Erroll Garner : 9 (petites) choses que vous ne saviez (peut-être) pas sur le compositeur de « Misty »

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Erroll Garner : 9 (petites) choses que vous ne saviez (peut-être) pas sur le compositeur de « Misty »

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Erroll Garner (1921-1977)
Erroll Garner (1921-1977)
© Getty - NBC

Compositeur et pianiste virtuose, Erroll Garner est un précurseur majeur du mouvement bebop, incarnant l’esprit du swing et du blues. Voici 9 (petites) choses sur la main droite la plus rapide du jazz, Erroll Garner.

Jazzman autodidacte

Dès l’âge de trois ans, Erroll Garner joue à l’oreille toutes les mélodies qu’il entend. Il suit quelques cours de piano sous les encouragements de sa mère, mais il ne prend jamais le temps de faire ses devoirs et ne saura jamais ni lire ni écrire la musique. Cela ne l’intéresse pas car avec sa fine oreille et sa mémoire musicale impressionnante, il n’a tout simplement pas besoin de cela. « Je suis payé pour jouer les notes, pas pour les lire » dira-t-il plus tard à un journaliste.

Avant même ses 18 ans il se fait déjà connaitre dans tout Pittsburgh en jouant à la radio, dans des bars, dans des spectacles de vaudeville, sur des barges et même à l’église. Malgré son succès précoce et son talent incontestable, il sera néanmoins recalé par la Pittsburgh Music Union lorsqu’il tente de s’y inscrire dans les années 1940 en raison de son incapacité à lire une partition. En 1956, le syndicat cède face à la réputation désormais immense d’Erroll Garner et nomme le pianiste membre honoraire.

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Grand jazzman, petit musicien

Erroll Garner est un jazzman immense par le talent, mais petit par la taille. Le pianiste ne mesure en effet que 157 cm. Afin d’être bien assis face au piano, il utilise plusieurs annuaires téléphoniques placés l’un sur l’autre. Mais lors de son concert à Carnegie Hall en 1967, le seul annuaire de Manhattan suffira, tant il est épais !

Quant à ses mains, elles sont d’une taille disproportionnée par rapport au reste son corps, avec des pointes de doigts très fines, lui permettant de développer son style unique et novateur lors de son arrivée à New York en 1944.

Un style unique

Le jeu de piano d’Erroll Garner semble en perturber plus d’un. Ca swing, ça bop, ça bouge, mais il y a quelque chose de différent. C’est Steve Allen, pianiste, compositeur et créateur et présentateur de la célèbre émission de télévision The Tonight Show, qui résume mieux le jeu d’Erroll Garner : « Il faut vraiment être pianiste pour comprendre à quel point il était doué, et à quel point ce qu’il faisait était juste impossible. »

En effet, nul autre pianiste ne joue comme Garner. Surnommé le pianiste aux quarante doigts, Erroll Garner retranscrit au piano avec seulement deux mains toute l’énergie, le dynamisme et l’ampleur musicale des big bands de Duke Ellington et de Count Basie qu'il affectionne particulièrement. Sa main gauche, lourde mais avec un swing régulier, sert de section de rythme. Il crée des motifs polyrythmiques et des subdivisions de rythme comme une guitare de rythme d’un big band, alors qu'une main droite légèrement décalée semble danser par-dessus avec des motifs dignes des solos de saxophone ou de trompette.

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Un jazzman debussyste 

On compare souvent l’esprit des nombreuses ballades rêveuses, rhapsodiques et oniriques d’Erroll Garner aux œuvres impressionnistes de Claude Debussy. Amateur de musique classique, Garner assiste souvent à des concerts de divers interprètes, notamment du pianiste russe Emil Gilels.

Le 27 mars 1950, Erroll Garner est le premier musicien de jazz à monter sur la scène du Cleveland Music Hall, lieu de concert jusqu’alors habituellement réservé à la musique classique. Garner sera notamment le trait d’union entre les clubs de jazz et les salles de concert, ouvrant ainsi les prestigieuses portes à d’autres musiciens de jazz. Il sera également le premier et le seul musicien de jazz à être embauché par l’impresario classique Sol Hurok.

Erroll Garner vs Art Blakey

Sans Erroll Garner, il n’y aurait pas d’Art Blakey ! En effet, selon la légende, la première rencontre entre ces deux futurs géants du jazz fut décisive pour le batteur. Car avant de se mettre à la batterie, Art Blakey est d’abord pianiste, également natif de Pittsburgh.

