Harry Kupfer était l'un des metteurs en scène allemand d'opéra les plus importants de la deuxième partie du XXe siècle. Il a travaillé jusqu'à son décès lundi à Berlin à l'âge de 84 ans des suites d'une longue maladie. Il était aussi à l'aise dans Haendel et Wagner que Schönberg et Penderecki.
Harry Kupfer est décédé lundi à Berlin à l'âge de 84 ans des suites d'une longue maladie. Directeur de l'Opéra Comique de Berlin entre 1981 et 2002, il a marqué l'histoire de la mise en scène avec son approche politique, humaniste et sociétale de son art.
L'opéra : plus qu'une vocation
Le berlinois Harry Kupfer, né le 12 août 1935, a mis en scène exclusivement de l'opéra pendant plus de 60 ans : le théâtre, par son manque de musique, ne l'intéressait pas. C'est en assistant adolescent, à Madame Butterfly et à Tristan und Isolde, dans un Berlin déchiré par la guerre qu'il réalise la direction qu'il va donner à sa vie. Il ira jusqu'à faire l'école buissonnière pour assister au Rosenkavalier de Richard Strauss.
Première production à Halle en 1958
Harry Kupfer étudie le théâtre à l'Université de Leipzig et, se lance dans la mise en scène en 1958, en tant qu'assistant de 23 ans, avec l'opéra Rusalka d'Antonín Dvořák à l'Opéra de Halle. À 27 ans, il s'essaie à Wagner : Lohengrin, pour le théâtre municipal Karl-Marx-Stadt (l'actuelle Chemnitz). Le directeur de l'opéra de l'époque, Carl Riha (1923-2012), reconnaît tout de suite le talent passionnant de Kupfer. Il lui demande de produire quatre à cinq productions d'opéra par saison : exploit dantesque, surtout lorsque nous savons qu'il assistait à chaque répétition avec un tel degré de préparation qu'il aurait pu tout aussi bien, selon ses propres termes, "assurer la mise en scène de la pièce en question les yeux bandés."
Succès en Allemagne à l'est comme à l'ouest
Son ampleur dépasse rapidement les frontières de la RDA (Allemagne de l'Est) : à partir de la fin des années 1970, Harry Kupfer voit sa réputation s'affirmer en Europe de l'ouest, ce qui contribue à nourrir sa philosophie artistique fondée sur les contradictions sociales.
C'est d'ailleurs en ces termes qu'il décrit sa vision artistique : "Lorsque vous interrogez le genre de l'opéra sur les rapports entre l'individu et sa société, il y a toujours des notions fondamentales qui naissent à travers l'examen des histoires individuelles." En tant que metteur en scène, sa provocation se fait toujours au niveau de l'artistique : elle n'était pas un geste égoïste ou pour attirer l'attention des médias.
Des mises en scène qui ont écrit l'histoire de l'opéra
Avec cette idée d'intelligence dans la provocation, Harry Kupfer contribue à l'histoire de l'opéra : avec son _Ring_à Bayreuth, la création en Allemagne de l'Est de Moses und Aron de Schönberg (1975), Les Soldats de Bernd Alois Zimmermann à Stuttgart (1989), avec le Hollandais Volant de Wagner à Bayreuth (1978) et Die schwarze Maske ("Le Masque Noir", dont il écrit lui-même le livret pour la musique de Krzysztof Penderecki) en 1986 au Festival de Salzbourg. Il s'essaie aussi à la mise en scène de comédie musicale avec _Elisabeth_à Vienne, au Theater an der Wien en 1992 (livret de Michael Kunze et musique de Sylvester Levay).
Il aura eu un calendrier plein jusqu'à la toute fin de sa vie. Daniel Barenboim le fait monter sur scène en juin 2018 pour la production acclamée de Macbeth de Giuseppe Verdi à l'Opéra d'État de Berlin. En mars 2019, il mettait en scène Poro de G.F. Haendel à l'Opéra Comique de Berlin, suivi peu de temps après par Tannhäuser de Wagner à Zurich.
Source : Mitteldeutscher Rundfunk - Kultur