Jazz Trotter : Jen Shyu - Zero Grasses- Ritual for the Losses

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Jazz Trotter : Jen Shyu - Zero Grasses- Ritual for the Losses

Jen Shuy
Jen Shuy
- Mary Kang

“Zero Grasses : Ritual for the Losses”, la nouvelle œuvre de la vocaliste, compositrice et multi-instrumentiste Jen Shyu, est un ensemble de pièces consacrées aux voix marginalisées des femmes dans le monde, et une profonde élégie à la perte de proches. Sortie chez Pi Recordings / Orkhêstra.

Zero Grasses : Ritual for the Losses” de Jen Shyu & Jade Tongue qui paraît chez Pi Recordings, fait suite à “Song of Silver Geese” (Pi 2017), que le New York Times a classé parmi les meilleurs albums de l'année et que Downbeat a qualifié d'"envoûtant" et de "ravissant". L'album marque également le retour de Jade Tongue, un ensemble composé d'innovateurs musicaux avec lesquels Jen Shyu crée de la musique depuis plus de dix ans. Ils sont apparus pour la dernière fois sur son album Pi Recordings “Sounds and Cries of the World” de 2015, très acclamé, et dont NPR avait dit : "Il ne s'agit pas d'une rencontre au hasard entre des cultures musicales, ni d'une cueillette d’instants exotiques. Il s'agit de recherche et d'expérience, absorbées et réimaginées."

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Ce dernier album de Jen Shyu est dédié à son père, décédé en avril 2019. Cette année s'annonçait comme une autre année faste : elle avait reçu les prestigieuses bourses Guggenheim et United States Artist Fellowships, et - comme elle l'avait déjà fait à de nombreuses reprises dans des endroits comme la Corée, le Timor, l'Indonésie et Taïwan - elle était partie cinq mois au Japon pour se plonger dans l'étude de la musique traditionnelle, de la langue et des pratiques d'interprétation du biwa. 

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Peu de temps après le début de son séjour, elle a été informée de la mort inattendue de son père et s'est immédiatement rendue chez ses parents au Texas. En aidant sa mère à fouiller dans les affaires de son père, Jen Shyu est tombée sur les journaux intimes de son enfance. Leur lecture a contribué à transformer “Zero Grasses” en une histoire de passage à l'âge adulte sur ses ambitions, son héritage et ses réflexions personnelles sur le racisme et le sexisme auxquels elle a été confrontée tout au long de sa vie. Les événements de 2020 l'ont également amenée à réfléchir sur le racisme actuel de notre société et sur la vie pendant une pandémie mondiale.

La musique de “Zero Grasses” s'étend de l'ancien au moderne, faisant référence à la musique traditionnelle javanaise, au "katari" japonais (le parlé-chanté) qui est accompagné avec le biwa, au chant est-timorais de l'île d'Ataúro. Tous ces emprunts sont dérivés de ses plus de quinze années d'immersion sur le terrain, sur les langues et les musiques traditionnelles de ses propres ancêtres et d'autres cultures. 

Son travail est unique dans sa combinaison de langues et de formes musicales issues de ces traditions, de composition contemporaine, de jazz, de musique improvisée et de narration onirique. Il s'agit d'une architecture sonore innovante que l'on ne pourrait entendre nulle part ailleurs. Ambrose Akinmusire à la trompette, Mat Maneri au violon alto, Thomas Morgan à la contrebasse et Dan Weiss à la batterie l'accompagnent avec une sensibilité réfléchie. Ensemble, ils reflètent la colère, le chagrin et la nostalgie de la musique. 

