D'où vient le chant des baleines ?

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D'où vient le chant des baleines ?

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Baleine à bosse au large de l'Alaska
Baleine à bosse au large de l'Alaska
© Getty - John Hyde

Le 22 mars est célébrée la journée mondiale de l’eau. L’occasion d’aller rendre visite à des géantes sous-marines, les baleines, pour découvrir leur chant envoûtant et mystérieux.

Il existe trois espèces sur la planète capables de chanter : les oiseaux, les humains et les baleines. Ces dernières n’ont pas toutes la possibilité d’émettre des vocalises, seules les baleines à bosse, les baleines bleues et les baleines franches, chantent et parfois pendant des jours entiers sans s'arrêter... Mais d'où viennent ces chants ?

« On a utilisé le mot chant pour la première fois en 1971 », explique le bioacousticien Olivier Adam. A l’époque, deux chercheurs américains récupèrent des enregistrements de sous-marins de la US Army pour analyser les sons émis par les baleines à bosse. « Ils ont dessiné à la main chaque vocalise et se sont aperçus qu’elles étaient organisées en phrases, des phrases répétées », poursuit le chercheur.

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Baleine à bosse au large de Hawaii
Baleine à bosse au large de Hawaii
© Getty - Jim Watt

C’est ce qui différencie les baleines à bosse des 90 autres espèces de cétacés qui émettent aussi des sons (utilisés notamment pour des interactions sociales), mais pas de manière répétitive, ou avec des leitmotiv (phrases musicales). Aussi, la baleine contrôle son chant : elle peut envoyer plus ou moins d’air, faire des sons plus ou moins aigus, et elle est consciente de ce qu’elle émet.

Chants de baleines à bosse

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Basson et chant de baleine, même combat

Depuis les années 70, des chercheurs et chercheuses tentent donc d’analyser ces chants. Et l’heure est encore aux découvertes. C’est en tout cas ce qu’a expérimenté l’été dernier Aline Pénitot, compositrice et documentariste : « J'ai fait une découverte de relation timbrale entre le basson et les chants de la baleine à bosse », avance-t-elle. Elle a donc composé et mixé des sons avec la bassoniste Sophie Bernado pour reproduire le chant des cétacés et le diffuser dans l’océan, au large de La Réunion, en compagnie d’Olivier Adam :  «Elles ont répondu. Elles ont changé la structure de leurs chants, et après un moment un peu long, elles ne font plus que des sons pulsés

Le résultat était au-delà de leurs attentes. « Elles ont répondu, témoigne l’exploratrice, elles ont changé la structure de leurs chants, et après un moment un peu long, elles ne font plus que des sons pulsés. Elles arrêtent les vocalises et ensemble, on ne fait plus que des ronronnements ». Ce ronronnement (ou son pulsé) correspondrait pour l’être humain à une forme de vocal fry, un son de gorge qui vibre.

Au fil de l'actu
11 min

Mais l’expérience ne s'arrêtait pas là, en plus des compositions pour basson, Aline Penitot a diffusé Litany for the whale de John Cage et un de ses coups de cœur musicaux « pour les remercier de ce moment » : Ondas Do Mar de Vigo de Martin Codax, un chant du XIIe siècle interprété par Bifi Viva Biancaluna. « Une sorte de litanie galicienne portée à l'océan. Et là, quand j'ai diffusé ce chant, il y a eu trois fois la même réponse : elles arrêtaient les leitmotiv et elles se calaient en ronronnant sur la musique », raconte la compositrice.

Une baleine qui ronronne comme un chat

Ronronnements de baleines sur la musique de Martin Codax

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Peut-on, comme avec un chat qui ronronne, témoigner du bien être d’un animal aussi imposant et mystérieux ? Pour Aline Penitot, il n’y a pas de doute : « Elles témoignent d'un bien être, ou en tout cas un grand moment de partage inter-espèces, sinon elles se seraient arrêtées ou auraient eu des comportements que l'on connaît de quand elles ne sont pas contentes ». Le petit équipage a subi un choc en entendant cette réponse des baleines : « La première fois que c'est arrivé, nous nous sommes tous les trois effondrés en larmes au fond du bateau. C'est complètement bouleversant, ça rentre dans le corps, ça rentre même directement dans le cœur, on a l'impression que ça ne rentre pas par les oreilles », se souvient Aline Penitot.

De son côté, Olivier Adam est formel : « On peut modifier le comportement d’un animal avec la musique que l’on diffuse. Les cétacés entendent les sons, donc c’est normal qu’ils réagissent. » Reste à savoir ce qu’ils aiment écouter… Mais là, les recherches doivent encore être un peu plus poussées avant de déterminer si les baleines préfèrent écouter du John Cage ou tout autre style de musique.

Risque écologique

Mais le grand risque, dans un futur proche, se résume en deux mots : pollution sonore. « Elle augmente, notamment dans l’hémisphère nord avec du trafic maritime de plus en plus intense et des bateaux de plus en plus grands qui génèrent des sons plus forts, à plus basse fréquence, donc qui se propagent bien. Les sources sonores viennent aussi des parcs éoliens en mer ou des activités humaines », se désole le bioacousticien. Les cétacés adoptent alors des stratégies d’adaptation : ils se regroupent davantage pour s’entendre et s’éloignent des bruits.

Pour Aline Penitot, il pourrait y avoir des solutions pour contrer cette pollution sonore : la musique. « On peut imaginer que la musique dans l’eau puisse être une mesure compensatoire de nos dégâts écologiques… » Avant cela, la compositrice préfère se concentrer sur l’analyse des chants de baleines pour mieux les comprendre et pouvoir entrer dans une sorte de communication, de jeu, avec elles.

Le cri du Patchwork
1h 00

Pour aller plus loin… Diffusion en avant-première vendredi 22 mars au Centre Pompidou à Paris d'un épisode de LSD, La série documentaire (France Culture), consacré à l'expérience d'Aline Pénitot avec les baleines à bosse.