Jazz Bonus : The Weather Station - How Is It That I Should Look At The Stars
Enregistré en direct en seulement trois jours, “How Is It That I Should Look At The Stars” de The Weather Station, est douloureusement intime, plein de souffle, de silence et de détails. Parution chez Fat Possum.
Un an après la sortie de “Ignorance”, The Weather Station revient avec “ How Is It That Should Look At The Stars”. L'album est destiné à être écouté comme un compagnon d' “Ignorance” ; des chansons écrites au même moment, qui sont liées thématiquement et émotionnellement, des chansons qui révèlent la vulnérabilité au cœur de l'œuvre de Tamara Lindeman.
“How Is It That I Should Look At The Stars” a été écrit au cours du même hiver fructueux d'écriture de chansons qui a donné naissance à “Ignorance”, mais il s'agissait de chansons que Tamara Lindeman trouvait trop intimes, trop douces pour s'intégrer à l'album qu'elle avait envisagé. En traçant une nouvelle colonne dans son carnet, Tamara Lindeman a noté le titre "ballades" et a commencé à écrire en fonction de cette idée.
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"Ce sont des chansons que j'ai écrites entièrement pour moi", dit-elle. Elles sont cependant profondément liées aux chansons d' “Ignorance” , et traitent de nombreux thèmes identiques comme la déconnexion et les conflits, l'amour, les oiseaux ou les réflexions climatiques. Le titre d' “Ignorance” provient d'une chanson de cet album dans laquelle Tamara Lindeman rencontre un oiseau inconnu en Australie, et en apprenant son nom, médite sur la réduction inhérente à l’appellation que les hommes lui ont donné : " J'ai pensé à l'homme qui l'a appelé pie / confronté à / la grande étendue de son ignorance / il voulait le nommer / pour le retenir ". Dans la chanson, être prisonnier d'un mot inadéquat est la même chose que d'être prisonnier d'une compréhension inadéquate ; et l'ignorance est un acte de violence subtile. Dans ce contexte, voir est un acte d'une importance capitale. La question du titre, à savoir comment regarder les étoiles, s'inscrit dans le contexte de la crise climatique, mais c'est aussi un titre approprié pour un album qui s'intéresse tant aux questions relatives à la vision proprement dite.
"Je n'avais aucune idée si je voulais que quelqu'un entende un jour ces chansons", dit Tamara Lindeman, "mais je sentais aussi que c'étaient les meilleures chansons que j'avais jamais écrites, et je voulais les enregistrer, les documenter, d'une certaine manière." Peu de temps après avoir terminé “Ignorance”, Tamara Lindeman a décidé de réaliser cet album, en avançant elle-même l'argent et en ne prévenant pas sa maison de disque. Elle a réuni un nouveau groupe et affirmé une nouvelle éthique : la musique doit être sans racines, avec de l'espace, du silence et de la sensibilité avant tout. Avec Christine Bougie à la guitare et au lap steel, Karen Ng au saxophone et à la clarinette, Ben Whiteley à la contrebasse, Ryan Driver au piano, à la flûte et au chant, et Tania Gill au wurlitzer, au rhodes et au piano, le groupe est composé de quelques-uns des meilleurs musiciens de la scène jazz et improvisation de Toronto. "Ce n'était pas intentionnel, mais cela a changé l'atmosphère de façon profonde", dit Tamara Lindeman. "Dès le moment où nous avons joué ensemble pour la première fois, j'ai ressenti un immense sentiment de calme et de confiance dans ce groupe."
Sur ce disque, il n'y a pas de batterie, pas de percussions ; en l'absence de rythme, le temps s'étire et devient élastique. Sur le plan lyrique, de nombreuses chansons reviennent à ce qui a souvent été la marque de fabrique de l'écriture de Tamara Lindeman : la description d'un seul instant et de toute la signification qu'il peut revêtir. Cette dilatation de l'instant se retrouve également sur le plan musical : le groupe évolue dans une musique si éphémère qu'elle comporte souvent des plages de quasi silence, et les respirations, les notes uniques et les brefs solos prennent une importance accrue en l'absence de tout autre son. Alors que “Ignorance” tendait vers l'ambition et la grandeur, le groupe vise ici un objectif différent, la grâce peut-être.
Tamara Lindeman a envisagé l'album comme un disque de standards de jazz, "mais avec plus de silence". Influencé par des disques comme “Chet Baker Sings” ou “Shadows In The Night” de Bob Dylan, le disque a été enregistré en direct au Canterbury Music Studios de Toronto, avec Jean Martin comme coproducteur. Tamara Lindeman a chanté et joué du piano en direct pendant que le groupe improvisait son accompagnement. Comme chaque prise était une performance complète, le processus d'enregistrement "était un exercice de concentration totale" si extrême que le groupe "est entré dans une sorte de monde de rêve", selon Tamara Lindeman.
“How Is It That I Should Look At The Stars” a été enregistré du 10 au 12 mars 2020. Lorsque le groupe est entré en studio, le Covid-19 était un sujet d'actualité, pas au premier plan, mais lorsqu'ils sont partis, seulement trois jours plus tard, tout avait changé. "Nous sommes entrés dans le studio à partir d'un environnement, et nous l'avons quitté dans un autre monde", dit Tamara Lindeman. Sur la chanson Endless Time, Tamara Lindeman chante un sentiment de malaise, comme elle le répète dans la chanson It's only the end / of an endless time. Écrite avant la pandémie, la chanson mêle la perte relationnelle à l'anxiété liée à l'imminence de la crise climatique, alors que Tamara Lindeman se demande si elle se souviendrait du moment présent comme d'une abondance inaperçue, quand "nous pouvions sortir dans la rue et acheter des roses d'Espagne / des fraises et des lys sous la pluie de novembre / toute notre vie, il en avait été ainsi". Mais en enregistrant la chanson le 12 mars, la chanson a pris un nouveau sens, et dans les jours qui ont suivi, elle est devenue presque inconfortablement prémonitoire. "Le disque a été enregistré à un seuil dont nous ne savions pas que nous étions sur le point de le franchir", dit Tamara Lindeman.
D'une certaine manière, la musique capture cette instabilité ; elle est sans fondement et diaphane, elle flotte et dérive. Se pencher aussi profondément sur la fragilité après un disque aussi musclé peut sembler incongru, et c'est peut-être le cas. Mais pour Tamara Lindeman, il n'y a là aucune dissonance. "Pour comprendre où nous en sommes aujourd'hui, il faut se confronter directement à la fragilité", dit-elle. On pourrait dire que le thème sous-jacent de “Ignorance” était la vulnérabilité, une vulnérabilité qui passe inaperçue et qui n'est pas repérée, ainsi que ses dommages. Dans “How Is It That I Should Look At The Stars”, cette vulnérabilité est rendue manifeste. C'est un album d'une immense sensibilité, l'enregistrement d'un groupe et d'une personne osant tendre la main vers la douceur sans s'excuser.
(extrait du communiqué de presse en anglais - traduction E. Lacaze / A. Dutilh)