Décès de José Antonio Abreu, fondateur d’El Sistema

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Décès de José Antonio Abreu, fondateur d’El Sistema

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José Antonio Abreu, fondateur d'El Sistema, est mort le samedi 24 mars à l'âge de 78 ans
José Antonio Abreu, fondateur d'El Sistema, est mort le samedi 24 mars à l'âge de 78 ans
© AFP - Leo Ramirez

Le musicien vénézuélien José Antonio Abreu, fondateur d'El Sistema est mort ce samedi 24 mars à l’âge de 78 ans. Son programme d’éducation musicale à destination des enfants défavorisés au Venezuela a été répliqué dans plus de 50 pays.

C’est une figure culturelle et politique du Venezuela qui s’est éteinte. Agé de 78 ans, José Antonio Abreu est mort samedi 24 mars 2018 à Caracas, la capitale. Cet économiste et musicien s’est illustré pour avoir créé en 1975 le « Sistema de Orquestas Infantiles y Juvelines » (Système d’orchestre pour les enfants et les jeunes), communément appelé El Sistema

Le président vénézuélien Nicolas Maduro a décrété trois jours de deuil national et a salué le « grand héritage moral, éthique et culturel » de José Antonio Abreu. « Son œuvre se trouve dans les quartiers du Venezuela » a conclu le président. 

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Le plus connu des élèves d’El Sistema est sans aucun doute le chef d’orchestre Gustavo Dudamel. Aujourd’hui l’un des chefs les plus connus au monde et directeur musical de l’Orchestre philharmonique de Los Angeles, Dudamel a reçu sa formation musicale au sein d’El Sistema. Sur les réseaux sociaux, le chef d’orchestre a publié une photo de José Antonio Abreu et de lui-même en écrivant : « Avec tout mon amour et ma gratitude éternelle à notre père et créateur d’El Sistema ». 

L’idée d’Abreu était de venir en aide aux enfants issus des quartiers pauvres en leur faisant apprendre et jouer de la musique. Axé sur la pratique collective, El Sistema s’est imposé comme un vecteur d’éducation générale et de développement, soutenu par le gouvernement. Si au tout début de l’aventure, une douzaine d’enfants seulement ont bénéficié du programme dans un garage de Caracas, quarante ans plus tard, ce sont plus de 900 000 enfants et adolescents qui sont passés par les orchestres d’El Sistema.  

Le concept a valu à Abreu une reconnaissance internationale et a été décliné dans plus de 50 pays, dont la France et récemment la Grèce dans les camps de réfugiés. Il a reçu de nombreuses distinctions dont le Prix international de la musique de l’Unesco en 1993, le prix Prince des Asturies pour les Arts en 2008, la Légion d’honneur en 2009 et un Latin Grammy honorifique aux Etats-Unis en 2009. Son nom également été proposé pour le prix Nobel de la paix en 2012. 

Aujourd’hui, les 900 000 enfants qui bénéficient du programme El Sistema sont encadrés par quelques 10 000 enseignants dans plus de 1 500 orchestres répartis dans tout le Venezuela. Les enfants, issus à 75% de milieux défavorisés ou vivant dans des zones rurales très isolés, démarrent très jeunes la pratique de la musique en intégrant des chœurs, puis des orchestres appelés « nucleos ». Ecole le matin, musique l’après-midi, les élèves pratiquent la musique collectivement à raison de 20h par semaine. 

« Ce sont des gamins que nous sortons de la drogue et de la violence » déclarait Abreu à l’AFP il y a quelques années. « Rien qu’entendre un enfant essayer de jouer d’un instrument alors qu’il pourrait être en train de fumer de la marijuana, c’est un succès très important ». El Sistema est intégralement financé par l’Etat, qui voit en ce programme un moyen d’améliorer l’éducation des enfants et adolescents, mais aussi d’assurer une image positive du Venezuela, pays à l’économie exsangue, connaissant un des plus hauts taux de criminalité au monde et gangrené par la corruption. 

El Sistema a également eu des détracteurs, comme le musicologue britannique Geoff Baker qui, dans un livre, décrit un  « modèle de tyrannie » qui oublie les enfants les plus pauvres, et est au service de l’idéologie politique de Chavez, puis de son successeur Maduro. 

Surnommé « El Maestro » au Venezuela, José Antonio Abreu est autant musicien que politique. Il a toujours été proche du pouvoir vénézuélien, d’abord à l’époque du bipartisme puis pendant celle de la révolution bolivarienne. Militant du Front national démocratique, il a été député et ministre de la Culture sous la présidence de Carlos Andres Perez (1989 – 1993). Mandat que tenta de renverser en 1992 le militaire Hugo Chavez. 

Ce dernier accède au pouvoir en 1999 et accélère grandement le développement d’El Sistema. En raison de leur proximité avec Chavez et son successeur Maduro, Abreu et son élève préféré Gustavo Dudamel ont subi de fortes critiques de la part de l’opposition. Dudamel s’est récemment démarqué de la politique de Maduro, actuel président, en rejetant la « violence et la répression » pendant les manifestations anti-gouvernementales au cours desquelles 125 personnes ont été tuées entre avril et juillet 2017.

Avec AFP