Jazz Bonus : Atomic - Pet Variations

Atomic a commencé sa carrière en prenant le contrepied des conventions et, 18 ans plus tard, c’est toujours le cas. Leur dernier album, “Pet Variations” qui paraît chez Odin/Outhere, se démarque une fois de plus de la norme : un mélange de jazz enflammé et de classicisme contemporain réinventé.
Un peu d’histoire : en 2000, alors qu’ils avaient déjà atteint le statut de vedette locale, les suédois Magnus Broo (trompette) et Fredrik Ljungkvist (saxophone) s'allient aux norvégiens Håvard Wiik (piano), Ingebrigt Håker Flaten (basse) et Paal Nilssen-Love (batterie), pour créer le groupe Atomic. En 2014 Nilssen-Love cédait sa place à son compatriote Hans Hulbækmo.
La premier cliché que le groupe scandinave Atomic a fait tomber c’est celui du « son scandinave ». Ce style, qui émerge à la fin des années 80, attribué à Manfred Eicher, fondateur du label ECM, proposait une alternative au jazz américain, et plus spécifiquement, afro-américain. Fuyant l’engagement émotionnel au profit d’une approche résolument ascétique, ce son empruntait souvent des motifs harmolodiques inhérents à la musique folk scandinave. Atomic, au contraire, considérant la tradition américaine comme une inspiration, en a fait une pierre angulaire de son style.
La seconde convention rejetée par Atomic, c’est l’incompatibilité entre jazz et musique de conservatoire. Dès le début, on a pu entendre des échos de modernistes tels que Varèse dans les compositions de Fredrik Ljungkvist & Håvard Wiik, plumes principales du groupe. Bien évidemment, Atomic n’a pas inventé cette synthèse, d’autres esprits libres étaient passés par là. George Russell et Gunther Schuller dans les années 40 et 50, ou encore Frank Zappa qui s’amusait à mêler Varèse et le doo-wop dans les années 60. Cependant, rares sont les groupes à avoir mélangé le jazz et les compositeurs cérébraux européens de façon aussi enivrante que Atomic, créant ainsi une formule aussi riche intellectuellement que émotionnellement.
Ce qui nous emmène à la dernière convention démontée par le groupe. Bien qu’ils se soient forgés une identité avec leurs propres compositions, les membres d’ Atomic ont décidé de consacrer “Pet Variations” aux compositions d’autres musiciens. Après 14 albums constitués principalement de matériels originaux, pourquoi Atomic choisit de se focaliser sur d’autres compositeurs ? « Nous avons juste pensé que ça changerait, » déclare Wiik. « C’était le meilleur moment pour le faire. On nous a commandé une pièce pour l’année prochaine avec un plus grand ensemble et un nouveau répertoire, entièrement original. »
Le morceau éponyme Pet Variations (Wiik), seul titre original de l’album, introduit progressivement le « Pet Sounds » de Brian Wilson. Pour le reste, on retrouve un mix de compositeurs venus de la musique contemporaine et du jazz : Messiaen (Louange à l’Éternité de Jésus), Varèse (Un Grand Sommeil Noir), Steve Lacy (Art), Alexander von Schlippenbach (Inri), Jimmy Giuffre (Cry Want), Carla Bley (Walking Woman) et Jan Garbarek (Karin’s Mode).
Chaque morceau est un plaisir, à la fois une aventure et une célébration. Utilisé à tort et à travers l’expression « chef d’oeuvre » a quelque peu perdu de sa valeur. Contentons-nous de dire que Pet Variations restera sans aucun doute un pilier de la remarquable discographie du groupe.