Isaac Albéniz : 7 (petites) choses que vous ne savez (peut-être) pas sur le compositeur d’Asturias
Par Nathalie MollerEnfant fugueur et aventurier, pianiste de génie et compositeur engagé dans le renouveau de la musique espagnole, Isaac Albéniz est un personnage atypique, aussi haut en couleur que sa musique.
A la seule évocation du nom ‘ Albéniz’, quelques rythmes andalous résonnent dans nos têtes, la mélodie entêtante d’Asturias se fait entendre au loin, à la guitare, et l’Espagne flamboyante d’ Enrique Granados ou Antoni Gaudi semble n’avoir jamais été aussi vivante.
Et pourtant, Isaac Albéniz n’était pas plus andalou que guitariste. C'était un pianiste de génie, et la plupart de ses œuvres ont été composées loin de son Espagne natale, entre diverses pérégrinations et voyages.
S’il faut découvrir l’histoire d’Isaac Albéniz, c’est parce qu’elle est finalement aussi surprenante et variée que sa musique, emplie de rythmes et de nuances, de couleurs aussi modernes que folkloriques.
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Enfant prodige, mais terrible
Isaac Albéniz naît le 29 mai 1860, à Camprodon, en Catalogne. C’est sa grande soeur Clementina qui lui donne ses premières leçons de piano et, très vite, les talents musicaux du jeune garçon sont repérés par la famille. A 4 ans, Isaac donne son tout premier concert sur la scène du Teatro Romea de Barcelone, en duo avec sa soeur.
Après la révolution de 1868 (La Gloriosa) et l'abdication de la reine Isabelle II en 1870, le père de la famille Albéniz, Ángel, perd son emploi de fonctionnaire et cherche de nouvelles entrées d’argent. Le talent d'Isaac va alors servir sa cause : Ángel Albéniz veut faire de son fils un nouveau petit Mozart, un jeune prodige exhibé partout en concert.
L’année de son dixième anniversaire, Isaac parcourt déjà l’Espagne pour faire voir ses talents au piano, mais le petit garçon n’est pas toujours docile et obéissant. Quand l’envie lui prend de voyager, de fuir l’autorité paternelle, il n’hésite pas et monte à bord d’un train ou d’un bateau. On le retrouve ainsi à Valladolid ou Valencia, et quelques années plus tard en Amérique Latine.
Le sens du romanesque
C’est là toute la personnalité d’Isaac Albéniz. Il est exubérant. Charmeur. Et lorsqu’il raconte ses souvenirs, le musicien aime nourrir ses récits d’un certain sens du spectaculaire... Albéniz se plaît ainsi à raconter qu’enfant, il donnait ses concerts les yeux bandés, ou bien dos au piano. Et s’il prend le bateau pour l’Amérique en 1875, c’est soi-disant par hasard, parce qu’il fuyait les autorités du port de Cadix.
Sa rencontre avec Franz Liszt a pu aussi soulever quelques questionnements. Albéniz la situe dans son journal à Budapest, au mois d’août 1880. Sauf qu’à cette même époque, Liszt n’était vraisemblablement pas en Hongrie mais en Allemagne, à Weimar. Pour se pencher sur l’incroyable histoire d’Isaac Albéniz, il faut donc accepter une part de romanesque, ou la découvrir en prenant - parfois - quelques pincettes…
Et que rien ne lui résiste !
S’il aime l’exubérance, Albéniz n’en est pas moins un réel aventurier, un fonceur. Sa vie privée en est la parfaite illustration. En avril 1883, il fait la connaissance de Rosina Jordana, à Barcelone. La jeune pianiste devient son élève et Isaac, tombé sous son charme, ne manque pas de lui faire quelques avances.
Mais la jeune femme lui résiste, ce à quoi Albéniz ne semble pas être habitué. Qu’à cela ne tienne, après deux mois de leçons particulières, il demande Rosina en mariage. La jeune femme accepte. Les noces sont célébrées en juin 1883.
