Gioacchino Rossini : 10 (petites) choses que vous ne savez (peut-être) pas sur le compositeur
Par Nathalie MollerLe tournedos Rossini et l’opéra Guillaume Tell ont un point commun : ils sont tous les deux l’oeuvre d’un compositeur prolifique et gourmand, Gioacchino Rossini.
Fantaisie, vivacité et légèreté : c’est la bonne recette du maestro Gioacchino Rossini. A lui seul, le compositeur a renversé les codes de l’opéra italien, laissant en héritage quelques unes des plus grandes oeuvres du répertoire lyrique : Le Barbier de Séville, L’Italienne à Alger ou encore Guillaume Tell.
Né un 29 février (1792) et mort un vendredi 13 (1868), il aura mené une existence peu banale : preuve en est avec ces 10 (petites) choses que vous ne savez (peut-être) pas sur l’un des plus grands maîtres de l’opéra italien.
Paresseux légendaire
Rossini a composé près de 40 opéras en moins de 20 ans, et cela semble a priori peu paresseux. Mais c’est sans compter le fait qu’il recycle ! Le maestro réutilise régulièrement les mêmes thèmes et mélodies dans ses opéras. Prenez par exemple l'ouverture du Barbier de Séville (1816) : elle figurait déjà dans Aureliano in Palmira (1813) et Elisabetta, regina d’Inghilterra (1815).
Nombreuses sont les anecdotes qui ont rendu célèbre la paresse de Rossini : celle, par exemple, de la composition de son opéra Il Signor Bruschino, en 1813. Rossini est bien au chaud dans son lit lorsque que glisse sur le sol un feuillet de sa partition. Plutôt que de quitter son nid douillet, il préfère réécrire toute la page. Une page dont il ne se souvient plus et qu’il lui faut entièrement re-composer. Drôle de paresse, donc, qui se transforme en élan d’inspiration.
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Gourmand et gourmet
Tournedos de bœuf Rossini, tarte Guillaume Tell… Ne cherchez pas plus loin les origines de ces délicieuses (et copieuses) recettes : elles sont l’héritage culinaire de notre compositeur. Car le maestro est bien gourmand ! Il aime agrémenter ses plats de foie gras et de truffes - des mets simples, n’est-ce pas ? - le tout accompagné par d’excellents vins, évidemment.
Rossini s’installe à Paris en 1848 et ses dîners gastronomiques deviennent vite légendaires. Quand il ne s’attable pas à la Tour d’argent ou à la Maison dorée - de grands restaurants parisiens - pour se remplir la panse, il invite ses amis chez lui, pour dîner. Rossini aura donc réussi, en plus du succès de ses opéras, à inscrire son nom dans la grande et sélective histoire de la gastronomie française.
Personnage de roman
La vie de Rossini n’est pas seulement romanesque. Elle a même inspiré l’un des plus grands auteurs du siècle romantique : Monsieur Henri Beyle, mieux connu sous le nom de Stendhal. L’écrivain est subjugué par l’art rossinien et consacre au compositeur tout un ouvrage : Vie de Rossini.
Publié en 1823, la Vie de Rossini selon Stendhal est certainement quelque peu romancée, à commencer par la rencontre entre l’écrivain et le compositeur, soit-disant à Rome, en 1817. Sauf que les historiens ont depuis démontré que cette première fois n’avait tout simplement jamais eu lieu. Rossini et Stendhal se sont véritablement croisés bien des années plus tard à Paris, point final.
Le fiasco du Barbier de Séville
Le Barbier de Séville est peut-être aujourd’hui le plus célèbre des opéras composés par Rossini. Et pourtant, lors de la Première à Rome en 1816, la représentation est une véritable catastrophe. La guitare du comte Almaviva se désaccorde et il faut en remplacer une corde, un chat se balade tranquillement sur scène, Don Basilio chute et se casse le nez... le public est hilare quand il ne siffle pas.
Rossini est au piano, dans l’orchestre. A la fin du premier acte, le compositeur se lève dignement, salue et applaudit ses chanteurs, dos tourné au public. Il n’en faut pas plus pour provoquer la salle, déjà bien échauffée par les différents couacs. Heureusement, depuis cette désastreuse première, Le Barbier a fait son chemin et s’est hissé au rang des plus célèbres opéras italiens.
Rossini et les vocalises
Aujourd’hui encore, tout apprenti chanteur connaît l’arpège Rossini. Une grande vocalise, un échauffement qui stimule la souplesse vocale. Car le maestro est exigeant : ses interprètes doivent parfaitement maîtriser leur voix, connaître leur partition sur le bout des doigts et, en aucun cas, modifier les notes qui ont été écrites pour leur personnage.
