Des musiciens écossais évitent la quarantaine grâce à un bateau de pêche
Par Clément BuzalkaLe Dunedin Consort, un ensemble de musique baroque venu d’Écosse pour jouer en Normandie, a bien failli tomber sous le coup de la quarantaine imposée par leur gouvernement aux voyageurs arrivant de France. Mais c’était sans compter une traversée de la Manche de dernière minute.
Une chose est sûre : les musiciens du Dunedin Consort se souviendront de leur premier concert post-confinement. Attendus vendredi 14 août pour le concert de clôture du Festival de Lessay, en Normandie, le groupe baroque a dû remuer ciel et terre (mais surtout mer) pour retrouver sa patrie écossaise.
Partis mercredi matin d’Edimbourg, les musiciens du Dunedin Consort, ensemble baroque réputé, étaient conscients du risque de quarantaine à leur retour. « La presse spéculait à ce sujet depuis une semaine déjà, explique Jo Buckley, le directeur général du groupe_, mais il n’y avait rien de certain. De toute façon, nous voulions honorer notre engagement avec le Festival de Lessay. »_ Privés de scène depuis plusieurs mois, les douze musiciens se faisaient un plaisir de retrouver un public en direct. Impossible pour eux de manquer cette date.
Samedi 15 août, 5h00, le Royaume-Uni se barricade
La veille du concert, jeudi, quelques heures après la répétition, des notifications des médias anglophones sur les smartphones. Il est 23 h. L’annonce officielle vient de tomber : le gouvernement de Boris Johnson rend obligatoire une quarantaine de 14 jours pour les personnes qui viennent de France. « À ce moment-là, je me suis dit que c’était foutu, qu’ils ne pourraient jamais concilier le concert et leur retour avant le samedi matin, 5 heures, comme l’ordonnait cette règle », raconte Charles Brossillon, le coordinateur du festival.
Pendant plusieurs heures, en pleine nuit, les Écossais et les organisateurs du festival de Lessay vont écumer toutes les solutions pour permettre aux musiciens de regagner le Royaume-Uni avant l’heure fatidique. L’Eurostar : complet ; le ferry de nuit depuis Ouistreham : pas plus de place ; un avion depuis Rennes : pris d’assaut lui aussi ; un jet privé au départ de Caen : beaucoup trop cher.
Une solution au fil de l’eau
Les Britanniques ne baissent pas les bras. Ils sont persuadés qu’ils trouveront une solution. Mais plus tard : ils se laissent jusqu’à la dernière minute, et feront ce concert en Normandie, coûte que coûte. Au matin du vendredi, deux flûtistes du groupe décident de rejoindre la Grande-Bretagne. Les autres restent et trouvent enfin le moyen de partir après le concert. « J’ai trouvé le numéro d'une compagnie qui affrète des bateaux de pêche dans la Manche et fait les liaisons depuis Portsmouth, confie Jo Buckley, c’était la seule solution. »
« Pour nous, il ne s'agissait pas tant d'éviter la quarantaine pour le désagrément, mais parce que nous voulions nous assurer que nos artistes n'aient pas à annuler d'autres travaux précieux au cours des quinze jours suivants. »
- Jo Buckley, le directeur général de Dunedin Consort
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Toute la journée, les musiciens se sont donc préparés à relever ce défi : jouer un concert dans l’ouest du Cotentin à 21h, et être sur le sol britannique 7 heures plus tard. « Ils étaient contents de jouer, mais on savait qu’ils étaient tout de même un peu stressés », reprend Christophe Jeanson, le vice-président du festival. Et l’adrénaline se ressent dans le final du concert. « Les saluts étaient rocambolesques, raconte Charles Brossillon_. Dès les dernières notes et les applaudissements, les musiciens n’ont pas tardé à quitter la scène pour partir se changer et charger le matériel, notamment des instruments. Le chef est revenu sur scène avec sa valise, faire un dernier au-revoir, alors que le public réclamait encore un bis ! »_
En pleine nuit dans les eaux froide de la Manche
À Cherbourg, le Walkyrie et son skipper, Glen Cairns, les attendaient. « Nous avons rangé tous nos petits instruments dans les quartiers de couchage sous le pont, mais la contrebasse dans son robuste flight-case a dû rester en haut pendant le voyage, témoigne Jo Buckley. La nuit a été très calme, ce qui a permis une traversée confortable. La plupart d'entre nous avons passé les 5 heures de traversée à l'intérieur » Le bateau est arrivé à Hayling Island, près de Portsmouth, dans le Hampshire, à 3h50, soit dix minutes seulement avant que la mesure imposée par Boris Johnson ne prenne effet.
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Soulagement pour toute l’équipe, qui avait même eu le temps de réaliser toutes les démarches administratives pour ne pas être inquiétée par les patrouilles frontalières côté britannique à leur arrivée. « Nous avons veillé à prendre des photos dès que nous avons mis le pied sur le sol britannique au cas où nous aurions besoin de prouver à quelqu'un que nous étions de retour avant le couvre-feu », renchérit Jo Buckley.
Après cette drôle d’aventure, dont il garde un bon souvenir, l’ensemble a repris ses projets musicaux. Pour l’heure, il compte bien rester au Royaume-Uni, pour ne pas prendre de risque. Leurs concerts à Édimbourg devraient reprendre dès la fin du mois.