Hélène Martin, amie d'Aragon et chanteuse des poètes, s'est éteinte à 92 ans
Par Louis-Valentin LopezMéconnue du grand public, l'artiste "perfectionniste" laisse derrière elle de sublimes interprétations. France Musique et ses proches lui rendent hommage.
Ses proches nous parlent d’elle avec une forte émotion teintée d’une immense admiration. La chanteuse, auteure-compositrice et poète Hélène Martin, qui a mis en musique les textes de célèbre poètes et amis dont Louis Aragon et Jean Giono, est décédée ce dimanche à l'âge de 92 ans à Cordemais, en Loire-Atlantique.
"On était 'rive gauche' toutes les deux"
Hélène Martin est née le 10 décembre 1928 à Paris, où elle se lance dans la chanson dans les cabarets parisiens. Au début des années 60, elle a l'idée de mettre en musique des poètes en adaptant des œuvres de Jean Genet, qui l'encourage alors dans cette voie. Sa voix chaude d’alto séduit rapidement le public.
"On était ensemble au démarrage de mes cabarets, avec Anne Sylvestre aussi, et Boby Lapointe. On était 'rive gauche' toutes les deux", se souvient la chanteuse Francesca Solleville. "Hélène Martin était de ma génération, c’était la dernière, avec moi". Elle était "la sérieuse" du groupe, la "perfectionniste", celle "qui faisait les choses au plus profond des textes."
Amie des poètes
Hélène Martin poursuit sa carrière d’artiste en chantant les textes de nombreux poètes, dont René Char, Pablo Neruda, Jean Giono, et surtout Louis Aragon. "Hélène chantait à l’époque au Petit Pont et à l’Écluse. Aragon et Elsa venaient les écouter régulièrement, je pense que c’est comme ça qu’ils sont entrés en contact, ils ont travaillé ensemble pendant de longues années", témoigne ce lundi Brigitte de Saint Martin, sa collaboratrice, au micro de Jean-Baptiste Urbain : "Hélène prenait parfois des pages en prose d'Aragon pour les mettre en chanson. Leur relation a été très respectueuse et intime. Aragon aimait beaucoup Hélène, c'était fructueux : Aragon aimait être mis en musique, contrairement à d'autres poètes."
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"L’état poétique est pour elle une façon d’être et de vivre. Chanson, poésie, amour des arts en général, partage aussi de tout ce qu’elle pouvait avoir de ce côté artistique. Hélène c’était ça, tout ça, dans une grande liberté" - Brigitte de Saint-Martin
Hélène Martin crée aussi des émissions autour de la poésie, pour la télévision et la radio. C'est elle qui avait créé Sur mon cou, l'adaptation d'un texte de Jean Genet (extrait du Condamné à mort) qui sera reprise ensuite par Étienne Daho.
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"Elle était consciente de ce chemin inéluctable"
Jean Cohen Solal, compositeur, lui a tenu la main samedi, la veille de sa mort. "Je ne l’avais pas vue depuis le mois d’août. Je l’ai trouvé diminué et mourante, elle me disait qu’elle était morte", confie-t-il, la voix un peu tremblante. "Elle était consciente de ce chemin inéluctable."
"C’est une grande artiste qui nous quitte. Méconnue du grand public, puisqu’elle n’était pas suffisamment médiatisée, mais ce n’est pas ce qu’elle cherchait", poursuit Jean Cohen Solal : "Je l’ai connue, j’avais 25 ans, cela fait prêt de 50 ans qu’on se connaît. Je l’ai suivie, on a joué ensemble, je lui ai fait des arrangements, des compostions. Elle m’a apporté la poésie de la vie."
Des souvenirs de travaux, aussi, quand on préparait un disque. On habitait dans le sud à cette époque là. On passait des nuits à travailler, à boire du whisky, à se réchauffer" - Jean Cohen Solal
Liberté chérie
Le compositeur se remémore aussi "des souvenirs sur scène, où il y avait la magie du moment, de la poésie" : "On se sentait libre. Musicalement, je m’envolais un peu avec elle. Chaque fois c’était différent, on ne répétait pas, on répétait peu. Chaque fois c’était de l’improvisation… surtout de ma part." Et "elle continuait à écrire, elle avait sa tête", ajoute Francesca Solleville, qui a vu pour la dernière fois Hélène Martin lors d’un déjeuner à la Tour Eiffel. "Elle faisait des choses formidables."
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Primée 3 fois par l'Académie Charles Cros, par l'Académie du Disque français, et par la Sacem, Hélène Martin avait aussi été nommée Officier de l'Ordre des Arts et Lettres. À la tête de sa propre maison de production, elle a également interprété ses propres poèmes et parmi ses multiples albums, avait signé Liberté Femme, inspiré par ses engagements féministes.