustement soumis aux décisions arbitraires de certains employeurs.
Nous demandons qu’aucune décision relative aux annulations de contrats et au règlement des salaires ne soit prise tant que le cadre légal n’a pas été́ défini. Nous sommes prêts à consentir des efforts dans cette épreuve commune mais, en aucun cas, à en sacrifier notre avenir d'artistes.
Nous espérons tous rapidement retrouver la scène et notre public, notre plus grand soutien. Une fois cette épreuve surmontée, il sera indispensable, dans le pays de l'exception culturelle, que s'ouvre un débat de fond sur la protection statutaire de nos métiers du spectacle.
Roberto Alagna Kévin Amiel Guillaume Andrieux Frédéric Antoun Gaëlle Arquez Jean-Luc Ballestra Stanislas de Barbeyrac Clémence Barrabé-Hamon Hasnaa Bennani Cassandre Berthon Christophe Berry Julien Behr Benjamin Bernheim Thomas Bettinger Yann Beuron Jean-Vincent Blot Antoine Bonelli Jean-François Borras Jean-Sebastien Bou Jérôme Boutillier Ambroisine Bré Raphaël Brémard Rodolphe Briand Chloé Briot Sylvie Brunet-Grupposo Hélène Carpentier Albane Carrère Frédéric Caussy Nicolas Cavallier Adèle Charvet Pierre Antoine Chaumien Julie Cherrier-Hoffmann Anaïs Constans Marine Costa Jennifer Courcier Nicolas Courjal Marianne Croux Marianne Crebassa Edwin Crossley-Mercer Jeanne Crousaud José van Dam Thibault de Damas France Dariz Romain Dayez François de Carpentries Stéphane Degout Camille Delaforge Mireille Delunsch Jean-Marie Delpas Emmanuelle de Negri Antoinette Dennefeld Léa Desandre Karine Deshayes Charlotte Despaux Sabine Devieilhe Jodie Devos Frederic Diquero Olivia Doray Pierre Doyen Julien Dran Isabelle Druet Cyrille Dubois Yoann Dubruque Alexandre Duhamel Christophe Dumaux Catherine Dune Sarah Dupont D'Isigny Anne-Sophie Duprels Philippe Ermelier Philippe Estèphe Mathilde Etienne Aude Extrémo Axelle Fanyo Judith Fa Loïc Felix Jean-Paul Fouchécourt Diane Fourès Julie Fuchs Jean-Pierre Furlan Elena Gabouri Khatouna Gadelia Cécile Galois Lorrie Garcia Marie-Laure Garnier Paul Gaugler Christophe Gay Paul Gay Véronique Gens Anne-Catherne Gillet Emiliano Gonzales Toro Olivier Grand Sébastien Guèze Mickael Guedj Hélène Guilmette Delphine Haidan André Heijboer Marie-Adeline Henry Eric Huchet Catherine Hunold Enguerrand de Hys Philippe Jarrousky Nona Javakidzhe Caroline Jesteadt Marie Kalinine Marie Karall Anna Kasyan Violaine Kiefer Sophie Koch Michaël Kon Marc Labonnet Florian Laconi Marc Laho Elsa Lambert Doris Lamprecht Jean-Christophe Lanièce Marc Larcher Tomislav Lavoie Marion Lebègue Matthieu Lécroart Aimery Lefèvre Aurélia Legay Tomy Leichtweis Jacques Lemaire Valentine Lemercier Vincent Le Texier Luca Lombardo Melody Louledjian Marie Lenormand Alix Le Saux Jeanne-Marie Levy Lionel Lhote François Lis Philippe-Nicolas Martin Clémentine Margaine Héloïse Mas Rémy Mathieu Marc Mauillon Elodie Méchain Régis Mengus _Jennifer Michel Julien Mior Emmanuelle Monie_r Anaïk Morel Julie Morgane Marie-Eve Munge Laurent Naouri Carlos Natale Juan Antonio Nogueira Angélique Noldus Stéphanie d’Oustrac Eléonore Pancrazi Julie Pasturaud Patricia Petibon Gabrielle Philiponnet Anthéa Pichanik François Piolino Bernard Pisani Christophe Poncet de Solages Camille Poul Marie Perbost Michael Piccone Sophie Poulain Tatiana Probst Yvan Rebeyrol Sabine Revault d'Allonnes Richard Rittelmann Julie Robard-Gendre Lucie Roche Amélie Robins François Rougier Pauline Sabatier Jean-Gabriel Saint-Martin Francesco Salvadori Chantal Santon-Jeffery Vannina Santoni Cécile Scheen Patricia Schnell Anas Séguin Jean Fernand Setti Marie-Bénédicte Souquet Philippe Talbot Jean Teitgen Nicolas Testé Ludovic Tézier Fabrice Todaro Marie-Ange Todorovitch Margaux Tauqué Yann Toussaint Christian Tréguier Catherine Trottmann Béatrice Uria Monzon Serenad Burcu Uyar Florie Valiquette Anne-Sophie Vincent Mathias Vidal Karen Vourc'h Malcolm Walker Guilhelm Worms Eva Zaïcik David Zobel