
Le label Harmonia Mundi a lancé en juin 2019 une nouvelle collection de disques baroques, Camerata Obscura, en partenariat avec l’Ecole nationale supérieure de la photographie à Arles. Les premiers disques ont été illustrés par quatre étudiants.
Des grenades bien rouges pour Les Quatre saisons de Vivaldi, du pixel pour Purcell et un réfrigérateur qui illustre la musique de Tartini. Les pochettes des disques de la nouvelle collection d’Harmonia Mundi, lancée le 14 juin 2019, ont été réalisées par quatre étudiants de l’Ecole nationale supérieure de la photographie, à Arles.
« Le projet est né d’une volonté de remettre au goût du jour des œuvres du répertoire baroque qui n’étaient pas rééditées depuis un moment, de pouvoir leur apporter une nouvelle fraîcheur, un nouveau regard » , raconte Camille Fabre, cheffe de projet sur le fond de catalogue à Harmonia Mundi – Pias. « Et pour ça, quoi de mieux que le regard de jeunes artistes ? », ajoute-t-elle.
A Arles, ville de la photographie, il était assez naturel de se tourner vers les étudiants de l’Ecole nationale supérieure de la photographie, explique Camille Fabre. Quatre d’entre eux ont donc décidé de travailler sur ce projet pendant l’année scolaire : Anaïs Castaings, Claire Nicolas-Fioraso, Robin Plus et Gwenaël Porte. Ils étaient encadrés par leur professeur, Fabien Vallos, également musicien et philosophe. Il revient sur le processus : « On a d’abord fait des écoutes avec les étudiants, et puis j’ai essayé de leur expliquer ce qu’était la musique baroque à partir de la Seconda Pratica. Ensuite nous nous sommes interrogés sur ce qu’est l’image baroque, qui surgit d’un fond sombre. »

Comment donner à voir la musique ?
L’un des points communs entre la musique et l’image baroque c’est la « fabrication du détail » et « les variations qui naissent de ces détails », explique Fabien Vallos. Ainsi, les quatre images des couvertures sont en réalité les détails d’une image bien plus large, une grande nature morte, composée par les étudiants, et que l’on retrouve dans le livret. « On en a prélevé des éléments, parfois au fond de l’image, à la limite du pixel », raconte Fabien Vallos.
Tout juste diplômé de l’Ecole nationale de la photographie l’année dernière, Gwenaël Porte a participé au projet. Il explique le choix des objets pour composer cette grande nature morte : « Ce qui nous intéressait c’était d’aller à l’encontre de ce que l’on pouvait voir sur les pochettes traditionnelles d’albums de musique classique. Donc par exemple il y avait un soda dans une carafe et on trouvait ça plutôt amusant de pouvoir jouer avec l’idée de la nature morte. C’était aussi des objets qu’on trouvait assez beaux, qu’on avait envie d’amener dans ce lieu. »
Il a fallu ensuite sélectionner les images qui allaient figurer sur les pochettes « On a fait énormément de photos pour chaque album et on écoutait la musique qui nous inspirait pendant la prise de vue », relate Gwenaël Porte. Pour la musique de Mondonville, « qui est très intime », il fallait « quelque chose de très sensuel ». Pour la Sonate les trilles du diable de Tartini, le choix d'un crâne sur fond blanc « contrastait avec le fond noir de la grande image et annonçait aussi un changement de paradigme, le romantisme à venir ».

Deux vieilles maisons arlésiennes
Si elle admet avoir été inquiète au début, « _je le sentais mal, j’avais peur que ce soit trop abstrai_t », Camille Fabre reconnait avoir trouvé le résultat « incroyable ». Les illustrations ont été exposées dans le cadre des Rencontres d’Arles. « Sans sceller de grand rapprochement », ce projet a ainsi permis de rassembler « deux vieilles maisons arlésiennes, Les Rencontres et Harmonia Mundi, qui s’accompagnent depuis des années ». Face à son succès « critique et pédagogique », Camille Fabre affirme vouloir pérenniser l’expérience. Quant à l’effet des illustrations sur les ventes, « il est encore un peu tôt », pour le mesurer.