Le couple aura cinq enfants, quatre filles et un garçon, et à compter de ce mariage, le musicien équilibrera (quelque peu) sa vie et son caractère, tout en poursuivant une brillante carrière de pianiste et de compositeur.
Globe Trotter
Des voyages, Isaac Albéniz en a fait par dizaines. Dans un premier temps, il explore son Espagne natale, du Pays Basque à l’Andalousie, seul ou avec son père, puis ses aventures le mènent jusque par-delà l’Atlantique : Argentine, Brésil, Uruguay et même Etats-Unis, où il racontera avoir été porteur de bagages entre deux concerts.
Aujourd’hui, Albéniz est considéré comme l’un des plus importants compositeurs espagnols, mais il n’a pas toujours cherché à faire carrière à Madrid ou Barcelone. Au cours de sa vie, il s’est aussi établi à Bruxelles et Leipzig, deux villes dans lesquelles il a étudié, puis à Londres et Paris, où il a bénéficié d’une grande notoriété.
A Paris, Albéniz se lie d’amitié avec Claude Debussy, Paul Dukas, Vincent d’Indy et Gabriel Fauré, et c’est à cette même époque qu’il compose l’une de ses œuvres les plus applaudies : Iberia, un parfait mélange entre impressionnisme français et folklore andalou.
L’Espagne, entre amour et désamour
Alors que la bourgeoisie catalane du XIXe siècle ne semble jurer que par la musique romantique italienne (Verdi, Donizetti…), Isaac Albéniz parvient à réaliser deux exploits : d’une part il contribue à la réconciliation entre folklore et musique savante espagnole, d’autre part, il s’emploie à faire rayonner à travers l’Europe cette même culture nationale.
Mais si Albéniz choisit de quitter l’Espagne au début des années 1890, c’est parce qu’il souffre d’une relative indifférence dans son pays natal. Le public espagnol salue son oeuvre sans pour autant lui réserver un accueil aussi triomphal que les spectateurs londoniens ou parisiens. Ambitieux, le compositeur préfère alors l’expatriation, tout en déversant son amour et son mal du pays dans son oeuvre pour piano : The Alhambra (1897), Espagne (Souvenirs) (1899), Catalonia (1899), Iberia (1907-1912)…
La rencontre déclic
En 1883, Isaac Albéniz pose pour la première fois ses valises à Barcelone, du moins, de manière relativement durable. Il y fait alors une rencontre déterminante, celle de Felipe Pedrell, musicologue et fer de lance dans la redécouverte des musiques de la Renaissance espagnole.
Pedrell convainc son jeune et prometteur élève d’entrer dans un nouveau processus de création, de mêler mélodies et rythmes populaires espagnols, aux techniques de composition dites savantes. C’est ainsi qu’Albéniz s’autorise à incorporer des sonorités catalanes, andalouses ou asturiennes, dans ses partitions pour piano.
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Une disparition précoce
Isaac Albéniz n’a pas longtemps supporté l’académisme des écoles de musique, que ce soit le Real Conservatorio Superior de Madrid ou la tout aussi prestigieuse Hochschule für Musik de Leipzig. Mais sa capacité de concentration et de travail n’en est pas moins impressionnante.
Dans les dix dernières années de sa vie, notamment, alors qu’il est de plus en plus malade et affaibli, Albéniz ne cesse de composer, tant et si bien que son éditeur le prie de ralentir son rythme de production effréné.
Le compositeur décède quelques jours avant son 49e anniversaire, le 18 mai 1909, à Combo-les-Bains (Pyrénées-Atlantiques) où il était alors parti se ressourcer. Peu de temps avant sa mort, son ami et compatriote Enrique Granados lui aura rendu une dernière visite, discutant avec lui des nouveautés musicales, lui apprenant qu’il a été décoré de la Croix de la Légion d’Honneur, et interprétant Mallorca, l’une des plus fameuses pages composées par Albéniz pour le piano.