Afin de s’assurer du bon respect de ses intentions musicales, Rossini écrit toutes les vocalises, tous les ornements (jusque-là improvisés sur scène par les chanteurs). Il souhaite protéger ses oeuvres d’un éventuel désastre car, selon lui, tous les interprètes n’ont pas les mêmes capacités qu’un Velluti (célèbre castrat du XIXe) ou qu’un Manuel Garcia (créateur du rôle d’Almaviva dans le Barbier de Séville).
"Le petit allemand"
Macché ! Gioacchino Rossini, le Cygne de Pesaro, l’un des plus importants compositeurs italiens, ce même Rossini aurait-il un jour été qualifié de « petit allemand » ?
E, sì ! Pendant ses années d’études musicales à Bologne, le jeune Rossini est littéralement absorbé par l’étude des partitions de Haydn et Mozart, les deux grands représentants germaniques du classicisme. Une fascination qui vaut donc à Rossini le surnom de « petit allemand » et dont on retrouve quelques traces dans les oeuvres de jeunesse du compositeur.
« Le premier air de Tancredi rappelle étrangement le Voi Che Sapete de Cherubino dans Les Noces de Figaro [de Mozart, ndlr] »
René Jacobs (Libération, 02/06/07)
Un brin opportuniste
Une chose est sûre, Gioacchino Rossini a du flair. Dès l’adolescence, alors qu’il est étudiant-musicien à Bologne, il comprend bien que pour devenir un grand compositeur en Italie, il faut se consacrer à l’opéra, assurément. Car au XIXe siècle, en Italie, toute ville a son théâtre, ses chanteurs, son orchestre. L’opéra fait la loi.
Rossini se consacre donc corps et âme à la composition d’oeuvres lyriques. Près de 40 opéras naîtront de son imagination en moins de 20 ans. Et s’il faut parfois reprendre une oeuvre pour la remettre au goût du jour, rien de plus simple. En 1826, par exemple, alors que le public parisien soutient l’indépendance du peuple grec (vis-à-vis de l’Empire ottoman), Rossini ressort une vieille oeuvre de ses cartons, en révise le livret et donne naissance au Siège de Corinthe.
Une retraite anticipée
A l’âge de 37 ans, sans donner aucune explication, Rossini met fin à sa grande carrière lyrique. Fini les opéras ! Désormais le compositeur prend le temps de vivre, de voyager, de manger (il adore ça) et recevoir ses amis.
Il ne s’agit pas pour autant de rester inactif. Entre 1830 et 1868, année de sa mort, Rossini compose par exemple les Soirées Musicales (1835), une Petite messe solennelle (1864) ou encore de légers et amusants Péchés de vieillesse, pièces pour voix et piano aux titres résolument évocateurs : Ouf, les petits pois, Boléro tartare, Hachis romantique, Toast pour le nouvel an, ou encore Valse boiteuse…
Mon Olympe
Si Rossini s’éloigne de la vie lyrique après le succès de son fameux Guillaume Tell en 1830, ce n’est pas seulement pour prendre du bon temps. Le compositeur est fatigué, malade. Sans compter que son premier mariage bat de l’aile : sa première femme, la cantatrice Isabella Colbran, est restée en Italie alors que lui vit désormais à Paris.
Le couple se sépare en 1837 et, dix ans plus tard, suite à la mort d’Isabella, Rossini épouse son second amour : Olympe Pélissier. A Paris, Olympe est une muse. Son salon fait référence et ses conquêtes sont nombreuses : l’écrivain Honoré de Balzac, le peintre Horace Vernet (pour qui elle prend la pause) et finalement le grand compositeur Gioacchino Rossini, tous ont succombé à ses charmes.
Directeur du Théâtre-Italien
Suite au succès parisien de son opéra Il viaggio a Reims en 1825, Rossini devient l’un des compositeurs les plus en vue de la capitale française. Il prend même la direction du Théâtre-Italien. Et là plus que partout ailleurs, il doit prendre soin des chanteurs, grands favoris du public. Leurs caprices le lassent parfois, mais c’est à la voix humaine qu’il consacre tout son talent de compositeur.
En ce début de XIXe siècle, Rossini bouscule les habitudes. Il s’émancipe des règles bien établies de l’opera seria ou de l’opéra buffa. Avec lui, l’orchestre accompagne les récitatifs et les grands numéros vocaux s’enchaînent, en solo, trio, quatuor ou quintet. Mais il ne s’agit pas d’éblouir le public : la voix est comme un instrument de l'orchestre, un vecteur dramatique. Ainsi, sans vraiment en avoir conscience, Rossini laisse une empreinte indélébile sur la grande histoire de la musique.