"Impossible de rester silencieux" : Misha Nodelman, violoniste, auteur d'une lettre ouverte contre Poutine
Par Louis-Valentin LopezEntretien avec le musicien qui appelle à lutter "contre la terreur d’État", alors que des manifestations sont en ce moment sévèrement réprimées par le gouvernement russe. Plus de 400 artistes ont déjà signé son appel.
"Stop à la terreur." Il y a une semaine, Misha Nodelman, violoniste de nationalité russe, a publié sur Facebook une lettre ouverte, signée depuis par plus de 400 musiciens dont le grand pianiste Evgeny Kissin. Dans cette lettre forte, accompagnée d' une vidéo où des artistes s'expriment face caméra, tous demandent la "libération immédiate" de l'opposant au Kremlin Alexeï Navalny et appellent à cesser la "terreur", alors que des manifestations sont violemment réprimées par le gouvernement russe.
France Musique a pu s'entretenir avec Misha Nodelman, qui dit aussi craindre désormais pour "tous les musiciens en Russie" qui ont signé la lettre.
FRANCE MUSIQUE : Pouvez-vous expliquer l’origine de cette lettre et de cette vidéo ? Comment vous en avez eu l’idée ?
MISHA NODELMAN : "Comme vous le savez, les musiciens sont des animaux nocturnes. Je déroulais mon fil d’actualité sur Facebook, et je suis tombé sur une action dans le hall de la Philharmonie de Moscou. Un technicien avait collé des inscriptions sur les murs durant un concert 'Liberté pour les prisonniers politiques.' J’ai pensé, dans la continuité de cette action, écrire une lettre contre la terreur d’État. Et je l’ai fait."
Comment avez-vous contacté les musiciens, étaient-ils tous d’accord pour parler ?
"Je n’ai contacté aucun musicien vivant en Russie. Ils m’ont contacté d’eux-mêmes !"
Pourquoi vous avez choisi d’élever la voix maintenant ? Quel message voulez-vous faire passer ?
"Il y a des moments dans l’Histoire où il est tout simplement impossible de rester silencieux. Nous les musiciens, de différents pays, sommes extrêmement préoccupés par les événements politiques qui se produisent en ce moment en Russie."
Diriez-vous que c’est le devoir des artistes de prendre position dans de telles situations ?
"Nous ne pouvons rester indifférents face aux meurtres politiques, aux meurtres des journalistes, au développement et à l’usage de produits chimiques, et le manque de liberté d’expression lors de ces manifestations."
Mais n’est-ce pas dangereux de parler face caméra ? Ne craignez-vous pas des répercussions du gouvernement russe ?
"Nous avons vraiment peur pour tous les musiciens en Russie qui ont signé notre lettre. Ils sont tous en grand danger. Récemment, par exemple, l’appartement de l’ancien recteur du conservatoire de Saint-Pétersbourg a été fouillé."
Croyez-vous que la situation puisse changer en Russie ? Etes-vous un optimiste ou un pessimiste ?
"La nouvelle génération ne veut plus vivre dans un monde médiéval. Elle est libre, et la musique ne connaît pas de frontières. Je suis un optimiste, mais je crains que nous ayons encore quelques années compliquées devant nous en Russie. C’est pour ça que la solidarité de tous ceux qui pensent librement est nécessaire."
Écoutez l'entretien avec Misha Nodelman, violoniste qui a publié un texte contre les répressions en Russie
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