
Le Metropolitan Opera de New York et le chef d'orchestre James Levine, dont le contrat a été rompu après accusations de harcèlement sexuel, ont chacun obtenu 5,8 millions de dollars de dommages.
C'est la fin d'une guerre judiciaire qui dure depuis plus d'un an. James Levine, qui réclamait 5,8 millions de dollars au Metropolitan Opera de pour rupture abusive de contrat et diffamation, ainsi que la maison lyrique new yorkaise, qui demandait la même somme au chef d'orchestre pour le préjudice lié aux faits d'agression et de harcèlement sexuel sur une période de 25 ans, se quittent avec un arrangement, et la même somme à se dédommager mutuellement, une somme de 5,8 millions de dollars.
La Cour suprême de l'Etat de New York avait rejeté en mars dernier les accusations de diffamation adressées par James Levine contre le Met. Mais les avocats de l'ancien directeur musical, nommé chef émérite en 2017, ont fait cette fois valoir qu'aucune clause morale ne figurait dans son contrat, et que rien ne permettait donc au Met de rompre son engagement « en raison d'une mauvaise conduite présumée ou réelle ». La somme demandée, 5,8 millions de dollars, correspond aux 10 années du contrat de chef émérite, d'un salaire annuel de 400 000 dollars avec bonus de 27 000 dollars par concert dirigé. De son côté, le Metropolitan Opera exigeait la même somme, estimant que le chef avait violé ses obligations envers l'opéra, et porté préjudice - tant moralement que financièrement - à l'institution.
Selon le New York Times, qui apporte le compte-rendu complet de la décision, les deux parties évitent, grâce à cet accord, l'exposition publique des éléments en leur possession. D'une part, une déposition aurait contraint les avocats de James Levine à fournir des éléments sur la vie privée du chef d'orchestre et, d'autre part, la maison d'opéra aurait dû expliquer ce qu'elle savait, ou aurait dû savoir, des agissements de son ancien directeur musical. Nombre de ces questions resteront finalement sans réponse.
La musique classique à l'épreuve de #MeToo
L'affaire avait éclatée fin 2017, après la publication de deux articles du New York Times et du New York Post accusant James Levine d'agressions sexuelles commises dans les années 1960 et 1970. Le Metropolitan Opera, décide alors dans un premier temps de suspendre sa collaboration avec le chef, associé depuis 40 ans à l'institution, le temps de mener son enquête. Le couperet tombe en mars 2018 : le Met affirme disposer d'éléments crédibles qui prouvent harcèlement et abus sexuel. James Levine est licencié de son poste de chef émérite.
L'institution new yorkaise a depuis détaillé ses accusations contre le chef d'orchestre, des abus sexuels commis dès le milieu des années 1970, soit peu après l'arrivée de James Levine, et qui se sont poursuivis dans les années 1980 et 1990. L'institution déclare aussi avoir pris connaissance d'accusations à deux reprises : une première fois en 1979 par le biais de dénonciations anonymes, et une seconde en 2016, lorsque la police de Lake Forest (Illinois) lui a apporté la plainte déposée par Ashok Pai. Ce dernier accusait James Levine de l'avoir abusé pendant plusieurs années au Ravinia Festival. La plainte est restée sans suite car M. Pai avait alors 16 ans, âge du consentement dans l'Etat de l'Illinois à cette époque.
De leur côté, les avocats de James Levine réfutent en bloc toutes les accusations, et ce, depuis les premières semonces. Pour eux, celles-ci ne constituent rien d'autre qu'un « prétexte du Met pour suspendre, licencier, et diffamer [James Levine] ». Ils accusent également le directeur général de l'institution Peter Gelb de « cyniquement détourner de sa bonne route le mouvement #MeToo » afin de se débarrasser de James Levine.
Depuis 2017, James Levine a perdu ses engagements avec le Met, mais aussi avec le Ravinia Festival et l'Orchestre symphonique de Boston.