Alors que Blakey dirige une répétition de son groupe de plusieurs musiciens dans un bar à Pittsburgh, il peine au piano car lui non plus ne sait pas lire une partition de musique. Un jeune musicien nommé Erroll propose d’essayer, et impressionne immédiatement la salle entière. Le gérant du club conseille à Art (de manière plus ou moins menaçante selon les différentes sources) de se mettre plutôt à la batterie et de laisser Erroll au piano. Et ainsi commence la carrière fructueuse d’Art Blakey en tant que batteur…

Les légendes du jazz
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Une légende confirmée en un seul album

Le 19 septembre 1955, Erroll Garner est embauché pour jouer un concert dans une ancienne église à la base militaire de Fort Ord à Carmel en Californie, sans aucun enregistrement de prévu. Mais le pianiste donne ce soir-là l’un des meilleurs concerts de sa carrière, pleinement saisit par l’inspiration et le feu de l’action. 

Face à l’idée d’avoir loupé l’enregistrement d’un tel concert, l’agent de Garner Martha Glaser est désespérée. Par chance, elle croise dans les coulisses du concert un soldat et fan de jazz muni d’un magnétophone. Elle est prête à tout pour récupérer un enregistrement du concert, et offre au spectateur toute la discographie enregistrée d’Erroll Garner en échange de son enregistrement.

De retour à New York, Glaser donne la bande au bureau de jazz de Columbia Records pour en faire un pressage : _Concert By The Sea__,_ le premier concert en direct d’Erroll Garner. Malgré la pauvre qualité de l’enregistrement, l’album se vend à un million d’exemplaires en 1958 et devient l’un des albums de jazz les plus vendus au monde.

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Erroll Garner, précurseur des droits des musiciens

Si l’album Concert By the Sea distribué par Columbia Records apporte une certaine gloire à Garner, cela ne l’empêchera pas de se retourner contre ces derniers en 1960 dans un cas juridique dont le précédent marque l’histoire de la musique.

Alors au sommet de sa carrière, Erroll Garner signe en 1956 un contrat avec Columbia Records lui permettant de choisir quelles compositions peuvent être distribuées ou non. Mais la maison de disques décide de publier un certain nombre d’anciennes chansons dans le catalogue du pianiste, sans son accord. Garner décide donc de poursuivre son propre label en justice, litige qu’il gagnera deux ans plus tard. Il se verra restitué l’entièreté de son catalogue musical, ainsi que la somme vertigineuse de 265 297 dollars et 55 centimes !

Un pianiste oublié

La victoire décisive d’Erroll Garner contre Columbia Records annonce le début de la fin de sa carrière. Contraint de ne rien enregistrer pendant les deux ans et demi de procès contre son label, Erroll Garner se voit réduit au silence, alors qu'il est à l’apogée de sa carrière. Un silence qui efface en partie le nom d’Erroll Garner de la mémoire collective.

Le pays alors toujours sous l’emprise d’une division raciale violente, la presse blanche s’empare également de l’histoire pour montrer Erroll Garner sous un mauvais angle. Voici un pianiste qui ne sait pas lire, qui pense que Bach est une marque de bière, un homme naïvement heureux qui ne saurait quoi faire de tout cet argent. La victoire d’un tel individu face à une compagnie respectable fut de trop pour l’image d’un jazzman de l’époque, et la carrière d’Erroll Garner ne put jamais réellement se relever à la suite du célèbre procès.

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Play Misty For Me

La carrière d’Erroll Garner largement essoufflée au début des années 1970, un dernier pic d’intérêt vient renouveler l’intérêt public pour le jazzman lorsque l’acteur Clint Eastwood se lance dans la réalisation de son premier film. L’acteur conçoit un scénario de thriller intitulé Play Misty For Me [Un frisson dans la nuit en français], référence à la célèbre ballade d’Erroll Garner. Le film raconte l’histoire d’un disc-jockey de radio, Dave Garver (Clint Eastwood) qui subit l’admiration obsessive et finalement violente d’une auditrice, Evelyn, qui l’appelle constamment pour lui demander de passer une seule et même chanson : Misty

Grand amateur et défenseur de jazz, on pourrait croire que Clint Eastwood fut un admirateur d’Erroll Garner au point de placer la célèbre chanson du jazzman au cœur de son tout premier film. Mais en réalité le réalisateur s’intéresse plutôt à la reprise d’un autre musicien, le chanteur Johnny Mathis. Publiée en 1954, Misty est une composition uniquement instrumentale. Les paroles sont ajoutées en 1955 par Johnny Burke, puis enregistrées par Johnny Matis en 1959. Fan de ce dernier, Clint Eastwood découvre finalement la célèbre ballade de Garner, qu’il place au cœur de l’intrigue de son premier film.

Les légendes du jazz
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