
Depuis trois ans, le projet Hip Baroque Choc rassemble des lycées professionnels d'Île-de-France pour créer un spectacle qui mêle danse Hip-hop, musique baroque et slam.
Dans le hall de l’Université Paris-Descartes, à Paris, des groupes de lycéens répètent quelques pas de danse avant d’entrer dans l’amphithéâtre où a lieu la répétition. Le lendemain, mardi 28 mai, ils seront sur scène dans le cadre du projet Hip Baroque Choc. Un concert spectacle où se mêlent danse Hip-hop, musique baroque et déclamations de textes, le tout mené par des artistes professionnels et des jeunes de lycées professionnels.
« Dans ces établissements il n'y a pas du tout d'enseignement musical, explique Sandrine Labat, professeur de maths sciences au lycée Théophile Gautier et coordinatrice du projet. Ce sont des élèves qui ont besoin d’une grande ouverture culturelle, ce sont des milieux difficiles, ils n’ont pas choisi leur orientation et arrivent en lycée professionnels sans estime d’eux-même. Or je trouve que l’art est le levier idéal pour faire en sorte qu’ils perçoivent qu’ils ont de grandes qualités, des potentialités qu’ils ne soupçonnaient pas. »
Un projet inter-établissements
Avec un ami, Julien Chauvin, violoniste et fondateur de l’ensemble Le Concert de la Loge, elle a imaginé ce projet de spectacle, au début avec la participation d’un lycée et trois ans plus tard, ce sont quatre lycées, de Paris, Meaux et Bagnolet, qui mettent la main à la pâte pour « que les élèves se connaissent, interagissent », poursuit la professeure.
On arrive à tous s'entendre comme si on venait du même quartier.
Une méthode qui fonctionne bien auprès des lycées comme en témoigne Kevin qui participe pour la troisième fois au projet : « Je suis dans un groupe assez hétéroclite, on vient de plusieurs horizons, il y a des non francophones, des personnes qui font de la sécurité, d'autres de la gestion ou du commerce... Et on arrive à tous s'entendre comme si on venait du même quartier. » Une ambiance créée grâce à des échanges pendant l’année lors de la centaine d’ateliers délivrés par des professionnels mais aussi par les professeurs.
« Cette année, des profs de lettres ont fait écrire des textes aux élèves en CAP agents de sécurité, des lycéens en difficulté scolaires qui ont du mal parfois à écrire, à s'exprimer. Ils ont participé à un atelier d'écriture toute l'année, et leurs textes vont être déclamés par des élèves d'un autre établissement qui vont prêter leurs voix, car ils ont un peu plus d'assurance », raconte Sandrine Labat.
Des déclamations lues sur scène
Lina fait partie des lycéens qui vont lire ces textes sur scène. Pour elle, c’est une vraie responsabilité : « Ce sont des déclamations sur leurs vies, leurs sentiments, leur histoire, et nous, notre but, c’est de transmettre l’émotion à travers le texte. On l’a tous pris à cœur parce que c’était beaucoup d’émotion quand on a lu les textes, il y a beaucoup de souffrance et on sent que c’est un appel à donner au public ».
Au début on se dit que c’est très classique mais après tu as envie de danser, de bouger, de t’éclater, et c’est ça l’important.
Les textes lus ainsi que les chorégraphies sont accompagnés, côté musique, par les instrumentistes de l’ensemble de Julien Chauvin. Côté danse, les élèves n’ont aucune base et ont tout appris au cours de l’année. Bridget, même si elle pense que c’est « inné » chez elle, avoue n’avoir jamais dansé en public ou pris de cours. Sceptique au début sur le choix de la musique (du répertoire baroque), elle s’est finalement prise au jeu : « On s’adapte très vite. Au début on se dit que c’est très classique mais après tu as envie de danser, de bouger, de t’éclater, et c’est ça l’important », lance-t-elle dans un rire.
Ce spectacle me permet de m'ouvrir sur le monde et d'accepter mon corps
S’éclater mais aussi se lâcher, comme c’est le cas pour Kevin qui participe au projet depuis le début : « Ce spectacle me permet de m'ouvrir sur le monde et d'accepter mon corps parce que je suis... bien en chair on va dire, donc ça me permet de m'accepter et d'arriver à bouger sans problème. Je n'avais pas l'habitude de faire des représentations, avant c’est beaucoup de stress mais pendant on lâche tout. »
Sans préjugé, sans jugement
Cette liberté de mouvement, qui se traduit dans la danse pour lui, est permise grâce au groupe dans lequel il évolue : « C’est le fait de ne plus avoir à se soucier du regard des autres et d'être avec des personnes avec qui on peut rigoler, sans préjugé, sans jugement, qui permet de me sentir bien », témoigne le jeune homme.
Le Hip Baroque Choc est en représentation mardi 28 mai à l’Université Paris Descartes et le projet a pour vocation de continuer et de s’exporter à Metz notamment où le Concert de la loge est en résidence. Julien Chauvin exprime l’importance de participer à ce genre d’initiatives : « C'est une tranche d'âge, les 15-20 ans à laquelle nous sommes peu confrontés, nous musiciens, dans le monde qui est le nôtre des salles de concerts classiques, traditionnelles. On découvre comment ces jeunes peuvent s'approprier une culture qui n'est pas la leur, un répertoire qui n'est pas naturel et comment ils vont cheminer, toute une année, avec ces répertoires nouveaux. »