Disparition de Bénédicte Pesle, une passionnée au service de l’avant-garde américaine
Par Victor Tribot Laspière
Décédée le 17 janvier dernier à Paris, Bénédicte Pesle a œuvré à la reconnaissance de grandes figures de l’avant-garde américaine en France comme Merce Cunningham, Robert Wilson, Lucinda Childs, John Cage ou Philip Glass.
Aux termes « agent artistique » ou « impresario », elle préférait celui de « secrétaire d’artistes ». Bénédicte Pesle, à qui l’on doit la découverte en France de nombreux artistes de l’avant-garde américaine, est morte mercredi 17 janvier à Paris à l’âge de 90 ans. Née au Havre, elle s’est construite toute seule une carrière atypique au contact d’artistes tels que Max Ernst, René Magritte ou Niki de Saint-Phalle. Artistes qu’elle a côtoyés alors qu’elle dirigeait la galerie Iolas à Paris.
Dans les années 1950, elle décroche une bourse qui lui permet d’aller travailler pendant deux années dans une librairie de Boston aux Etats-Unis. C’est à cette époque qu’elle fait la connaissance du danseur et chorégraphe Merce Cunningham et de John Cage. Une dizaine d’années plus tard, elle parvient à trouver des financements pour produire le danseur à Paris, au Théâtre de l’Est. Débuts compliqués puisque le travail de l’artiste américain est accueilli par des jets de tomates. Mais sa ténacité finira par payer et elle contribuera au rayonnement international du danseur et de sa troupe.
En 1972, elle crée l’association ArtService International qui a pour but de faire connaître en France l’avant-garde de la scène New Yorkaise. C’est donc grâce à Bénédicte Pesle que des artistes comme le metteur en scène Robert Wilson, les musiciens Philip Glass, Steve Reich ou Meredith Monk, les danseurs et chorégraphes Lucinda Childs, Trisha Brown, Yvonne Rainer ont démarré leur carrière à Paris et en Europe.
C’est elle qui parvient à convaincre Michel Guy, alors ministre de la Culture, de commander un opéra à Philip Glass. Ce sera le choc esthétique _Einstein on the Beac_h, mis en scène par Robert Wilson, dont la première a lieu au Festival d’Avignon en 1976.
Plus tôt, on la retrouve également aux côtés de Michel Guy lorsqu’il s’agit de créer le Festival d’Automne à Paris en 1972. Elle a aussi œuvré à la création de la Cinémathèque de la Danse ainsi qu’au Centre national de danse contemporaine d’Angers.
Personnalité discrète et peu connue du grand public, Bénédicte Pesle est pourtant à l’origine de l’explosion artistique de l’avant-garde américaine qui secoua Paris, puis l'Europe, dans les années 1970. En réaction à son décès, Robert Wilson a déclaré que « personne n’avait fait autant qu’elle dans la seconde moitié du XXe siècle en terme d’échanges culturels entre la France et les Etats-Unis ». Le metteur en scène rappelle qu’elle finançait elle-même certains projets malgré ses fonds limités et sans jamais demander à ce que son nom ne soit mentionné. « De toutes les personnes que j’ai pu côtoyer professionnellement, elle était la plus sage, la meilleure, elle était une géante ».