La séquence des perles et des inédits ressortis de l’oubli. Cette semaine, à quelques jours de l’élection présidentielle américaine, retour sur un chef d’œuvre de Lester Young, « The President Plays », avec le trio d’Oscar Peterson en 1952.
President ? Oui, c’était le surnom de Lester Young, alias Prez… C’est Billie Holiday, qu’il avait qualifiée de Lady Day, qui lui rendit la pareille, considérant qu’il était le plus grand et pouvait partager ce qualificatif le Président Franklin Roosevelt ! Lester Young, c’est une sensibilité à fleur de peau, dissimulée sous un demi-sourire. Charlie Parker le considérait comme une influence déterminante et Sonny Rollins reste l’un de ses plus fervents admirateurs et Stan Getz l’un de ses disciples. Il fut l’un des rarissimes saxophonistes ténors à se démarquer de Coleman Hawkins. Une carrière relativement courte (il disparut en 1959 avant son 50ème anniversaire), mais tout entière consacrée au lyrisme – des phrases musicales racontant littéralement les paroles du standard -, à l’art de la ballade et à un son d’une douceur incommensurablement cool, comme s’il flottait entre deux eaux.
Après ses débuts au sein des orchestres de Count Basie, puis Fletcher Henderson et Andy Kirk, il se rapprocha à nouveau de Basie et se produisit dans des petites formations au swing de rêve (Kansas City Six ou Seven), délaissant parfois le ténor pour la clarinette. Après avoir à nouveau quitté Basie en 1940, il continua d’enregistrer des sessions avec Billie Holiday, mais aussi Nat King Cole. Et en 1944 on le voit apparaître dans le court-métrage Jammin’ the Blues de Gjon Mili. L’observer jouer là, le buste incline sur le côté, totalement relâché, presque en apesanteur, est une clé pour comprendre sa sonorité, celle qui illumine ses sessions pour le label Aladdin en 1946-47.
En 1946, Norman Granz l’embauche dans sa « troupe » de Jazz at the Philharmonic (JATP) et l’enregistre à de nombreuses reprises. C’est là qu’il fera la connaissance d’Orcar Peterson et de son trio (Barney Kessel à la guitare et Ray Brown à la contrebasse). La session du 28 novembre 1952 les voit rejoints par le batteur J.C. Heard. Si sa santé se détériorera par la suite, notamment pour des abus d’alcool, il est encore ici au sommet de son art. Et quels que soient les talents d’Oscar Peterson et de ses camarades, c’est bel et bien Lester le patron et le champion d’un swing qui résistait alors aux assauts du bebop avec la conviction que la beauté peut aussi être lascive.
- I Can't Give You Anything But Love
- (It Takes) Two To Tango
- On The Sunny Side Of The Street
- Stardust
- These Foolish Things
LesterYoung (saxophone tenor + voix sur Two to Tango)
Oscar Peterson (piano)
Barney Kessel (guitare)
Ray Brown (contrebasse)
J.C. Heard (batterie)
Enregistré à New York le 28 novembre 1952