Une grande partie de “Zero Grasses” a fait partie de sa performance théâtrale solo éponyme, commandée par John Zorn et créée en octobre 2019 au National Sawdust à Brooklyn, NY. Il s'agit de sa troisième production multimédia entièrement mise en scène - qu'elle a toutes conçues, produites, composées et interprétées elle-même - après Solo Rites : Seven Breaths en 2014 et Nine Doors en 2017. Comme dans tous ses projets, qu'elle appelle "drames musicaux rituels multilingues", Jen Shyu fait appel à un éventail étonnant de disciplines : danse, récit narratif, théâtre, en plus de son chant en cinq langues (javanais, indonésien, resuk du Timor Leste, japonais et anglais), de son jeu de plusieurs instruments (biwa japonais, luth lunaire taïwanais et piano) et de l'incorporation d'anciennes pratiques de performance absorbées lors de ses études immersives.

En plus des pièces de la production théâtrale, l'album comprend également deux pièces, Display Under the Moon et A Cure for the Heart's Longing, extraites de “Nine Doors”. Jen Shyu a composé Living's a Gift (commande de l'American Composers Forum) et Lament for Breonna Taylor en 2020, au plus fort de la pandémie et du tollé suscité par les injustices flagrantes et les meurtres de vies noires. Jen Shyu chante toutes les parties vocales sur la première - sa première composition pour chœur - qui est basée sur les paroles déchirantes des collégiens touchés par la pandémie de COVID-19. La seconde est dédiée à Breonna Taylor, une jeune femme noire de 26 ans brutalement assassinée dans son propre appartement par la police qui s'était introduite de force dans sa maison de Louisville, dans le Kentucky. La chanson cite des entretiens avec la mère de Taylor, Tamika Palmer, et représente le désir de Jen Shyu d'honorer et de donner une voix aux vies noires qui ont été détruites. The Human Color est un morceau publié pour la première fois sur son album “Jade Tongue” (Chiuyen Music 2009), qui traite de l'histoire des serviteurs chinois sous contrat qui ont été kidnappés et ont travaillé aux côtés d'Africains réduits en esclavage à Cuba au XIXe siècle, sous le colonialisme portugais et espagnol. Elle l'a ré-enregistré parce qu'il parle de ce moment de l'histoire, un appel à la solidarité dans la guerre actuelle contre le racisme.

Le décès soudain du père de Jen Shyu a tout changé pour elle, y compris son approche de “Zero Grasses”, et sa propre attitude vis-à-vis de sa carrière, de ses ambitions, de ses choix de vie, “et de sa famille. "J'ai été soudainement confrontée aux questions de l'héritage, des futurs enfants, de la signification réelle des possessions, de ce que l'on fait de sa vie, toutes ces questions brûlant alors que l'on ressent un chagrin insondable", a-t-elle déclaré. Malgré sa portée et son ambition, il s'agit finalement de l'œuvre la plus profondément personnelle de la carrière de Jen Shyu.

"Avec Zero Grasses”, je me lance un nouveau défi, en partant de zéro", a déclaré Jen Shyu. "L'œuvre est encore en cours de construction parce qu'elle est profondément personnelle et actuelle par rapport à ce qui se passe dans ma vie ; je suis maintenant assise à côté de la mort, d'une certaine manière, depuis le décès de mon père ; je vis la fin et le début de relations avec des questions urgentes qui me concernent de près, mais qui sont aussi indéniablement mondiales. Créer cette pièce en particulier a été comme déterrer des objets, des souvenirs et des expériences de mes impulsions d'enfance, et voir comment ils ont façonné ce moment de vie, de respiration. C'est presque comme résoudre un mystère, puiser dans les rêves et les visions et dans les choix puissants que nous faisons." Un hommage palpable à son père, qui l'a encouragée à suivre son cœur et l'a incitée à "vivre la vie telle que je l'envisage".
(extrait du communiqué de presse en anglais - traduciton E. Lacaze / A. Dutilh)

Jen Shyu (voix, percussions, piano, luth taiwanais, biwa japonais)
Ambrose Akinmusire (trompette)
Mat Maneri (alto)
Thomas Morgan (basse)
Dan Weiss (batterie)

A écouter dans l'émission ur Charley Rose : Charley Rose, un trio d'acrobates
Open jazz
54 min