La séquence des perles et des inédits ressortis de l’oubli. Cette semaine, rappelé à notre souvenir par un article signé Ethan Iverson dans JazzTimes, un album tardif (1975) de Mary Lou Williams « Spirits », publié chez SteepleChase.
« Un chef d’œuvre de la dernière période d’une pianiste révolutionnaire » : c’est ainsi que Ethan Iverson titre sa rubrique Chronology dans le magazine américain JazzTimes. Venant d’un pianiste visionnaire (co-fondateur des Bad Plus) et fin connaisseur du patrimoine du jazz, la remarque porte. Et l’on se souvient qu’il y a 20 ans, le trompettiste Dave Douglas, plus connu pour son compagnonnage avec John Zorn que pour ses reprises de Louis Armstrong, enregistrait un « Soul on Soul » en hommage à cette même Mary Lou Williams.
Il faut dire que la pianiste et compositrice (1910-1981), un peu à la manière de Coleman Hawkins, embrassa toute l’histoire du jazz. Ainsi que nous le rappelle Ethan Iverson, pionnière du piano stride du boogie woogie et des premiers big bands, elle fut de l’aventure bebop en se liant d’amitié avec Thelonious Monk et Herbie Nichols. Dans les années 50, elle programma des concerts dont le programme couvrait une période allant du ragtime au bebop. Et dans la décennie suivante elle fit siens aussi bien les grooves du funk naissant que les innovations harmoniques de Ahmad Jamal, Bill Evans ou Herbie Hancock.
Et voilà qu’en 1975 elle enregistre ce « Free Spirits » avec une section rythmique marquée justement par Hancock : Buster Williams était le bassiste du sextet de l’album « Mwandishi » enregistré 5 ans plus tôt et Mickey Roker était le batteur du « Speak Like a Child » de 1968… Tous deux jouaient régulièrement en club avec Mary Lou Williams à cette époque. Mickey Roker a confié à Ethan Iverson qu’il accompagna ainsi la pianiste chaque soir au Hickory House, pendant 7 mois d’affilée ! Bob Cranshaw était le bassiste du trio, mais il laissa sa place à Buster Williams quand il fut embauché au rendez-vous télévisé quotidien de Sesame Street.
Pour afficher ce contenu Youtube, vous devez accepter les cookies Publicité.
Ces cookies permettent à nos partenaires de vous proposer des publicités et des contenus personnalisés en fonction de votre navigation, de votre profil et de vos centres d'intérêt.
« Free Spirits » est un bon titre, fait remarquer Ethan Iverson : « Il y a là, dans le piano de Mary Lou Williams, comme _un subtil mélange de naturel et de « free »__. Elle ne force jamais le trait pour entrer en compétition avec la contrebasse ou la batterie et ses improvisations se frayent constamment le chemin le plus juste. La main gauche se contente d’un rôle rythmique pendant que la droite s’amuse d’un jeu de questions-réponses. Rien d’ostensiblement avant-gardiste, si ce n’est ses étonnants commentaires distillés derrière les solos de basse, mais impossible de trouver un autre pianiste de l’époque classique qui ait pu être autant en phase avec cette section rythmique. _»
Le répertoire est centré sur le blues et constitue une sorte de suite où la pianiste se plait à varier les tempos. Un régal d’élégance, de subtilité et d’évidence. À l’époque de sa sortie (1976) sur le label danois SteepleChase, « Free Spirits » passa relativement inaperçu. La rencontre de Mary Lou Williams avec Cecil Taylor l’année suivante (« Embraced ») fit couler beaucoup plus d’encre. À distance, c’est pourtant ce « Free Spirits » qui parait le plus sereinement audacieux.
- Dat Dere
- Pale Blue
- Free Spirits
- Blues for Timme
Mary Lou Williams (piano)
Buster Williams (contrebasse)
Mickey Roker (batterie)
Enregistré à New York le 8 juillet 1975