Découvrez l’impressionnante Philharmonie de l'Elbe à Hambourg
Par Victor Tribot LaspièrePour faire oublier des années de retard et d’explosions budgétaires, l’Elbphilharmonie de Hambourg devait sortir le grand jeu lors de son inauguration. Pari réussi pour la ville hanséatique qui vient de se doter d’une des plus belles salles de concert au monde.
Il n’aura pas fallu beaucoup de temps pour que la ville d’Hambourg la choisisse pour emblème. Visible d’un peu partout malgré les hauts immeubles en briques, l’Elbphilharmonie se dresse fièrement à 110 mètres au-dessus de l’Elbe. Son toit de verre en forme de vagues acérées fait penser à une couronne. Et il s’agit bien d’un événement royal qu’a vécu la ville hanséatique ce jeudi 11 janvier. L’inauguration de la Philharmonie de l’Elbe nous en a mis plein les yeux et plein les oreilles.
Il y avait évidemment ce concert inaugural proposé par le NDR Elbphilharmonie Orchester – nouveau nom de l’Orchestre symphonique de la NDR – et son chef attitré Thomas Hengelbrock. Un « voyage dans le temps » explique le maestro, sans aucune pause entre les œuvres. Dutilleux est suivi de Cavalieri que Philippe Jarrousky interprète depuis un balcon de la salle accompagné d’une harpe, l’orchestre enchaîne sans transition avec la noirceur de Bernd Alois Zimmerman pour laisser place à la sensualité de l’Ensemble Praetorius qui surgit d’un autre balcon. Un programme audacieux, cohérent et formidablement exécuté.
Les 2 100 personnes présentes, dont la chancelière Angela Merkel et le président Joachim Gauck, ont fait preuve d’une attention d’écoute rare malgré la longueur de la soirée. La plus longue ovation du public était non pas à destination des musiciens mais à celle des architectes suisses Jacques Herzog et Pierre de Meuron, auteurs du fabuleux bâtiment. Le président Gauck l'a d’ailleurs qualifié de « joyau ». Les officiels qui se sont succédés à la tribune n’ont pas occulté les difficultés qu’a connu cette salle pour sortir de terre. Joachim Gauck a parlé de « rêve et de cauchemar, d’étoile mondiale et de plaisanterie, de honte et de miracle ».
La Philharmonie de l’Elbe était surtout connue jusqu’à présent pour être un des plus grands fiascos qu'ait connu l'Allemagne en matière de chantier public. 6 années de retard et un budget multiplié par dix pour atteindre 789 millions d’euros. Olaf Scholz, le maire de Hambourg, a évoqué une « naissance difficile » mais s’est félicité que les habitants aient « adopté l’enfant ». L’édile faisait référence au coût du bâtiment qui a été principalement financé par les impôts de la ville-état.
Plein les yeux
Si la gestation du bâtiment a été compliquée, le résultat dépasse toutes les espérances. Conçue à partir d’un ancien entrepôt portuaire situé à l’extrémité d’un quai sur l’Elbe qui servait à stocker du thé, du cacao et du tabac, la Philharmonie est une véritable prouesse architecturale. L’imposante structure de verre est posée sur les murs en brique d’origine. A la jonction se trouve la plaza qui surplombe l’Elbe, le port et la ville. Le panorama y est à couper le souffle. Un lieu de plein air et ouvert au public situé à 37 m de hauteur et à partir duquel on gagne les deux salles de concert ainsi que des boutiques et des restaurants.
Et il faut encore grimper quelques étages pour atteindre la grande salle. Située à 50 mètres de hauteur, il s’agit tout simplement de la plus haute salle de concert du monde. Signalons d'ailleurs un autre record, la longueur de l’escalator courbé permettant de se rendre à la Plaza depuis la rue. 82 mètre de long pour un temps de parcours estimé à 2 minutes 30 environ. L’équipe de la Philharmonie insiste pour faire savoir qu’il s’agit du plus long escalator courbé d’Europe.
Le véritable joyau de la Philharmonie est bien évidemment la grande salle de concert. On y accède par des escaliers faits de chênes français, les lignes sont franches, les perspectives saisissantes, on peut faire entièrement le tour de la salle en empruntant un couloir lumineux qui propose une vue extraordinaire sur l'Elbe et Hambourg. La grande salle a une capacité de 2 100 places disposées en vignoble, c'est-à-dire en terrasses de différentes tailles sur différents niveaux tout autour de la scène. L'atmosphère est chaleureuse, lumineuse, sobre et minérale. Les murs sont entièrement revêtus de ce que le célèbre acousticien Yasuhisa Toyota a surnommé la «peau blanche ». Des panneaux uniques faits de fibre de gypse et de papier recyclé dont chaque alvéole a été modélisée par ordinateur. Cela confère à la salle un aspect corallien inédit. Mais c'est peut-être également ce qui donne à la salle une acoustique plutôt sèche même si nous nous garderons bien d'avoir un avis définitif sur la question tant l'acoustique d'une salle peut évoluer dans ses premiers mois de vie.
L'autre salle, est celle dédiée à la musique de chambre, au jazz, aux récitals solistes, etc. Les murs sont composés de lamelles de bois qui ondulent et donnent un aspect très chaleureux. Modulable à l'envi, la petite salle sera également le lieu de résidence de l'Ensemble Resonanz qui l'inaugure ce jeudi 12 janvier avec la présence de la soprano Sandrine Piau.
L'Elbphilharmonie est également le lieu d'accueil, chose plutôt inhabituelle pour une salle de concert, d'un hôtel de luxe et d'appartements standings. Si le bâtiment impressionne par la qualité des vues imprenables sur l’Elbe ou la ville, par la qualité de ses finitions. Certaines personnes ne pouvaient s’empêcher de dresser un parallèle avec la Philharmonie de Paris et se souvenait que le bâtiment était loin d’être aussi impeccable le jour de son inauguration. Les mauvaises langues vous répondront que Hambourg a eu du temps. 6 ans de retard pour la construction et un budget qui fait presque le triple de celui de la philharmonie de Paris.