Jazz Bonus : András Dés - einschließlich"

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Jazz Bonus : András Dés - einschließlich"

András Dés
András Dés
- Lajos Somogyi / BMC

Le percussionniste hongrois András Dés a été guidé par sa curiosité musicale lorsqu'il a décidé d'enregistrer son dernier album, “einschließlich” (BMC/Socadisc) dans les bois des collines de Bakony avec les membres de son quartet, Rangers.

La nature est devenue en quelque sorte le producteur du disque, et le hasard - une des principales forces motrices du jazz - a joué un rôle clé. András Dés a laissé son instrument à la maison et l’a troqué pour les objets trouvés sur place dans la forêt : arbres, pierres, feuilles, pommes de pin, coquilles d'escargots, le sol lui-même, et bien sûr il a utilisé son propre corps comme instrument.

La légende veut qu'au XIXe siècle, les oiseaux chantaient les airs de Chopin dans les forêts d'Allemagne parce que les mélomanes tenaient beaucoup à enseigner les mélodies classiques à leurs amis à plumes. Même si l'on ne s'attend plus à ce que les oiseaux chanteurs connaissent le répertoire classique, le percussionniste András Dés a supposé qu'ils joueraient un rôle important sur un album écrit par la nature et le hasard. 

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La prise de risque instantanée est vitale pour un jazzman, c'est pourquoi András Dés a décidé de ne pas apporter d'instruments à la session avec son quartet Rangers. L'exposition à la nature a également renforcé la sensibilité de chacun des musiciens au jeu des autres, ce qui a permis d'élever le niveau de jeu collectif entre le guitariste-producteur Márton Fenyvesi, le saxophoniste János Ávéd, le bassiste Mátyás Szandai et le percussioniste András Dés. L’ensemble, au milieu de la forêt, est magistralement capturé par l'ingénieur du son, Viktor Szabó. Même si András Dés affirme que son album n'a pas été réalisé dans un esprit de critique sociale, l'auditeur ne peut pas échapper à l'idée que cette musique a été créée dans une forêt à la onzième heure, en pensant aux dernières minutes précédant un possible grand effondrement.

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"C'était un processus d'auto-découverte très intéressant", dit András Dés. "J'avais quelques idées sur ce à quoi m'attendre, ou plutôt sur ce à quoi ne pas s'attendre, mais en fait, c'était un saut dans l'inconnu. J'ai laissé mes instruments à la maison et, métaphoriquement parlant, je suis allé dans la forêt complètement "nu". Je n'ai joué que des objets que j'y ai trouvés. _Le premier matin dans la forêt, j'ai ramassé beaucoup d'objets qui produisaient un son passionnan_t", raconte András Dés, "mais ensuite la pluie est tombée, elle a coulé toute la journée, et quand elle s'est enfin calmée, et que nous avons pu enfin commencer à faire de la musique, tout sonnait complètement différent". Mais changer les circonstances de l'enregistrement à la dernière minute n'était pas le seul enseignement de la nature (comme un méchant producteur : "voyons si ces jeunes peuvent s'en sortir") ; il offrait également un contexte acoustique bien spécifique.

Il se passe quelque chose d'assez extraordinaire, dès le début. La guitare et le saxophone jouent une phrase à l'unisson, à laquelle, quelque part en hauteur, les oiseaux répondent (à partir de 0:03), puis lorsque le même motif est joué à nouveau, András Dés répond exactement au même rythme (à partir de 0:21) que les oiseaux ont fait quelques secondes auparavant. Je ne sais pas si András Dés a entendu les oiseaux, ou s'il est devenu instinctivement partie intégrante de la forêt, mais dans les deux cas : ce moment est merveilleux, et n'aurait pas pu se produire sans le travail étonnant de Viktor Szabó, l'ingénieur du son et effectivement cinquième membre du groupe. 

Et quant à savoir pourquoi le titre du CD, publié chez BMC (distribution Socadisc), est “einschließlich” ? "C'est un beau mot", dit András Dés, en donnant une explication évidente, et difficile à argumenter. Il a déménagé avec sa famille de Budapest à Vienne en 2018, donc dernièrement son esprit s'est occupé à se familiariser avec de merveilleux mots allemands comme celui-ci. Mais bien sûr, il y a bien plus que le choix du titre. Le mot "einschließen" est tout aussi difficile à traduire (et tout aussi beau) que "Waldeinsamkeit". Sa signification principale est "to close shut", "to shut in" et dans ce cas, le préfixe "ein" est extrêmement important, non pas pour se fermer ou exclure, mais pour enfermer. Cela éclaire également la signification secondaire du mot : "encercler", "enfermer", "inclure". Le CD d'András Dés est comme la forêt : un espace clos, qui inclut le monde entier. (extrait du communiqué de presse en anglais - traduction E. Lacaze / A. Dutilh)

A écouter dans l'émission sur Adrien Brandeis : Adrien Brandeis, rencontres cubaines
Open jazz
54 min