Jazz Bonus : Art Blakey - Live In Scheveningen 1958
Une semaine seulement après le concert mythique du 22 novembre 1958 à l’Olympia, les Jazz Messengers d’Art Blakey se produisaient dans la petite ville hollandaise de Scheveningen. En avant-première, “Live In Scheveningen 1958” paraît le 16 novembre chez Fondamenta/Sony.
Ce concert est désormais disponible pour la première fois dans une qualité exceptionnelle, grâce au travail de restauration des équipes de Fondamenta et Devialet.
Extraits des notes de pochette (par Stéphane Ollivier) :
En septembre 1958, le nouvel orchestre était constitué et immédiatement l’osmose entre les musiciens fut patente. A peine un mois plus tard, le 30 octobre, ils se retrouvaient en studio pour enregistrer pour le label Blue Note et sous la houlette du grand ingénieur du son Rudy Van Gelder, un album qui allait entrer dans la légende du jazz, “Moanin”. Le lendemain ils embarquaient pour une tournée d’un mois en Europe. Art Blakey ne le savait pas encore mais il venait d’atteindre la quintessence de son art…
Car cette tournée qui allait mener l’orchestre en France, en Scandinavie et dans le Benelux est un point d’orgue dans la saga des Jazz Messengers. Deux enregistrements majeurs en attestaient déjà avec éclat — le premier immortalisant le concert donné à l’Olympia le 22 novembre (“Olympia Concert” (Phillips/Universal)) ; le second, capté sur le vif quelques semaines plus tard, le 21 décembre, dans l’ambiance surchauffée du temple du jazz parisien de l’époque (“Art Blakey et les Jazz Messengers au Club Saint-Germain” (RCA/Sony Music)… Ce nouveau témoignage, enregistré le 29 novembre en Hollande, au Kurhaus de Scheveningen, en est un magnifique complément qui, magistralement restitué par une prise de son très naturelle, rend compte d’un quintet en “état de grâce”.
Sur un répertoire mêlant quelques grands classiques du bebop (Now’s the Time de Charlie Parker, Night in Tunisia de Dizzy Gillespie, Evidence de Thelonious Monk) avec une poignée de titres signés par les membres de l’orchestre, alors inédits mais amenés pour certains d’entre eux à devenir très rapidement des standards incontournables du hard bop (Moanin de Timmons, I Remember Clifford et Whisper Not de Golson), Blakey et ses hommes déclinent de fait ici, avec une aisance confondante, toute la gamme de leurs talents.
Au-delà des performances individuelles, toutes superlatives (Benny Golson, aérien, fluide, velouté, impérial dans les ballades ; Lee Morgan, virevoltant, acéré, bouleversant lorsqu’il évoque le fantôme de Clifford Brown…) — ce qui frappe dans cet enregistrement c’est bien la profonde cohérence collective d’un orchestre touchant en quelque sorte à son point d’équilibre. Propulsée par la batterie lyrique, pneumatique et vigoureuse du leader et magnifiée par la subtilité des compositions et des arrangements de Benny Golson, la musique des Jazz Messengers, tant au niveau du langage (cette synthèse fragile entre sophistication du bebop et “retour aux sources” du blues et du gospel) que de l’articulation entre une expressivité individuelle jamais corsetée et la cohérence d’un son de groupe constamment tenu dans le cadre de formes archétypales, apparaît bel et bien dans ces plages habitées, comme l’espace d’une conversation idéale et extraordinairement féconde entre tradition et modernité, musique savante et populaire, héritage afro-américain et ouverture sur le monde. Bobby Timmons (piano) et Jymie Merritt (contrebasse) complètent le casting…