Des musiciennes afghanes retrouvent le public pour la première fois depuis des mois
Par AFP, Louis-Valentin LopezDes musiciennes de l'orchestre afghan Zohra, exclusivement féminin, se sont retrouvées sur scène dans la capitale qatarie Doha.
Pour la première fois depuis des mois, des musiciennes de l'orchestre afghan Zohra, exclusivement féminin, se sont retrouvées sur scène dans la capitale qatarie Doha et ont pu jouer, oubliant un instant leur avenir incertain. Si ces jeunes femmes sont aujourd'hui en sécurité au Qatar, leur départ de Kaboul après le retour au pouvoir en août des talibans est teinté d'amertume : elles ont laissé derrière elles familles, amis et anciens compagnons, ainsi que leurs instruments.
Ce n'est que la semaine dernière que Marzia Anwari, aux côtés d'autres membres de la communauté musicale afghane qui ont fui au Qatar, s'est produite sur scène pour la première fois depuis trois mois devant un public. "La plupart des filles de l'orchestre Zohra sont ici avec moi au Qatar, mais certaines d'entre elles sont toujours en Afghanistan", raconte à l'Agence France Presse cette femme de 18 ans. "J'espère qu'elles pourront nous rejoindre ici dès que possible et que nous pourrons être ensemble et reconstruire notre orchestre", poursuit-elle.
Orchestre entièrement féminin
Premier orchestre entièrement féminin en Afghanistan, Zohra a été fondé en 2016 et compte 35 membres, âgés de 13 à 20 ans, parmi lesquels des filles orphelines et d'autres issues de milieu modeste. L'orchestre s'était produit pour la première fois à l'étranger en 2017 lors du Forum économique mondiale de Davos (Suisse), un spectacle qui tranche avec les traditions et les menaces de mort dans leur pays.
La musique était interdite lorsque les talibans étaient au pouvoir en Afghanistan de 1996 à 2001 et, depuis leur retour en août dernier, les libertés et l'éducation des femmes ont à nouveau été brusquement restreintes. "En Afghanistan, ils considèrent que tout est 'haram' (ndlr: interdit par la coran) pour les femmes, en particulier la musique", raconte Marzia Anwari.
Il était difficile d'exercer le métier de musicien même avant la chute de Kaboul, dit-elle, car les sympathisants des talibans s'accrochent toujours à des croyances bien ancrées selon lesquelles les filles doivent rester à la maison. "Quand nous sortions, on nous traitait de 'femmes aux mœurs légères' et d'autres choses du genre", ajoute-t-elle.
Shogofa Safi, 18 ans, se dit aussi heureuse d'avoir quitté l'Afghanistan. La jeune femme a raconté à l'AFP sa fuite éprouvante, alors que des militants talibans contrôlaient l'aéroport de Kaboul avant son évacuation par avion. "La situation en Afghanistan était très dangereuse et j'avais peur de partir, ils (les talibans) ne savaient pas que nous étions des musiciennes (...), s'ils avaient su, ils nous auraient tuées", poursuit la jeune femme, percussionniste et cheffe d'orchestre de Zohra.
Le Qatar a accueilli environ 100 élèves et professeurs de l'Institut national afghan de la musique (Anim) - qui regroupe plusieurs orchestres et ensembles dont Zohra - en attendant leur transfert vers le Portugal. Parmi eux, Mohammed Qambar Nawshad, chef d'orchestre de l'orchestre national afghan, raconte à l'AFP son bonheur de renouer avec la musique : "Nous n'avons pas pu jouer depuis qu'il ont pris le contrôle de Kaboul il y a au moins trois mois. C'était une superbe opportunité, pas uniquement pour moi mais pour toute la communauté de se produire à nouveau et de transformer ses rêves en réalité."