
Khatia Buniatishvili est aujourd’hui l'une des pianistes les plus sollicitées, tant par les médias que par les plus grandes salles du monde. Portrait musical d’un phénomène.
On la voit sur les plateaux de télévision ou à la Une des magazines : la pianiste Khatia Buniatishvili rejoint le cercle très restreint des artistes de musique classique qui se font entendre au-delà la sphère des mélomanes avertis.
La pianiste a connu une ascension fulgurante, et divise autant qu’elle fascine. Car dans chacune de ses interprétations comme à travers ses choix musicaux, Khatia Buniatishvili s’obstine à suivre sa propre ligne.
Berkovich et l’enfance
Khatia Buniatishvili naît le 21 juin 1987, au bord de la mer Noire, dans la ville de Batoumi. La Géorgie vit alors sous contrôle des autorités soviétiques et si la pianiste raconte qu’elle a grandi protégée par sa famille, elle reconnaît aussi les difficultés éprouvées par le peuple géorgien pendant la période soviétique. En 1991 - année où Khatia souffle ses 4 bougies - la Géorgie proclame son indépendance.
A l’âge de 6 ans, Khatia Buniatishvili donne son premier concert public. Elle interprète le Concerto op 44 d’Isaac Berkovich, un compositeur dont le nom est associé au régime soviétique. L’oeuvre interprétée par la petite Khatia sonne ainsi comme un écho au passé, celui de sa famille et de son pays d’origine, la Géorgie.
Brahms et l’ascension
La fulgurante ascension de Khatia Buniatishvili débute en 2008, lorsqu’elle remporte le 3e Prix et le Prix du public du prestigieux Concours Rubinstein, à Tel-Aviv. Le caractère et la force d’interprétation de la jeune pianiste sont remarqués : elle est alors invitée pour un concert au Carnegie Hall de New York et, l’année suivante, on la retrouve en récital au Festival de la Roque-d’Anthéron dans le sud de la France.
Bien qu'elle n'ait pas obtenu de Premier prix, la carrière de Khatia Buniatishvili est lancée. En 2011, elle confiait ne pas s'être beaucoup préparée au Concours Rubinstein à Théo Belaud (du blog Le Petit Concertorialiste). Car la compétition et les programmes imposés l’intéressent peu. et c'est d'ailleurs par plaisir qu'elle avait choisi d’interpréter le Concerto pour piano n°2 de Brahms pour la grande finale.
Liszt et le goût du spectacle
En 2011, Khatia Buniatishvili fait paraître son premier disque chez Sony et choisit pour cet enregistrement des oeuvres de Franz Liszt, compositeur et pianiste virtuose hongrois, réputé à son époque pour le spectaculaire de ses interprétations pianistiques.
Une fougue et un romantisme que l’on retrouve chez Khatia Buniatishvili qui, lorsqu’elle est derrière son piano, s’autorise toutes les attitudes, toutes les émotions et toutes les tenues. Ses robes et décolletés défraient la chronique. Son look « émoustille beaucoup le public du classique [...] bouscule voire dérange ce monde feutré » selon Renaud Villain du magazine Stupéfiant!, et lui vaut de nombreux surnoms attribués par la presse généraliste : la « Betty Boop du piano » ou la « pop star du classique. »
Au XIXe siècle, certaines critiques reprochaient à Franz Liszt de sombrer dans le spectaculaire, au détriment de la musique. Deux cent ans plus tard, Khatia Buniatishvili est elle aussi jugée pour le romantisme et la liberté de ses interprétations. Face aux critiques, la musicienne garde le cap et revendique le droit de se réapproprier chaque oeuvre, de les interpréter sans forcément respecter la tradition ou le modèle imposé par ses prédécesseurs.
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Chopin et Paris
Le deuxième disque de Khatia Buniatishvili est consacré à Frédéric Chopin, un choix qui témoigne de son affinité avec le répertoire romantique tout en démontrant sa capacité d’adaptation à un répertoire plus intime. « C’est un double jeu, explique-t-elle à Vincent Josse dans La Récréation (France Inter) en 2017. Tout en restant très intime avec notre instrument, on peut aussi révéler nos émotions.»
L’émotion, c’est ce qui semble toujours guider et motiver Khatia Buniatishvili. Elle choisit par plaisir, par affinité, y compris en dehors de sa musique. Comme Frédéric Chopin 180 ans avant elle, la pianiste élit par exemple domicile à Paris, capitale dans laquelle elle dit se sentir bien, tout simplement. En 2017, elle obtient même la nationalité française.
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Buniatishvili & Cie
On connaît bien la Khatia Buniatishvili (super)soliste, au devant de l’orchestre, mais on connaît moins la Khatia Buniatishvili chambriste : en duo avec Renaud Capuçon, en trio avec le violoniste Gidon Kremer et la violoncelliste Giedre Dirvanauskaite, ou encore à quatre mains au piano avec sa soeur Gvantsa Buniatishvili.
Avec la musique de chambre, Khatia Buniatishvili témoigne de sa fidélité envers les compositeurs romantiques (Schubert, Liszt, Brahms, Franck, Dvorak) mais se permet aussi d’explorer d’autres répertoires. Explorations poursuivies en soliste par la pianiste et que l’on retrouve dans deux de ses disques : Motherland (2015) et Kaleidoscope (2016).
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Rachmaninov et la Russie
Sergueï Rachmaninov occupe aujourd’hui toute l’attention de Khatia Buniatishvili : en 2017, elle lui a consacré son dernier disque et a fait entendre ses concertos partout à travers le monde.
Un parallèle est souvent établi entre le compositeur et la pianiste : lui a quitté l’Union soviétique au lendemain de la révolution d’octobre 1917, et elle refuse toute invitation à se produire en Russie, dénonçant la politique menée par son président Vladimir Poutine. « Pour moi, les choses sont très claires : on n’envahit pas un pays qui ne vous appartient pas », déclarait-elle au journal Libération au sujet de la Crimée .
Khatia Buniatishvili apprécie pourtant peu ce parallèle car elle n’encourage pas la récupération politique des grands noms de la musique.En 2016, sur le plateau de l’émission 28 Minutes, elle rappelle que ce qui l’intéresse en premier lieu chez Rachmaninov, ce sont ses oeuvres.
Les 1er et 2 mars 2018, sur la grande scène de l’Auditorium de Radio France, Khatia Buniatishvili interprète le Concerto n°2 de Rachmaninov, une pièce du répertoire pour piano qu’elle affectionne tout particulièrement et dans laquelle elle trouve « une vraie complexité, cachée derrière le charme et la générosité »*. Un concerto qui se trouve, finalement, bien à son image.
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*Khatia Buniatishvili en avril 2017, dans la Récréation de Vincent Josse sur France Inter