Jazz Bonus : Matthieu Bordenave - La Traversée
Le saxophoniste ténor français Matthieu Bordenave signe ses débuts en leader chez ECM après sa contribution à “For 2 Akis” de Shinya Fukumori en 2018. Un trio avec le pianiste allemand Florian Weber et le bassiste suisse Patrice Moret.
Sur “ La traversée” Matthieu Bordenave explore un espace entre la musique de chambre contemporaine et le jazz, influencé par les innovations du trio de Jimmy Giuffre avec Paul Bley et Steve Swallow qui a "ouvert un nouveau territoire toujours pertinent pour les improvisateurs d'aujourd'hui. L'enregistrement de “La traversée” a été guidé par cette approche du jeu en trio, dans lequel les lignes mélodiques s'entremêlent et s'épanouissent dans les nuances de tons, chaque musicien suivant son intuition".
L'écriture de Matthieu Bordenave souligne qu'il s'agit d'une musique dans laquelle l'espace aura un rôle important à jouer, un sentiment confirmé par la qualité sobre et élégante de l'improvisation. Mais c'est aussi une musique qui prend certains risques, à sa manière paisible : avant l'enregistrement, les musiciens n'ont donné que quelques concerts en trio. "Il était important pour moi de ne pas trop jouer en situation de concert", dit Matthieu Bordenave. "Je ne voulais pas fixer et finaliser les arrangements, mais laisser les choses ouvertes à la possibilité de changements en studio..."
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Les idées, cependant, étaient instillées depuis longtemps. Matthieu Bordenave et Florian Weber ont collaboré pour la première fois il y a cinq ans lorsque Matthieu a invité le pianiste à se joindre à lui au club Unterfahrt de Munich, autour de la musique associée à Edith Piaf. "Florian est lui-même à moitié français et il connaît très bien cette culture, de la chanson à la musique classique moderne. C'était extrêmement enrichissant de jouer avec lui, et nous sommes restés en contact au fil des ans".
“En préparant le nouvel album Florian et moi avons beaucoup discuté de la façon d'incorporer certaines des couleurs de la composition contemporaine. En particulier celles s’inspirant de l’univers de deux compositeurs qui me sont chers, Olivier Messiaen et Henri Dutilleux. Je voulais avoir un peu de ce sentiment de complexité et de richesse dans les accords, sans créer cependant un carcan pour les improvisateurs. Dans certaines pièces, comme Archipel_, nous prenons juste un fragment du matériel mélodique original écrit et le développons à volonté jusqu’à l’obtention d’une pièce nouvelle_.”
Patrice Moret, dont le sens de l’écoute, l'imagination dans improvisation et le choix des notes avaient joué un rôle important dans les enregistrements ECM avec Colin Vallon, Elina Duni et Nicolas Masson, a été choisi comme bassiste pour le projet. "Il a une très belle sonorité", dit Matthieu Bordenave. "Calme et forte à la fois, très importante pour ce genre de musique."
Calme et fort, délicat et résolu - les descriptions peuvent s'appliquer avec la même pertinence aux contributions de Matthieu Bordenave et Florian Weber. Dans cette musique partiellement composée et partiellement improvisée, les musiciens développent trois voix indépendantes, qui interagissent, se croisent ou développent un contrepoint libre dans un idiome post-Giuffre.
Le son du saxophone ténor de Matthieu Bordenave est saisissant, décrit récemment par le magazine Downbeat comme étant “léger, mais texturé et exprimé avec autorité“. La façon dont il utilise le registre supérieur de son instrument, son phrasé et sa sonorité - sur cet album en particulier - peut refléter, selon lui, ses années d’études de musique classique au saxophone alto : "Dans ma tête, je pense, je transpose des registres où l’instrument chante particulièrement pour moi. Et dans le trio, je ne joue pas toujours des lignes de saxophone, mais plus un phrasé, parfois, presque plus comme un violoncelle peut-être...". Parmi les saxophonistes de jazz, Matthieu Bordenave admire les réalisations et la beauté mélodique de Warne Marsh. "Mais le plus important pour moi est de trouver un son, une démarche personnelle adaptée au contexte."
Florian Weber, également artiste ECM à part entière (voir son album en quartet “Lucent Waters”, et l'album en duo avec Markus Stockhausen, “Alba”), a récemment remporté le prix de musique Belmont dont le jury a déclaré que "son jeu de piano est aussi illimité dans ses possibilités qu'il est économique et ciblé". Le regretté Lee Konitz a qualifié Weber de "l_'un des pianistes les plus créatifs avec lesquels j'ai jamais joué. Il a le feeling, les textures, c´est tout simplement magnifique_".
Dans ses notes de pochette, Matthieu Bordenave écrit : "comme dans un volume de poésie où une certaine atmosphère émane du texte, avec des images qui reviennent, les morceaux résonnent les uns avec les autres comme une mosaïque..." La poésie a également été une source d'inspiration pour les compositions, chacune d'entre elles étant intitulée d'après des vers et des images de l'œuvre de René Char. En plus d'être l'un des grands écrivains français du XXe siècle, Char - "un phare pour de nombreux artistes" comme le dit Matthieu Bordenave - a écrit de nombreux poèmes imprégnés de sa Provence natale. "Les mélodies étaient des réponses à certains de ces poèmes, ou des impressions tirées de ceux-ci". La "rivière" dont il est question dans les morceaux d'ouverture et de clôture est La Sorgue, "rivière des égards au songe“ comme le dit René Char, qui traverse Pernes-les-Fontaines, où l'album a été réalisé.
(extrait du communiqué de presse)