L’Orchestre national d’Ile-de-France ouvre son studio de musique de film
Par Victor Tribot LaspièreA Alfortville, l’Orchestre national d’Ile-de-France inaugure son studio d’enregistrement de musique de film. Un équipement unique en France qui devrait permettre d’attirer les producteurs et les compositeurs.
Pour comprendre comment l’idée de construire un studio d’enregistrement de musique de film à Alfortville est née, il faut prendre connaissance de quelques chiffres : 40% des tournages de productions françaises sont tournées en région Ile-de-France, et 50% de productions étrangères. C’est à partir de ce constat que Fabienne Voisin, directrice de l’ Orchestre national d’Ile-de-France, son équipe et les musiciens, ont décidé de s’embarquer dans cette aventure.
La région Ile-de-France possède en effet de nombreux atouts pour attirer les tournages : variété des décors, dispositifs de crédits d’impôts, aides territoriales, etc. Pourtant, l’enregistrement de la musique de film apparaît comme le parent pauvre de cette économie grandissante.
Depuis des décennies, les studios de Londres ou de Prague ont la faveur des compositeurs car ils disposent de grands espaces pour accueillir des orchestres symphoniques et des chœurs. Mais c’est principalement la complexité de la gestion des droits des musiciens a également de quoi décourager les enregistrements en France, car c'est au cas par car qu'il faut négocier les droits pour l’utilisation qui sera faite de la musique.
L'aspect juridique a été la clé du succès de ce projet de studio, explique Fabienne Voisin, directrice de l’Ondif. « La première étape en interne a été de redéfinir notre accord audiovisuel avec les musiciens. Je dois avouer qu’ils ont été tellement réceptifs à cette idée, qu’ils nous ont permis d’aller au-delà même de ce que nous avions imaginé ».
Pour la directrice de l’Ondif, cet engagement des musiciens a permis de faire voler en éclats l’idée que les orchestres français ne seraient pas très portés sur l’enregistrement de musique à l’image. Dans ce cas précis, les musiciens ont accepté un accord collectif comprenant une rémunération plus élevée mais qui englobe tous les cas de réutilisation de la musique.
Unique grand studio de France
Ces points administratifs peuvent paraître anecdotiques mais ce sont bien eux qui ont permis au projet de studio de voir le jour. L’Ondif a donc installé un studio d’enregistrement dans sa maison-mère située à Alfortville, utilisée jusqu'à présent pour les répétitions. Une grande salle de 450 m2 pouvant accueillir jusqu'à 300 musiciens, soit un grand orchestre et un chœur et une petite salle pour enregistrer la musique de chambre, les groupes de jazz ou les solistes. Les deux espaces peuvent servir à enregistrer simultanément ou indépendamment.
Après la fermeture des Studios Davout en 2017, du Studio Grande armée en juin 2018, il ne reste plus de studios en France ayant cette capacité d'espace. Celui qui vient d'ouvrir à Alfortville est doté d’équipements dernier cri. Il permet aussi d’enregistrer et de mixer en son immersif, soit le son binaural, soit en Atmos. Mais l’avantage principal du studio réside avant tout dans son orchestre. C’est l’avis du compositeur Gabriel Yared, parrain du studio et auteur de nombreuses musiques de film dont Le Patient Anglais, pour lequel il a reçu l’Oscar en 1997.
« Evidemment, on vient ici pour bénéficier d’un studio qui est à la pointe sur le plan de la qualité technique, mais il y a surtout un orchestre à disposition dont on peut profiter. Avec des conditions qui sont très rares dans l’industrie de la musique de film. Et c’est surtout cela qui m’intéresse. L’orchestre est à la hauteur du studio ». Gabriel Yared le reconnaît lui-même, il a principalement enregistré sa musique en Angleterre ces dernières années. « Je pense que la France et même l’Europe, manquent de ce genre d’entités. Un studio ultra moderne et un orchestre de qualité ».
Le compositeur se dit convaincu de la réussite du projet. Notamment grâce à l’aspect financier qui permet de proposer une prestation de haute qualité tout en assurant une maîtrise du budget. L’Ondif propose un tarif de 15 000 euros pour 20 minutes d’enregistrement, comprenant la location de l’orchestre, du studio et des ingénieurs du son. Un prix fixe, peu importe le nombre de musiciens ou le nombre de sessions d’enregistrement nécessaire.
L’Ondif a déjà enregistré sa première musique de film avec la bande originale de Minuscule 2, composée par Mathieu Lamboley. La région Ile-de-France a mis sur la table 1 million d’euros, sur les 1,2 du coût total du studio. En s’engageant ainsi, la région poursuit son engagement dans l’économie du cinéma, en pleine forme ces dernières années.